Parking de la gare de Gardanne, en plein travaux bruyants depuis plusieurs mois déjà. Derrière le parking, un enchevêtrement d’installations chimiques et métallurgiques où arrive chaque jour un train de bauxite de Guinée via le port de Marseille.
De ce minerai rouge riche en fer, Alteo extrait l’oxyde d’aluminium, qu’il transforme en alumines de spécialité. Actif depuis 1894, le site fut le premier au monde à industrialiser le procédé Bayer de séparation de l’alumine dans de la soude. L’usine nouvelle, 29/11/2019
Julien m’ayant parlé du moulin de Cativel1 que nous avions aperçu de loin lors de notre balade Entre monde moderne et paysage rural, j’ai eu envie d’aller sur place. Les trois moulins se trouvent perchés sur la colline et je peux vous assurer que ça monte raide. Celui à l’avant-plan qui a été restauré, porte la date de 1567 ; mais l’un des trois moulins est probablement antérieur puisque sur un ancien cadastre (1478) un moulin porte déjà le nom de Cativel1.
De là, je mesure l’importance de l’usine, rouge de la bauxite, à côté de la gare.
La porte des deux autres moulins est bouchée. Sur le toit du second, une croix métallique a été plantée, réplique de celle en haut de Sainte-Victoire (1875). Les deux croix sont l’oeuvre de l’abbé Meissonnier (1894). Merci André pour l’information.
Comme le faisait remarquer André, sur beaucoup de buttes, ce sont trois moulins qui sont construits : Aix-en-Provence, Allauch, Lambesc, dans les Bouches-du-Rhône, Valbonne (06), la Porte Saint-Martin (75), Saint-Félix-Lauragais (31), Menen (Belgique), etc. Pourquoi trois ?
[…] les moulins constituent un lieu stratégique, de pouvoir. C’est d’ailleurs ce que comprennent rapidement, sous l’Ancien Régime, les seigneurs locaux. Les moulins deviennent, au même titre que les fours ou les pressoirs, une des banalités que lesdits seigneurs entretiennent et dont l’utilisation, obligatoire, est soumise au paiement d’une redevance. Le pouvoir, c’est bien sûr celui de la production de farine, et de son contrôle. D’après La silhouette des moulins au fil de l’histoire
Une étude de la répartition des moulins en France au XIXe – Divisions géographiques de la France indiquées par une analyse des moulins en 1809, Claude Rivals, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen Année 1984 – souligne l’importance de la pénétration des vents ou sa situation le long des fleuves ; même en 1809, le moulin à vent n’a qu’une ou deux paires de meules : faut-il les multiplier pour nourrir la population croissante ? dans les Bouches-du-Rhône il ne représente que 40% des moulins.
La population augmentant, les meuniers réfléchissent au milieu du XVIIIe siècle aux moyens qui permettraient d’augmenter leur productivité. […] Puis la première moitié du XIXe siècle verra les moulins gagner en puissance, notamment grâce à l’arrivée des premiers moteurs, fruits de la révolution industrielle en marche. […] En suivra la fermeture de milliers de petits moulins et un fort mouvement de concentration tout au long du XXe siècle.
D’après La silhouette des moulins au fil de l’histoire
L’église du XIIIe s’y trouvait autrefois autour d’une trentaine de maisons.
Au pied de la colline, ce qui reste du château médiéval. Je descends la montée du castrum en escalier puis guette le balisage du GR2013, un sentier métropolitain entre ville et nature.
Sur le Cours de la République, la statue du marquis de Gueydan rappelle un fait important pour la commune : sa veuve a légué ses biens à la ville parmi lesquels le domaine de Valabre où se trouveront, conformément à son souhait, l’école d’agriculture (1884) et l’école d’application de la sécurité civile dans le château.
Dans une propriété privée, une noria avec ses godets métalliques encore accrochés à la chaîne. Autrefois un âne tournait autour du puits pour faire remonter l’eau des profondeurs. Il en existe beaucoup à Gardanne mais peu sont encore fonctionnels depuis l’arrivée du canal.
La Maison du peuple (1938) et la piscine communautaire ont des accents de communisme… il est vrai que le communiste Roger Meï est maire de Gardanne depuis 1977.
J’ai l’impression d’entrer dans le lycée Madeleine Fourcade mais c’est le sentier piétonnier du vallat de saint-Pierre qui commence ici. Allée dallée à l’ombre où on oublierait presque qu’on est dans une cité minière ; elle passe sous la rue Notre-Dame ; avant de sortir, la grande prêle s’en donne à cœur joie dans ce milieu humide et ombragé ; les tiges fertiles sont grosses et précoces, d’un brun pâle et terminées par un épi de 4 à 8 cm présentant de nombreuses gaines à 20-30 dents brun foncé, les tiges stériles mesurent 50 à 120 cm de hauteur pour 1,5 cm de diamètre, portent 20 à 30 sillons profonds à gaines vertes d’où s’échappent 20 à 30 dents noirâtres ; c’est une plante toxique.
On se servait autrefois de la prêle – ou fretadou dans les anciens dictionnaires occitans – pour frotter les casseroles, en raison de sa forte teneur en silice (10 %). Voir le commentaire d’André en bas de page.
Le chemin du Deven n’est pas loin ; j’évite en partie le macadam en prenant une sente en sous-bois sur la droite.
Le sentier longe le canal sans beaucoup d’ombre ; à l’une des barrières impossible de passer sans grimper sur un énorme rocher latéral ou en passant au travers du croisillon le plus large. Est-ce une manière d’interdire aux piétons l’accès à la berge ? des enfants attendent que j’aie le dos tourné pour entrer dans l’eau du canal ; apparemment ils s’amusent ainsi régulièrement et ne s’inquiètent pas de la manière dont ils en sortiront. A intervalles réguliers, des ponceaux permettent d’accéder aux propriétés de l’autre côté.
Je quitte le canal pour le chemin de Saint-Baudille, petite route peu fréquentée qui passe au dessus du ruisseau de Capeou. Dans un paysage de champs fleuris, je rejoins le canal qui circule en sous-bois. Quand le canal devient souterrain, le sentier pénètre dans le bois ; l’un d’eux, GR balisé rouge-blanc, grimpe à l’assaut de la colline jusqu’à la crête de Cauvet, l’autre – ancien chemin des mines de houille – reste en contre-bas ; c’est celui là qu’il faut prendre jusqu’à ce qu’il vire à droite au coin d’une propriété ; avant de tourner à gauche sur le chemin du Jubilé de Trets (je n’ai pas trouvé d’oratoire fêtant le Jubilé, y en-a-t-il un ?) puis sur la route Blanche, regardez la sainte-Victoire sans ligne à haute tension parasite ; vous la retrouverez également sur la route du retour.
Ensuite c’est la longue avenue Louise Michel (D58) qu’il faut suivre jusqu’au centre ville en passant devant le collège Pesquier. Connue pour avoir servi de modèle aux célèbres peintures de Paul Cézanne, Gardanne est donc riche de patrimoine et de nature.
Itinéraire facile à éviter si vous êtes farouchement contre la marche en ville et sur le bitume ; c’est cependant un compromis permettant de découvrir tous les aspects de Gardanne.
Image de l’itinéraire 10km, 2h30 déplacement (3h au total), 74 m dénivelée (+192, -192). Télécharger la trace
Pour une version longue (16km400), partir des 4 Tours à Valabre et ajouter 6km400 ; descriptif dans Entre monde moderne et paysage rural
1cativel : du provençal cativous = malingre ; pourrait donc être un sobriquet attribué au meunier qui devait être malingre…
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En Provence la prèle était tressée par les enfants. Ils en faisaient des « fretadou » qu’ils vendaient pour en faire des tampons jex de l’époque et qui servaient à récurer la vaisselle.
La croix sur le moulin de Cativel
La période Meissonnier 1880-1895
C’est une période où on se préoccupe de construire une nouvelle église paroissiale. Le père Ferdinand Meissonnier, curé doyen de Gardanne de 1880 à 1895, a été un abbé bâtisseur. C’est lui qui a fait construire l’église de Rousset, élever la Croix de Provence au sommet de la Montagne Sainte-Victoire en 1875, et sa réplique sur le moulin du Cativel en 1894.