Je ne vous parle pas de gravures du paléolithique mais de gravures d’aujourd’hui gravées dans la pierre par un artiste d’Aubagne manifestement amoureux de la Provence. L’idée partagée dans les cahiers du sud et par Papigé de Cardalines m’a séduite, j’y suis allée. Le mot Garlaban1 n’a-t-il pas déjà l’accent provençal incitant à (re)visiter l’environnement des films de Pagnol ?
Avec Claude, marcheur OVSien, nous partons du parking près du puits Raimu, sur l’étroit chemin de Ruissatel bientôt en impasse ; ce puits a été construit pour le film La fille du puisatier de Pagnol (1940) avec Raimu et Fernandel.
La route ne menant qu’à des propriétés privées, elle est donc assez peu fréquentée. Rapidement nous arrivons dans un paysage aride de cailloux pratiquement sans arbres : typiquement méditerranéen sur sol calcaire. Peu après le col d’Aubignane, un massif de globulaires apportent une touche colorée bleue.
La montée par le Draouilet2 est rude jusqu’au point qui m’a été signalé : nous avons coupé tous les virages et pris tous les raccourcis possibles pour éviter l’ennuyeuse piste. Un test grandeur nature après mes dix séances de rééducation respiratoire. Les deux randonneurs et le coureur que je questionne ne connaissent pas ces gravures ; le troisième couple en a une vague idée. Lorsque nous arrivons sur les lieux, il ne peut y avoir d’erreur : un cairn a été ajouté en bordure de chemin avec une flèche de pierres au sol ; au loin, les dalles rocheuses inclinées confirment que nous sommes au bon endroit. Une vieille 4L abandonnée pollue le site.
La soleil arrive de face et mon ombre importune la prise de photos qui sont parfois tronquées ; aussi je vous invite à aller sur place : c’est un ensemble d’œuvres d’art gravées dans la pierre pour longtemps, « assez loin de la piste, mais pas trop, assez cachée pour rester secrète, mais pas trop… ». Louis Douard (76 ans) y monte avec un bardat de 15kg, y travaille depuis 10 ans, à raison de 2 à 6 heures par jour. Il arrose le support de sulfate de fer pour le rendre moins poreux, le protéger du gel, ainsi que l’acidité de la pluie.
Je vous cite son auteur :
L’art de la gravure dans la pierre m’était totalement inconnu, mais ce que je fais, je le fais avec amour et conviction…
Toujours ! Alors, armé d’un simple burin et d’un gros marteau, je me suis attaqué à la roche dure pour y graver ce qui pour moi représente dans son intégrité, notre chère et belle Provence.
Après de nombreuses heures de travail solitaire, à genoux, et quelques ampoules aux mains, ma première gravure était terminée.
Si elle n’est pas parfaite, elle a la naïveté des dessins d’enfant, ceux qu’ils dessinent avec amour pour leurs parents et dans lesquels ils mettent tout leur coeur… extrait du blog des Amis du Vieil Aubagne
Le tout premier dessin fut la Rose des vents ; les sujets sont variés : l’écusson aux armes de la Provence, des personnages (le berger et ses deux moutons), des extraits poétiques, des animaux,… Qu’importe que le cadran solaire ne donne pas tout à fait la bonne heure solaire3 (il est 11h03 heure légale soit 10h15 heure solaire à Aubagne), c’est le travail qui est admirable. Regardez la précision du costume du tambourinaire !
Louis […] a écrit quatorze livres [déposés] exclusivement à la médiathèque Marcel Pagnol. […] Ces manuscrits, de véritables mines de renseignements, sont consacrés, pêle-mêle, à son quartier, à sa ville, à son fameux sommet (itinéraires, faune, flore), à son célèbre académicien […] et il lui en reste encore deux à donner à la médiathèque, dont un sur ses gravures pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer dans les collines. Extrait du Mensuel de la ville d’Aubagne mai 2015
Nous partons à l’assaut du Garlaban ; à partir de l’oratoire du curé d’Ars, la montée est un peu plus galère : nous perdons le sentier, en trouvons un autre pour découvrir finalement la grosse croix du Garlaban d’un blanc éclatant. Une énorme vue à 360° ; un voile masque certains sommets mais la table d’orientation les dévoilera tous : la chaîne de l’Etoile, Sainte-Victoire, Sainte-Baume, la forme cornue de la falaise de Cassis, et la vallée de l’Huveaune, Aubagne et Marseille en contre-bas. De là haut on voit même la large ouverture du bau des Gouttes.
GC10DF4 le Garlaban, didrip
Après le repas à l’abri du vent sous le seul arbre du sommet, nous redescendons sur le sentier dégradé sur lequel nous déraperons sans chuter.
Au col de Garlaban, nous allons quitter la piste pour le sentier des excursionnistes marseillais, plus intime, dont la descente sera plutôt réservée aux randonneurs entraînés. Les argeiras recouvre d’immenses surfaces de leur tapis jaune doré.
Les Collines de Pagnol 3.7: Col de Garlaban,
Ti’Mars… (PAPOUNET83, adoptant)
D’abord tranquille, le sentier sinue dans la garrigue puis au pas de la Garrigue, il entame le vallon des Piches dans lequel il faut faire attention : plusieurs pas rocheux en descente ralentissent la marche. Plus difficile que l’habituelle rando cool de Yves Provence.
Les Collines de Pagnol 3.8 : Le Pas Garrigue,
Ti’Mars… (PAPOUNET83, adoptant)
Après le col Salis, un embranchement à gauche mène à la grotte du Plantier, appelée aussi grotte de Manon, rendue célèbre par Marcel Pagnol qui y a tourné en 1952 des scènes de son Film Manon des Sources ; c’était le repère de la bergère Manon dans le film de Pagnol ; c’est sur son toit qu’Ugolin a prononcé son fameux Manon, je t’aime… Le site Marcel Pagnol. Pour le film de Claude Berri en 1986, c’est une grotte du Var qui a servi de décor à ce film. Du charnier de Signes à la grotte du vieux Mounoï
Les Collines de Pagnol 3.9 : La Grotte de Manon, Ti’Mars… (PAPOUNET83, adoptant)
Les hautes falaises calcaires en face de nous sont quand même assez impressionnantes. Nous retrouvons le col d’Aubignane d’où partent de nombreuses pistes vers la Treille, le circuit Pagnol et le domaine de la Font de Mai.
A la citerne 483 de 60 m3, – oui Claude c’est bien une citerne DFCI – différente des autres par sa forme et par le fait qu’elle n’est pas enterrée, se trouve également un panneau interactif de l’application Discrépances Aubagne pour smartphone qui vous fait découvrir Aubagne depuis l’office du tourisme ; malheureusement, il ne fonctionne que sur le terrain, avec la géolocalisation.
L’usager se déplace à travers un territoire déterminé et télécharge un contenu en ligne tout au long de son parcours, qui peut prendre la forme d’un docu-fiction, d’un documentaire ou d’une fiction.
Une randonnée classique avec un centre d’intérêt inattendu. Pour une randonnée un peu plus longue (3 km A/R) vous pouvez partir du domaine départemental de la Font de Mai qui mérite également votre visite.
A essayer si vous avez un smartphone : téléchargez l’application avant de partir et emmenez vos écouteurs : deux points sur ce parcours.
Il existe des gravures d’une autre époque dans le coin : les gravures des bergers dont parle Michel sur son site.
Image de l’itinéraire 12km, 442m dénivelée (+613, -613), 3h20 déplacement (5h au total avec pique-nique, découverte des gravures)
1Garlaban : le dictionnaire du félibrige l’explique par la racine gar- = pierre, rocher et l’hébreu laban = blanc importé par les navigateurs phéniciens
2draouilet : petit sentier
3heure solaire : 11h03 (heure légale) – 1h (heure d’hiver) + 0h22 (décalage Est d’Aubagne par rapport à Greenwich) – 0h10 (correction équation du temps le 10 mars)
©copyright randomania.fr
ça donne envie d’aller découvrir tout ça!
Et oui !
« La montée par le Draouilet est rude jusqu’au point qui m’a été signalé : nous avons coupé tous les virages et pris tous les raccourcis possibles pour éviter l’ennuyeuse piste. »
Encore un soit disant amoureux de la nature qui n’hésite pas à passer hors des chemins, à couper tout droit, pour créer autant de sentiers sauvages
en oubliant que la colline est fragile et qu’en multipliant le piétinement on détruit cette nature qu’on dit tant aimer !
Si nous aimons la nature nous devons la respecter !