Le groupe des cinq aixois habitués à randonner ensemble, se retrouve pour une randonnée à l’abbaye Saint-Michel de Frigolet, randonnée souhaitée par Marie et Majo. Etant déjà partie de Graveson et de Boulbon, j’ai choisi aujourd’hui de partir de Barbentane.
L’album photos Barbentane-Frigolet
Nous stationnons face au moulin de Bretoule : Majo en a entendu parler et ce sera notre première visite. Nous avons d’abord circulé autour du moulin, le dernier encore intact, restauré par M. Chaix. Son dernier occupant, Claude Berlanguier étant bègue (provençal bret, breto : qui bégaie), le moulin prit le nom de Bretoule. Ce sobriquet a perduré dans la famille jusqu’à son arrière-petit-fils… Il a été construit en 1774 (la date est inscrite sur le linteau de la porte d’entrée du moulin) par Louis Berlandier et Pierre Deurrieu…
Il a fonctionné 70 ans. Vous y verrez encore un puits carré, des meules , et les restes d’un ancien moulin situé en léger surplomb de Bretoule. D’après Histoire de Barbentane, Robert Jarno, père Henri Linsolas, les Presses du castellum, 1981 (épuisé, existe en version numérique)
C'[Claude Berlandier] était un homme curieux. Il se rendait souvent dans la plaine et, quand il pouvait attraper une couleuvre, il se régalait du rôti qu’il en faisait sur un feu de bois.
Il avait de faibles ressources. Il avait déclaré qu’il se supprimerait quand il n’aurait plus que deux sous pour prendre un café.
Un matin, ne le voyant pas comme à l’accoutumée, ses amis avisèrent la Mairie. Les gardes-champêtres se rendirent alors au moulin, et virent Claude Berlandier se balançant au bout d’une corde. Il s’était pendu.
[ndlr : Dans sa poche il ne restait plus qu’un sou !]
Ainsi disparaissait le 25-08-1898 le dernier des Bretoule.
D’après René Jarno et Henri Linsolas, anecdote rapportée dans Barbentane, nos moulins
Pour rejoindre la rue du Séquier, nous passons dans un petit sous-bois qui évite de marcher sur la route ; en haut du talus, une croix pattée blanche, aux flèches triangulaires, sans inscription et qui ressemble à la croix occitane : que marque-t-elle ? des croix, il y en a plein à Barbentane ; sur le site personnel Lagramillère, aucune ne ressemble à celle là.
La vieille et haute tour Anglica (28 m de haut, 10 m de côté, 140 marches), derrière le mur d’enceinte, arbore fièrement ses mâchicoulis et son blason tout en hauteur. Bâtie en seulement deux ans (1364/1365) par le maître d’œuvre Sicard de Fraximo, elle a été financée par Anglic de Grimoard, seigneur majeur de Barbentane et frère du pape Urbain V.
Nous descendons au bord de la rue du Séquier avec au loin, la porte sud de la ville.
Après un petit problème d’orientation, je trouve la bonne route vers le sud, en direction du mas de Bassette et de l’Etang ; le sentier traverse une vaste plaine avec autrefois un étang qui figure sur la carte de Cassini (1772-1776) ; la végétation par endroit se souvient que le lieu peut être encore humide : canne de Provence, joncs. Autrefois on y cultivait la garance, teinture naturelle qui servait à teindre les vêtements de l’armée française. Mais en 1868, à l’invention de l’alizarine, il fallut se reconvertir. Aujourd’hui ce sont des champs d’oliviers.
Nous tournons sur la route des carrières ; des fûts taillés dans les carrières et abandonnés gisent au sol. La Croix de Chou(r)let élevée vers 1740 par Louis Choulet, a été restaurée en 1802 par Jean Joseph Ayme… c’est là que nous tournons.
A l’embranchement qui se dirige vers le mas de Ferrier, un mur bizarre et un très vieux pont romain (ou à l’emplacement d’un pont romain ?) : aujourd’hui le ruisseau est à sec. Le fossé du Colombier arrive perpendiculairement au pont romain qu’il traverse en se jetant derrière un mur, dans un chenal. […] Un chemin à l’est relie le Mas de Madame, alors villa romaine construite sur l’ancien camp ligure, à ce pont ; l’autre à l’Ouest relie le même mas au Puits de la Ville, pour que les convois ou troupeaux ne se croisent plus. Les pierres massives qui le [mur] constituent sont accrochées entre elles par des tenons dans lesquels un lien en fer était inséré pour stabiliser l’ensemble. Selon le site personnel Barbentane, mur et chenal
Le Mas de Madame est construit à l’emplacement d’une villa romaine dans laquelle on a retrouvé des tuiles et poteries ; selon Jarno et Linsolas, ce ‘castel des Dames’, maison plus ou moins fortifiée, appartenait au système de fortifications de Barbentane, sinon pourquoi la commune reprocherait-elle au propriétaire l’état des remparts du castel non réparé ? ‘Dame’ est un vieux terme qui honore une dame du peuple mais laquelle ?
Nous quittons les ‘plaines de la Montagne’ pour entrer progressivement dans une zone de plus en plus boisée.
Pour arriver à l’abbaye, tombant sur un sentier barré, nous avons louvoyé dans la bonne direction, empruntant un des multiples sentiers étroits et intimes, grimpant finalement une rude côte pour rejoindre l’esplanade devant l’abbaye.
Nous entrons par le portail près de la tour qui ressemble à celle de mon jeu d’échecs. A l’intérieur, nous déambulons au gré de notre curiosité, attirés par :
- une vieille affiche sur la liqueur des Prémontrés (qui a inspiré Daudet et que l’on retrouve dans cette vidéo en noir et blanc L’elixir du RP Gaucher) ;
- l’abbatiale (la basilique plutôt) et sa luxuriante décoration colorée ;
- les informations historiques : Frigolet est mentionné pour la première fois en 1133 ou le célèbre Félibre Révérend Père Xavier de Fourvières dont je possède le dictionnaire provençal-français ‘Lou pichot Tresor’ ;
- la bibliothèque historique et ses statues de pierres en haut de la tour.
- le magasin…
Un noyau ancien à côté d’un rêve néogothique du XIXe.
Non loin du calvaire, nous nous installons sur une table de pique-nique.
Le site de l’abbaye
Avant de quitter les lieux, nous entrons dans le restaurant de l’abbaye, pour y prendre un café. Sous la tonnelle, qu’est ce qu’on est bien ! c’est là qu’on se promet de revenir faire deux randonnées en huit (une le matin, une l’après-midi) et de manger ici entre les deux. Nous avons pris le même engagement pour Lure… Non, ne pensez pas que nous ne songions qu’à manger, nous marchons aussi !
Passage dans la boutique avant de repartir. A côté des produits traditionnels tels que miel, huile et sirops, vous trouverez des produits sophistiqués ; j’y ai acheté une gelée de bière au gingembre dans un beau flacon de verre épais qui n’en contient presque pas et dont le goût ne m’a pas convaincue… Horaires du magasin
La modeste église saint-Michel invite au silence, c’est sûr, avec sa fade lumière couleur lavande. Marie remarque la statue de Saint-Michel terrassant le dragon et surtout la surprenante statue en albâtre de la ‘Vierge allaitant l’enfant Jésus’ (XVIe) : malgré plusieurs visites, je ne l’avais pas remarquée jusqu’ici.
Mais il nous faut repartir par un chemin qui longe la route vers le nord. Puis un sentier traverse les champs d’oliviers, s’élève progressivement, dominant au nord-ouest la cheminée de la centrale électrique d’Aramon et le Rhône et au sud-est, une piscine privée qui tente bien Dominique… mais plus loin, il y a aussi le Ventoux, le plus haut des monts visibles sans paire de jumelles. Le passage sur la crête rocheuse demande un peu d’attention surtout dans la descente caillouteuse mais en bas, nous retrouvons une vraie piste bordée de pins.
Sur le chemin de l’Auriol et Mouroumiou, un des quartiers les plus faiblement cultivés au XIXe, je ne vois qu’un seul gros rocher : c’est celui équipé pour l’escalade. Un peu plus loin, sur une souche d’arbre cloutée sur un arbre, un message « en mémoire de Yoan décédé le 6/11/2015 ».
La mairie de Barbentane rend hommage à Yoan Laberthe, 29 ans, mort et enterré à Cosne-Cours-sur-Loire, très engagé dans la fête du carnaval de Barbentane. Bulletin municipal de décembre 2015.
Nous rejoignons notre voiture par le chemin des moulins où se trouvait en enfilade les six moulins à vent d’autrefois. Fin XIXe, il ne reste qu’un moulin sans ailes et il n’y a pas encore d’arbres sur la côte.
Qui a dit que l’on allait se quitter ainsi ?
Direction le centre du village par la porte du Séquier dont nous voyons l’autre face côté village ; munie autrefois d’une herse sarrazine qui coulissait dans une glissière que l’on voit encore, elle était manœuvrée à l’aide d’un treuil. La grille devenue inutile a été vendue aux enchères à un forgeron de Tarascon en 1724.
- La maison des chevaliers, maison seigneuriale de Guillaume de Barbentane, vassal de l’évêque d’Avignon. Arcades et colonnettes datent du XVIe ;
- L’église Notre Dame de Grâce, bâtie au XIIe se trouve à côté du puits communal creusé dans le roc à 36 m de profondeur avec 6 m d’eau ; elle a été agrandie ou restaurée plusieurs fois : une flèche et un porche en 1492, reconstruit en 1985 ;
- La maison de ville, première mairie, datant de 1670. La date en haut de la tour d’angle hexagonale est la date de restauration ;
… et un coin pour se rafraîchir.
- La fontaine du Cours, cours qui a changé de nom plusieurs fois (en 1942, Cours Pétain). Construite en 1858 sous l’influence du marquis de Puget de Barbentane, bénie par l’archevêque d’Aix Arles et Embrun, Chalandon ;
- La prison et ses meurtrières ;
- Le moulin et le parking.
Une randonnée fort agréable, très différente à l’aller et au retour, pas difficile. L’abbaye de Frigolet est très fréquentée quand il fait beau car accessible en voiture. Petite balade ou grande randonnée : tout est possible.
Image de l’itinéraire 15.415 km, 4h36 déplacement (8h au total avec visites), 91 m dénivelée (+281, -281)
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comme toujours, tu nous régales de tes comptes-rendus détaillés de tes balades ; dommage que ce ne soit pas si près de chez nous, j’aurai bien aimé te suivre