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** Le fief de Roquefeuil, une boucle pour quatre centres d’intérêt


Roquefeuil, graphie ancienne : voilà une randonnée avec plusieurs centres d’intérêt que je voulais visiter depuis longtemps dans une boucle unique grâce à Pierre Pélissier, historien local et journaliste décédé en 2022, qui me les avait localisés ; la découverte d’une piste privée et barricadée nous a obligés à innover, ce qui a rendu le circuit plus long, plus physique mais aussi plus insolite…

Partis du classique parking de départ de randonnées à Pourcieux le long de la D7, nous montons régulièrement ; face à nous la croix de Pourcieux et une piste ravinée ayant transporté de gros cailloux ; après le poste de chasse, ignorant l’avertissement au croisement de la cote 510 dans le Defens, nous poursuivons pensant que l’interdiction ne concernerait que les véhicules ; à peine 250 m après la cote 535, nous trouvons une voie barrée indiquant une « propriété privée », « chasse gardée ».

Demi-tour pour prendre l’autre piste qui traverse cette propriété privée mais n’est pas interdite. Les falaises du mont Aurélien nous dominent avec la Titet1 en tête, aiguille de pierre qui se détache du mont Aurélien ; sainte-Victoire joue entre ombres et soleil.

A la citerne (cote 641) nous tournons à droite sur la piste des contrebandiers ; un poste de chasse aux petits oiseaux est installé des deux côtés de la piste ; cette chasse typiquement provençale, souvent, choque les protecteurs de la nature et les non-chasseurs…

Guyonnet Marie-Hélène, Le Midi «barbare et obscurantiste». La chasse aux petits oiseaux en Provence, In: Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°1-2/1993. L’identité vécue. Discours, rites, emblèmes (Provence, Languedoc, Hautes-Alpes) pp. 127-146

En de multiples ondulations sur le plan vertical et horizontal, la piste va descendre jusqu’au carrefour vers le château de Roquefeuil (590m), annoncé quelques dizaines de mètres avant : un mur apparaît au bord de la falaise. Au carrefour, un sentier pentu à droite invite à la découverte.

Visité plusieurs fois (Le château de Roquefeuil en période de chasse), ce château conserve quelques traces de sa construction au moyen-âge bien qu’abandonné depuis le XVe siècle : d’abord le mur d’enceinte sur votre gauche ; un peu plus loin côté ouest, André croit pouvoir identifier les ruines de l’église Saint-Pierre, en tous cas ce sont les vestiges d’un bâtiment aux murs très épais dont le chœur est bien orienté à l’est…

En bordure de falaise, en ayant conscience du danger, vous aurez un point de vue privilégié sur Sainte-Victoire, la plaine et les éoliennes de Rians… A l’est, les vestiges d’un autre bâtiment voûté en berceau plein-cintre, sans ouverture, a encore plusieurs mètres d’élévation : une citerne peut-être.

Le nom de Roquefeuil apparaît dans une charte non datée [XIe environ] […] qui enregistre la donation de deux églises et de plusieurs terres « in Rocafolio ». […] Le lignage était encore représenté en 1383 par Isoarde de Roquefeuil, veuve du seigneur d’Ansouis Jean de Sabran, et par son frère Philippe […]. La forteresse avait encore un rôle militaire dans la guerre de l’Union d’Aix. Mais les pouillés et les visites pastorales du 14e siècle ignorent les églises de Roquefeuil.

Base Mérimée

Après un pique-nique dans une clairière au milieu des ruines, nous redescendons jusqu’à la piste pour emprunter le détestable PR (sentier de promenade), raviné, pentu, caillouteux, des cailloux roulants dans lesquels on se tord les pieds : tout ce que je déteste ; quelques passages de sol noirci font penser à des charbonnières, ce qu’André ne contestera pas…

Je guette sur la droite le mur d’enceinte qui m’annoncera la bergerie de Roquefeuil. Je suis toujours impressionnée par cette belle construction massive, qui aurait mérité d’être restaurée quand il était encore temps. Je n’ose aller jusqu’à la citerne aux carreaux vernissés car l’entrée voûtée est un peu plus écroulée que lors de ma dernière visite en 2014 ; Pierre Pélissier m’avait précisé qu’il s’agissait d’une cuve vinaire.

Lou pouts2, maison et jas, se situent à l’extrémité sud du grand fief de Roquefeuil (versant sud de la montagne) comme en témoigne le cadastre napoléonien ; à la Révolution, une bergerie de Roquefeuil se trouverait à l’extrémité nord du fief que le père d’Hyppolite Isoard de Chénerilles avait acquis de son cousin [François d’Agout de Roquefeuil]. D’après un échange de mails avec Pierre Pélissier.

Mais la bergerie que je visite aujourd’hui ne figure pas sur le cadastre de 1818 (AD83, cadastre napoléonien, Pourrières, section Eu Roquefeuil)… Pierre Pélissier, Pourrières-en-Provence 1797-1999, Ville de Pourrières, 1999, n’explique pas dans son livre cette apparente contradiction. Est-ce un bien non recensé de l’émigré Isoard ou une construction plus tardive par un autre propriétaire, Louis Maurice Chateauneuf (Etat de section pp.241 et suiv.) ? Administrateur dans la commune de Saint-Zacharie (1830-1834), celui-ci est propriétaire de la parcelle en 1812, ainsi que de la chapelle Saint-Barthélémy.

La descente continue, plus aisée maintenant, jusqu’au carrefour avec l’ancien chemin de Saint-Zacharie à Pourrières. Tout droit, sur la droite, le puits d’entretien d’un canal qui devait alimenter en eau la citerne de la verrerie ; le site est enfin débroussaillé et fouillé. Lire Roquefeuil, une verrerie provençale aux XVIIe et XVIIIe siècles, Danièle Foy et Lucie Vallauri, Laboratoire d’archéologie médiévale méditerranéenne, 1989. Pas si mal situé puisqu’elle était proche de la route royale de Marseille à Draguignan, qu’elle a un sous-sol de grès tendre qui fournissait la chaux et la silice entrant dans la composition du verre, de l’argile rouge pour la fabrication des fours et creusets.

Nous sommes entrés directement dans la halle en passant devant un premier four ; même avec le plan, j’ai du mal à identifier la salle des pots et les fours de recuit. Grâce à la photo en noir et blanc, j’ai reconnu quand même le four de fusion et l’alandier3 menant au cendrier. Les fours dont des fours de recuit4 sont incomplets. Un petit habitat jouxte l’atelier ; une ancienne bastide encore occupée jusque vers 1643 fut même arasée pour construire la verrerie.

Extrait document Foy/Vallauri

La fouille de la verrerie des 17e-18e siècles située au pied du castrum, à quelques centaines de mètres de l’église Saint-Barthélemy, a mis au jour les vestiges d’habitations que leur matériel a permis de dater du 14e siècle. […] Il est en revanche certain que les maisons dénombrées à partir du début du 16e siècle […] étaient des bastides dispersées dans la vallée. Base Mérimée

Presque en face, des restes de planeur, aujourd’hui ne plane au sol qu’un petit bout d’aile ; selon un lecteur de randomania Le numéro de registre de l’avion est F-CBJO. Il s’agit d’un planeur  Castel 301 S qui s’est visiblement crashé dans les années 70. Je n’ai rien trouvé dans la presse régionale sur cet accident (photo de mars 2014).

La chapelle Saint-Barthélémy, chapelle mineure de Roquefeuil, est à gauche du chemin, envahie par la végétation. Tout juste reconnait-on le presbytère à côté.

Elle était encore utilisée à l’époque des verriers.

Ruines de la chapelle Saint-Barthélemy : petit édifice à nef unique de deux travées et abside semi-circulaire ; construction assez médiocre parementée en moellons bruts ou à peine équarris posés en assises peu régulières, probablement voûtée en berceau sur un doubleau à simple rouleau ; petit corps de bâtiment (logis du desservant ?) appuyé contre le mur sud ; éboulis et fragments de murs de plusieurs autres bâtiments aux alentours.

Le retour prévu, encore possible en 2014, ne l’est plus : il passe dans la même propriété privée qu’à l’aller. Nous étudions à l’aide de la carte les solutions possibles : les bords du canal de Marseille branche-Est mais pourra-t-on les suivre dans sa partie souterraine ? Une descente embroussaillée vers La Neuve mais au-delà sera-t-elle d’accès public ?

Finalement je propose de revenir par la route, ce qui rallongera sensiblement la boucle mais sera sans risques de devoir faire demi-tour. Peu avant le canal, un sentier étroit et raviné surprend par sa couleur. En arrivant au bord de la route D6b, une idée surgit dans nos têtes : la ligne SNCF désaffectée qui se dirige dans la bonne direction et passe donc au pied du domaine de Roquefeuille ; hélas, impossible de la rejoindre sur un talus trop haut à cet endroit !

Ligne Carnoules (83) – Gardanne déclarée d’utilité publique en 1869, ouverte entre Gardanne et Trets en 1877 puis trois ans plus tard entre Trets et Carnoules. Fermée aux voyageurs en 1939. Bien que neutralisée entre Carnoules et Peynier-Rousset, la ligne a été régulièrement entretenue du fait de son caractère stratégique. Elle était occasionnellement utilisée pour la circulation de trains militaires en provenance ou à destination du Camp de La Motte-Roseline (quelques fois par an). Cette situation a perduré jusqu’à la fin de l’année 2018. Histoire de lignes oubliées

A regret nous marchons sur le bord de la route ; André repère bientôt la ligne de train, au niveau de la route ; nous traversons le talus peu profond ; les traverses de bois servent de points d’appuis mais ne sont pas placées régulièrement ; parfois, on marche sur le côté ; quelques ouvrages d’art de construction typique du XIXe, puis un croisement où nous évoquons la possibilité de nous échapper par un chemin.

Un rouge-gorge (le voyez-vous ?) sautille près de nous, pas effrayé outre mesure. Finalement nous repartons par la voie ferrée jusqu’au pont sous l’ancienne nationale 7 : il va donc falloir trouver un passage sur le côté et atteindre la route par une courte montée. Nous avons choisi le tracé le plus visible, sur la droite qui, rapidement, aboutit bien sur la route mais… le long de l’allée du jardin d’une propriété privée. Je vous suggère donc de sortir par la gauche le long des vignes, ou après le pont. Il reste 500 m à parcourir le long de la route.

L’étude détaillée de la carte IGN superposée au cadastre, me laisse supposer qu’il est possible de rejoindre la route en partant du second virage (vers l’est) après la chapelle Saint-Barthélémy jusqu’au canal dont on suivra la berge jusqu’à Miey5. A l’occasion je testerai, à moins qu’un internaute le fasse avant moi.

Une autre rando sportive dans le coin par Gérard Le Mont Aurélien, une traversée

Accès carte IGN partagée et en ligne avec points

Itinéraire 14km 4h30 (6h20) 352m (+597, -597) : attention le tracé à la sortie de la voie de chemin de fer n’est pas corrigée.
Télécharger la trace

1titet : peut-être de titè = poupée en provençal
2lou pouts : les puits ; existe-toujours
3alandier : bouche ou foyer placé à la base d’un four
4four de recuit : four de verrier dans lequel le verre est recuit après coulage. La recuisson était opérée autrefois dans des fours à voûte surbaissée
5Miey : selon la toponymie de Robert Rieu, milieu ; en effet ce quartier passe entre Pourcieux et Pourrières (limite communale)

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