GR 2013 urbain : Martigues (2ème partie)


Cet article fait suite à la publication du GR 2013 : de Chateauneuf à Martigues (1ère partie), le sentier de grande randonnée inter-urbain balisé à l’occasion de Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture ; le parcours a été réalisé en une seule journée mais je vous le présente en deux articles. Partie avec quelques préjugés à cause de la proximité de l’étang de Berre et des industries chimiques, j’ai finalement été séduite par ce parcours : agréable promenade le long de l’étang (pas de pollution visible), cheminement dans de petites ruelles calmes chaque fois que possible, un site archéologique à ciel ouvert et un final à la chapelle Notre Dame des Marins. Beaucoup de variété dans les paysages, beaucoup de découvertes mais selon moi, ce GR n’a d’intérêt qu’accompagné par des guides connaissant les lieux comme ceux des associations locales de la Fédération Française de Randonnée.

La météo à cet endroit
avec prévisions à 3 jours

Le littoral est un espace industriel gagné sur l’ancien étang de Caronte par remblaiements successifs : des entrepôts et le stockage à sec de bateaux de plaisance occupent les rives Sud du chenal de Caronte. Extrait de la fiche 18 : la chaîne de L’Estaque, la nerthe, la côte Bleue, CG13

A la découverte des belles Martigues, Med &Vero wouhou

Il me faut traverser d’abord l’emblématique pont levant qui laisse enter les bateaux dans le chenal : il  faut attendre une vingtaine de minutes pour que s’opère la manœuvre d’ouverture et de fermeture du pont levant.

[Le pont levant], curiosité touristique pour les uns, fâcheux contretemps pour les autres. Selon Revue reflets n°36

Le pont levant date de  1962, il a remplacé l’ancien pont tournant (1929) dit « le Pont du Roi ». Il relie l’Île et Jonquières. 1 500 ouvertures par an en moyenne. Depuis 1962, trois accidents mortels sont survenus : le dernier […] dans les années 90, a causé la mort d’une dame qui a voulu traverser et enjamber le vide alors même que les barrières piétonnes étaient fermées. Le pontier se plaint des automobilistes qui ne respectent pas le feu rouge, poussent les barrières de sécurité ou lui lance un signe rageur. Deux tiers du trafic concernent les bateaux de plaisance, un tiers les navires marchands, gaziers et chimiquiers, qui livrent la raffinerie de Berre. Revue municipale Reflets n°36

Pour la dixième année, le désormais traditionnel village de Noël de Martigues se réinstalle sur le quai des Anglais. Je me faufile entre les chalets de bois n’ayant pas trop le temps de découvrir les créations des artisans : bijoux, maroquinerie et… stands gastronomiques.

Je longe maintenant l’étang de Berre ; un cygne élégamment virevolte sous mes yeux ; entre espace vert et littoral, la promenade ne s’apparente plus à de l’urbain. Le GR tourne à droite, à gauche, empruntant de petites ruelles calmes, et débouche sur Tholon en travaux.

Quel n’est pas mon étonnement de me trouver face aux fouilles archéologiques de Tholon, indubitablement liées au captage et à l’utilisation de l’eau douce sur le site : long bassin de lavage (1780-1960) et d’évacuation de l’eau de la source de Tholon dont on a retrouvé les citernes, les conduites, le captage, les galeries  ; en contournant le site barré, je découvre des murs antiques, des îlots d’habitations, des voies caladées, en cours de restauration. Dans l’îlot d’habitation ci-contre, de remarquables éléments des parois murales peintes et décorées à la fresque ont été mises au jour. Pour rénover le site, certaines pierres seront remplacées par de la roche du Pont du Gard, les carrières de La Couronne n’étant plus en fonction.

En 1998, le service archéologique de la ville de Martigues a identifié l’agglomération antique, connue par les textes sous le nom de Maritima Avaticorum, occupée entre le 1er siècle av. J.-C. et le Ve siècle apr. J.-C. Il y aurait même dans l’eau, sur près de 1 ha, des vestiges d’aménagements portuaires antiques. Lors du déclin romain et la prise d’Arles (480) Maritima Avaticorum, non fortifiée et exposée dans la plaine, est abandonnée au profit des hauteurs (ancien oppidum de Saint-Blaise par exemple).

De l’église du moyen âge – Sancta Trinitatis de Tullone – il ne reste plus rien mais la citerne de la source de l’Arc pourrait presque fonctionner à nouveau ; une date (1817) et le nom du bâtisseur (B. Courbon) sont gravés dans la pierre sur le côté intérieur d’un mur.

En fonction au moins dès le XVIIIè siècle, elle est composée dedeux réservoirs voûtés en plein cintre, maçonnés en pierre de taille, dont les façades sud et nord apparaissent percées de plusieurs ouverturess, destinées au puisage de l’eau. Jean Chausserie-Laprée

Sur le côté, quelques marches sont encore visibles : l’étage auquel on accédait servait probablement de salle de pompage de l’eau stockée dans les citernes. Une photo extraite du document de Chausserie-Laprée montre le bâtiment surmonté d’un étage en maçonnerie de pierre, lui-même couvert d’une toiture de tuile.

Un peu plus loin, pas moins de cinq bassins contigus de dimensions différentes ont été mis au jour (100 m2 env.) et bâtis à même le terrain naturel de marne : quel intérêt avaient-ils pour la communauté ? Recouverts à l’origine d’un béton de tuileau hydraulique, ils sont caractéristiques des structures antiques destinées à accueillir des liquides : souvenez-vous de l’archéologie de l’aqueduc romain de la Traconnade. Le grand bassin en contre-bas, semble être le réceptacle des quatre autres. Bien qu’il y ait quelques ressemblances avec le vivier romain que j’avais vu à Fréjus, l’architecte de Martigues pense plutôt à une citerne d’eau douce. Entre la fontaine de la source de l’Arc au nord et le lavoir de Tholon au sud, un aqueduc enterré traverse la parcelle.

Je traverse le site désert de l’école de voile de Tholon, école qui en 2010, organisait les championnats du monde de planche à voile. Tiens, le lycée Paul Langevin, établissement scolaire dont le nom m’est très familier (je travaille dans l’éducation nationale) mais que je n’ai jamais visité.

Les sondages exécutés sur le parking du lycée ont permis d’appréhender précisément l’extension du site antique, bordé par une large route périurbaine, […] qui mettait en relation Arles et Marseille par la voie côtière. Jean Chausserie-Laprée

Restitutions et mise en valeur d’habitats : l’exemple de Martigues (Bouches-du-Rhône, France), Jean Chausserie-Laprée, 2008 (?)

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GR 2013 : de Chateauneuf à Martigues (1ère partie)


Cette fois j’ai choisi un bout du GR®2013 inter-urbain entre Chateauneuf-les-Martigues et Martigues, presque 20km ; il faut donc deux voitures, l’une au parking du centre commercial Carrefour à la sortie de l’autoroute A55 la Mède, l’autre au parking de Jonquières à Martigues avant le pont mobile (13km environ) ou sur le parking de la chapelle notre dame des Marins (20km environ) ; je vous livre la première partie jusqu’à Jonquières.

J’ai préparé la route sur mon GPS à partir du projet de tracé que j’ai trouvé sur internet. Cela ne ressemble pas à mes parcours habituels. Après tout ce GR balisé pour Marseille-Provence 2013 capitale de la culture, mérite d’être découvert avant d’être jugé.

La météo ce jour à chateauneuf-les-martigues/13 :
Avec le vent et la température ressentie

Entre la zone industrielle de la Valampe et le moto-cross, face à moi, la chaîne de l’Estaque. Rapidement je trouve la première trace de GR à côté d’une borne du pipeline TRANSETHYLENE, qui assure le transfert d’éthylène entre les sites de Lavéra, Berre, et Saint-Auban (Alpes de Haute-Provence, 04).

On le sait peu mais des accidents dus à ces canalisations ont déjà eu lieu ; ils sont classés en fonction de leur gravité croissante (G0 à G4 : incident majeur), de leur perception à l’extérieur (P0 à P2), et de leur maîtrise-évolution dans le temps (A : maîtrisée, C:  évolutive). Par exemple Naphtachimie Martigues Lavéra (13), 5 septembre 2009, G2/P2, une canalisation de vapeur d’eau à 300°C sous 25 bars se rompt vers 15h10. Un sifflement important est audible hors de l’usine. Une ligne d’éthylène proche endommagée fuit légèrement […] Extrait du document Prévenir et réduire les risques accidentels (industriels et miniers). Mais il y a eu aussi un évènement G3/P2 qui a provoqué la mort d’un ouvrier.

Le sentier passe entre l’autoroute et un lotissement au milieu de quelques arbres gommant l’impression d’être dans une zone industrielle ; l’endroit a été nettoyé mais des déchets résiduels témoignent d’une présence humaine peu respectueuse des lieux. Bientôt j’entre dans le vallon du Saut que j’avais déjà visité. Dans l’article le vallon du saut et canton, vous trouverez l’origine de ces dénominations curieuses que j’écris volontairement avec une minuscule. Dans les puissantes parois rocheuses constituées de calcaire blanc urgonien (urgonien = de Orgon, Bouches-du-Rhône) du versant nord de la chaîne de la Nerthe, des voies d’escalade ont été installées. C’est sans doute par là qu’est placée la cache Chichifada de Athoomas que vous trouverez moyennant un petit détour.

Curieuse pierre percée sur la droite. Après une belle grimpette, au sommet (196m environ), par temps clair, le panorama serait sans doute grandiose sur les étangs de Berre et de Bolmon, avec en toile de fond, les principales chaînes de montagnes de Provence (Etoile, Sainte Victoire, Lubéron, Mont Ventoux, Alpilles).

‘Le plateau  ouvert de garrigue rase à chêne kermès, est désertique ; les lignes à haute tension issues de la centrale de Ponteau balafrent le paysage du plateau sur toute sa longueur’ (extrait de l’Atlas des paysages des Bouches-du-Rhône – 18 – La chaîne de L’Estaque, la Nerthe, la Côte Bleue, CG13, 2007) ; les sentiers ou pistes forestières se croisent sans arrêt et il faut être attentif pour repérer le balisage rouge et or. Celui que j’emprunte s’enfonce dans le vallon sombre de Maximin dans lequel je ne croise âme qui vive : la nature sans rien d’autre. A un croisement de pistes, un Vttiste perdu m’interpelle pour me demander où mène le sentier vers la droite : comme il est entrecoupé par de multiples pistes parfois sans issue, je lui conseille plutôt de suivre le GR®2013 qui le ramènera à coup sûr sur Chateauneuf.

L’ouvrage du canal de Provence, le réservoir de Valtrède s’intègre harmonieusement dans le vallon du même nom, orienté Est-Ouest, appelé au XIXè siècle le ‘petit chemin de Martigues à Marseille’ ; à l’intensité des aboiements d’une meute en furie toute proche, je comprends le sens des panneaux placés le long du champ et sur la  station d’épuration : ‘messieurs les chasseurs, veuillez ne pas confondre svp, mes chats avec les lapins’.

‘La dépression de Saint-Julien correspond à un long fossé tectonique effondré dans l’axe de la Nerthe, dernier terroir agricole de la commune de Martigues, avec ses vignes, ses céréales et son maraîchage’ (extrait de Atlas des paysages des Bouches-du-Rhône – 18 – La chaîne de L’Estaque, la Nerthe, la Côte Bleue, CG13, 2007).  Le chevrier de Saint-Julien a laissé ses chèvres paitre devant le hangar. Des bastides et cabanons en ruines témoignent d’une intense activité passée comme par exemple cette habitation datée de 1761 sur sa façade. Des rigoles de drainage bordées de roseaux longent les parcelles quelquefois soulignées par des alignements d’oliviers. Très étonnée de trouver des champs de vignes le long du chemin, sous les lignes à haute tension, je cherche sur internet le vin qui y est produit ; par exemple, l’A.O.C. Côteaux d’Aix en Provence, Cuvée réservée Rosé, a obtenu la médaille d’or à un concours local et la médaille de Bronze au concours des Grands Vins Foire de Mâcon 2011, label en qui j’ai toute confiance. Cave coopérative Saint-Julien.

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Le sommet du Béouveyre par la cheminée rampante


La cheminée rampante, une idée de Michel qui m’a séduite d’emblée ; toujours à l’affût de curiosités, il m’en a donné les coordonnées géographiques ; j’ai donc élaboré un circuit permettant d’atteindre le sommet du Béouveyre1 en passant par  le sentier noir qui passe par dessus la cheminée. D’après le Topoguide Les calanques… à pied, CDRP 13, FFR, 2007, la randonnée est courte mais sportive avec quelques passages délicats. Comme souvent quand j’inverse le sens de parcours, le balisage sera moins évident à trouver. A noter : une petite erreur dans le GR du guide corrigée dans l’image de l’itinéraire.

La météo à cet endroit
sur 3 jours avec le vent

J’ai bien du mal à trouver une place boulevard du polygone ; 13h c’est sans doute déjà trop tard. Je tâtonne un peu pour trouver le sentier du bois de la Selle (noir) à Saména (du nom de l’usine de soude de Monsieur Saména). Au loin, sur la colline, un long serpent posé sur la colline ondule en bosses irrégulières jusqu’à une énorme cheminée d’évacuation : c’est la cheminée rampante en pierre de l’ancienne usine tartrique de SAS Legré-Mante, longue d’une quarantaine de mètres.

Une fois usiné, l’acide tartrique se présente sous forme de granulés, comme du gros sel ; il est utilisé dans l’acide des comprimés effervescents, dans la vinification de raisins pauvres en cet acide, comme les raisins trop mûrs, l’acide des jus de fruits, des sodas et autres boissons gazeuses, comme stabilisant du goût et de la couleur des produits mis en conserves, dans la métallurgie ; mélangé à d’autres produits pour polir et nettoyer les métaux, chez les cimentiers, l’acide tartrique est un retardateur de la prise des ciments et des plâtres. Selon lakko.fr

L’usine Honoré-François Legré & Cie (1784) est déplacée pour la troisième fois ; elle s’installe à la Madrague de Montredon sur les lieux de l’ancienne usine HILARION ROUX2 (1876-1883) de traitement de plomb argentifère, de zinc et de fabrication de soude ; à partir de 1888, l’usine MANTE-LEGRE et Cie produit de l’acide tartrique, de l’acide sulfurique et de l’acide citrique. Rachetée par Margnat-Tassy en 1979, elle est mise en liquidation judiciaire en juillet 2009. Informations extraites pour partie de marseille forum, Les dynasties marseillaises de la révolution à nos jours, Xavier Daumalin, Laurence Americi, Perrin, 2010

La parcelle contenant l’usine proprement dite est entièrement protégée d’un grillage. Celle que traverse le sentier est occupée par le large et haut carneau3 (on y tient facilement debout, on peut même rejoindre la cheminée verticale) qui concentre les fumées toxiques et restes de la combustion, relié au four d’un côté et à la cheminée verticale de l’autre côté. Les boyaux voûtés qui l’entourent côté usine étaient des chambres de décantation pour certains produits chimiques issus du plomb. Pour l’époque

Un procédé innovant et unique de traitement des pollutions est mis en place avec les installations industrielles. Il s’agit des cheminées rampantes, condensateurs des vapeurs acides […] Extrait du Vol.2, numéro 2 | Mai 2011 : Culture et développement durable: vers quel ordre social ?

Ouverture d'entretienCompte tenu de la pollution généralisée du sol par des métaux (Plomb, Arsenic, Cadmium, Antimoine), il n’est pas prudent de pénétrer dans la cheminée rampante tapissée de dépôts concentrant les métaux lourds, même si les trappes d’accès pour le ramonage et les ouvertures pour récupérer les résidus sont toujours utilisables. Une usine aux installations similaires les mines d’or du Chatelet.

Ce lieu devant servir à construire des habitations avec jardins et potagers, le préfet a ordonné la dépollution du site ; début 2012, il a exigé des prescriptions complémentaires ; la partie de cheminée en amont du canal de Marseille – mémoire de notre patrimoine industriel – ne sera pas détruite.

Plus on monte, plus belles sont les échappées sur la rade de Marseille et la Bonne Mère. Bientôt l’étroit sentier domine un vallon sombre et profond avec, au loin, la Roche Percée. Au détour d’un virage, le sentier est brusquement condamné ; il me faut trouver un autre accès au croisement vers le Béouveyre ; le seul est un pierrier pentu qui me donnera du fil à retordre : je serai obligée de m’accrocher aux maigres arbustes pour ne pas redescendre trop vite ce que j’ai eu tant de mal à monter. Enfin je retrouve le croisement avec le sentier marron.

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