Lançon-Provence : du vieux village à Coste Longue


Lançon est une commune que je ne connais pas encore, pas très loin d’Aix et où a été découvert récemment la glacière du château :  c’est un article sur ce sujet qui m’a motivée.
La commune a complété son nom au début du XXe siècle (1919) pour se différencier d’autres communes portant le même nom : elle est devenue Lançon-Provence ; Peyrolles, Cornillon sont dans le même cas.

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Sur la photo aérienne du château parue sur le site de Lançon tourisme, on voit qu’il est construit sur un promontoire et possède plusieurs enceintes. Les seigneurs des Baux l’ont construit et ont offert aux habitants leurs propres armoiries en changeant néanmoins les émaux : une étoile à 16 raies d’or sur fond d’azur.

Au 11e s., les habitants quittent la plaine pour s’installer autour du château-fort. Lançon adhère à l’Union d’Aix (1382–1387), qui soutient Charles de Duras contre Louis 1er d’Anjou.
François Ier dote le village d’une nouvelle enceinte qui est encore visible au cœur du village ancien. Lançon se développe réellement après l’assèchement des marais qui occupent toute la plaine à l’ouest du village, ainsi que les abords de l’étang de Berre.
En 1563, la ville s’affranchit de la tutelle seigneuriale : elle est directement rattachée au domaine royal.
La création du canal de Craponne stimule l’activité agricole. Début 18e s. Lançon est un territoire réputé pour sa production d’huile d’olive. Selon Provence7.com

Je pars du parking rue des Ferrades, en face de la chapelle Saint-Cyr qui se situe dans un cadre de verdure fort agréable. De style roman, autrefois centre de l’ancien village fondé par les habitants de Pomier, elle est dédiée à saint Cyr et à sa mère sainte Julitte. Chapelles rurales.
Sur le parvis, la pierre tombale d’Auguste Narcisse Bousquet (fils de Joseph Désiré), instituteur, décédé le 6 août 1853 dans la maison de son beau-père, est la seule tombe qui reste peut-être de l’ancien cimetière autrefois mitoyen sur les trois côtés de la chapelle.
Une rare croix hosannière se dresse devant la chapelle : édicule funéraire construit entre les XIIe et XVIe siècles et surmontant le plus souvent une fosse commune ou un ossuaire. Une couronne de pierre en bas de la colonne, me laisse supposer qu’autrefois, elle a pu soutenir  un pupitre.

Je remonte l’avenue Saint-Cyr en passant devant l’oratoire de Saint-Cyr au coin de la rue Nostradamus.
Comment procéder à la visite sans rien oublier et sans passer deux fois au même endroit ? Bien qu’ayant pris le parti de tourner en escargot autour du château, je n’ai pas repéré la rue Marone qui, selon l’ancien président des Amis du vieux Lançon, est typique du Moyen-âge avec son pavage et au centre sa ligne d’eau pour l’écoulement des eaux de pluie.

Voir la visite en vidéo par les Amis du Vieux Lançon

Rue de la république, place André Wolff, du nom d’un notaire, résistant, torturé puis fusillé en août 1944 avec trente-six autres résistants français à Signes, dans le Var. Le charnier de Signes est découvert grâce à un témoin, en septembre 1944 dans un vallon appelé depuis le vallon des Martyrs. Ce lieu de mémoire m’a marquée  tant ils étaient jeunes ; le jour où je m’y suis rendue, j’ai été choquée d’entendre un adolescent, irrespectueux des lieux, avouer ne pas savoir qu’il y avait eu la guerre dans notre pays… Lire dans ce blog Du charnier de Signes à la grotte du vieux Mounoï

Rue Hoche. Traverse de l’Hotel-Dieu : l’hôpital de l’hôtel-Dieu et la chapelle des Pénitents Blancs avec son portail sculpté.

Rue de la tour : deux demies tours rondes du XVe appartiennent à la deuxième enceinte. La reine Jeanne eut 4 maris morts de façon curieuse, dit-on… ; elle séjourne au château en 1346. Sans doute est-ce pour cela que la tour porte son nom. La maison de C. Laurens, qui jouxte la tour, est reconstruite sur les fondations du rempart du XIIIe.

L’église Saint-Cyr/Sainte Julitte était en plein travaux la semaine dernière ; aujourd’hui, elle est visible dans son ensemble, avec le campanile de sa tour beffroi. Elle a été maintes fois modifiée.

La rue du Puits de Picard possède quelques maisons moyenâgeuses, plus ou moins modernisées : échoppe en bas, habitation à l’étage avec fenêtres à meneaux. En levant les yeux, la masse imposante du château et sa situation élevée montrent la spécificité des mâchicoulis sur arc bandé avec des contreforts médians qui font saillie.

J’arrive à la glacière que l’on peut trouver aussi en cherchant la rue ou la porte de la glacière ; on ne voit qu’un cercle au sol : les fouilles ont été recouvertes.

Le devis date de 1751 : il prévoit  autour de la construction une terrasse de murs de soutènement, que les eaux de fonte s’écoulent par un aqueduc et qu’une guérite contre le rempart accueille le contrôleur de la glace. AD 124E DD1. Liliane Delattre, archéologue précise que la cuve a la forme d’un cône tronqué ; l’enduit intérieur est assez bien conservé La construction ne sera pas tout à fait conforme, en particulier en hauteur. L’entrée de la porte pour le remplissage au sud-est est étonnante à cause du soleil mais elle est protégée par le rempart et accessible par un vestibule.  L’étude complète sur le site imatiamou ou dans le cahier de l’ASER, n°17, 2011.

En partant de la glacière, je passe sous le long rempart (3e enceinte) ponctué de nombreuses canonnières. Le sentier contourne le château, emprunte une rue en montée puis la rue Denfert-Rochereau et sa belle porte Bouissière (3e enceinte) restaurée au XIXe, portant au dessus de ses mâchicoulis un linteau décoratif en accolade.

Vidéo de la fête des Médiévales 2016

L’album partagé du vieux Lançon

Médiévales 2019, document pdf sur les monuments

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Boucle des vestiges militaires à Cavalas, Martigues


Sur une idée d’André, nous découvrons le site militaire de Cavallas à Martigues ; bien que n’ayant pas de connaissance dans le domaine militaire et son vocabulaire technique, je reconnais que ce site complexe et vaste m’a impressionnée : beaucoup de vestiges militaires allemands de la Kriegsmarine répartis le long de la crête entre le vallon de Cavalas et celui de la Brègue, avec vue sur la Méditerranée au sud et le port de Lavéra à l’ouest. Nous avons stationné sur le chemin qui mène à la déchetterie, le long de la route de la Couronne.

L’album photo

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L’office de tourisme de Martigues propose une boucle de randonnée des vestiges militaires balisée de bleu que le quotidien La Marseillaise décrit ainsi :

Plusieurs centaines de fortifications, bunkers, blockhaus, casemates, murs,… ont été construits par l’armée allemande pour bâtir, dès l’occupation de la zone libre, le 11 novembre 1942, une réplique du mur de l’Atlantique [südwall] sur toute la façade méditerranéenne française. Ce dispositif de défense côtière, réponse au débarquement allié en Afrique du Nord, n’a pas empêché celui de Provence, le 15 août 1944. La Marseillaise, 21 juillet 2019

Un peu d’histoire résumée essentiellement en rassemblant quelques informations du document de Frédéric Saffroy, Mission d’identification et d’historique des vestiges militaires de la zone littorale : historique de la défense des côtes (1888-1945) à Martigues, Ville de Martigues, 2007. Cette étude avait été commandée par Paul Lombard, maire de Martigues de 1969 à 2009 dont nous venons d’apprendre la mort le 7 juin 2020.

  • Juin 1940 : bombardement de Marseille ; l’Italie déclare la guerre à la France ; les Allemands entrent dans Paris ; Pétain demande l’armistice. De Gaulle s’envole pour Londres.
  • Novembre 1942 : prise de contrôle de la côte méditerranéenne par les allemands ; désarmement de l’Armée française d’armistice ; à ce moment là, Cavalas possède 5 canons 21 cm 39/40.
  • Février 1943-avril 1944 : la région de Martigues appartient au secteur occupé par la 338e division d’infanterie, créée en urgence, commandée par Josef Folttmann  puis  en janvier 1944 par le général René de l’Homme de Courbière1. Sur la carte d’occupation de la côte en août 1944, on voit qu’elle est déployée essentiellement sous la ligne de chemin fer, c’est à dire sur des positions françaises réutilisées. Le régiment de grenadiers 758 de cette division installe son PC à la Couronne. Les unités statiques sont dotées de pièces de toutes origines et calibres variés. Le dispositif s’étoffe au fur et à mesure de l’avancement de la progression alliée.
  • Jusqu’en septembre 1943, le haut commandement de la Wehrmacht pense qu’il n’y a pas de danger immédiat.
  • A partir de fin 1943, réquisition de main-d’oeuvre dans la commune de Martigues pour la construction de plateformes d’artillerie, soutes à munitions, tobrouks, etc.
  • Février et mai 1944 : visites d’inspection du général Erwin Rommel, chargé par Hitler de la défense des côtes.
  • Juillet 1944 : au 25 juillet 1944, 3 officiers dont le Kommandeur, l’Oberleutnant, 35 sous-officiers et 213 marins arment la batterie
  • Août 1944 : la 338e division envoie un de ses régiments au nord, d’autres sur Arles.
  • 17 août : ordre de retraite des armées allemandes ; 20 août : la 338e passe le Rhône. Martigues est libérée le 21.

Nous montons sur la crête par une large boucle vers le sud passant non loin de l’ancien moulin de Jérôme Verland meunier en 1830. De chaque côté du chemin, des installations militaires. Au  loin, d’imposants porte-containers sortent ou entrent dans le golf de Fos.

Flak2

La position est très fortement défendue par une bonne densité de flak2 visant à réduire l’efficacité des opérations aériennes hostiles. Au sol, on utilise des canons de différentes tailles installées dans des cuves ; un accès par des marches peut mener aux soutes et abris souterrains. Le forum sudwall Martigues Cavalas, en donne une description technique dontdeux pièces hippomobiles assurant la défense rapprochée du site.
Les Batteries côtières en France Volume 2, A. CHAZETTE, Ed. Histoire Et Fortifications, 2004

Par exemple, le Flak 38 d’un calibre de 20 mm, peut tirer 180 à 220 coups par min.

Poste d’observation

Beaucoup de vestiges sont incomplets, souvent camouflés sous les pierres blanches locales. Le poste d’observation MG à créneaux abritait sans doute une mitrailleuse.

Abris

Intrigués par un escalier qui descend dans une tranchée côté sud, nous découvrons un abri à double entrée, avec ses soutes à munitions. Au départ de la cuve à canon, une longue tranchée relie l’abri à la plateforme taillée dans la roche à flanc de falaise en contrebas du plateau au nord. On voit la tranchée sur la carte aérienne de l’IGN mais on ne peut accéder à cet abri qu’à partir de la piste du vallon de Cavalas en contre-bas d’où l’ont voit bien également la pente du monte-charge.

Trous d’hommes

Les nombreux trous d’hommes sont des positions de défense. Attention de ne pas tomber dedans ! Il en existe plusieurs sortes, plus ou moins sophistiqués : du simple trou creusé dans le sol au trou bétonné rectangulaire et recouvert par une chape en béton en passant par un trou protégé par une petite muraille en pierre ou plus grand pour une arme automatique.

André aimerait retrouver la villa qui camouflait le poste de direction de tir situé en avant des canons (Schneider ?) et qui commandait leurs feux. Nous la cherchons du côté de l’antenne et la trouvons sans mal à côté d’une tour qui pourrait être un faux puits…

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Les jardins de la Bastide de Romegas


Je vous invite à une balade reposante, en musique, dans les jardins remarquables de la bastide de Romegas à Aix-en-Provence. Sur place visite guidée d’une heure.

Curieusement la bastide  (première maison : début XVIIe, première dénomination de ‘bastide’ vers 1668) et la partie nord de la propriété, étaient situées autrefois sur le territoire de Puyricard, tandis que la partie sud du domaine se trouvait sur le territoire d’Aix-en-Provence : au nord, le propriétaire payait le cens (redevance fixe que le possesseur d’une terre payait au seigneur), pas au sud. Romegas est à la fois domaine agricole (ferme, aire de battage, cultures, garenne,…) confié à un méger et lieu de villégiature (parterres, allées, tèse,…).

C’est Nicolas Romegas qui donne son nom au domaine et le complète par de nombreuses acquisitions, des vignes surtout. A la révolution, son fils émigre en Italie et le domaine est vendu à Alexis Mignet, père de François Mignet. 

Le personnage le plus connu ayant séjourné à la bastide est François Auguste Mignet (1796-1884), écrivain, journaliste, historien né à Aix-en-Provence ; il a participé financièrement aux aménagements qui ont eu lieu au XIXe.

Le domaine n’a jamais manqué d’eau grâce à un système de mines d’eau, de puits et galeries (milieu XVIIe) qui récupèrent l’eau en sous-sol. Rapport d’exploration et d’interprétation du système hydraulique ancien. La bastide de Roumegas à Aix-en-Provence : un système de mines d’eau original, Lucas MARTIN et Ghislain GANTIER, 2013

La tèse, typique de la bastide provençale, est une allée plantée d’arbres et arbustes à baies attirant les petits oiseaux que les femmes se plaisent à chasser, sans savoir si à Romegas elle fut utilisée par les dames pour une telle activité. C’est aussi une allée de promenade ombragée. La bastide de Romegas : une histoire ancienne renouvelée 1564-1945, Dominique Pichon, paysagiste, 2013

Je remercie M.-A. Rater, propriétaire, pour son aimable relecture.

Plus de détails dans un article paru en août 2023 dans randomania+