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Sur les pas de saint Benoit Labre, dans le Montaiguet


Une découverte que je dois à André et que j’ai particulièrement appréciée car, à quelques kilomètres du centre ville, on peut encore trouver un coin de nature sauvage et peu fréquenté ; je découvre que le massif du Montaiguet (Mont Aigue) au sud de la ville, a abrité saint Benoît Labre (1748-1783), ‘le pouilleux de Dieu’ (il ne se lavait pas), un saint proche de nous puisqu’il est né au XVIIIe siècle ; c’est entre 1773 et 1774 qu’il est venu à Aix. L’église lui attribue 36 miracles (Vénérable dès 1792, bienheureux en 1859, saint en 1881).

Nous partons du parking face au CREPS, une bastide datant de 1732 ; en mars 1941 le gouvernement de Vichy crée un Centre National et 15 Centres Régionaux de l’Education Générale et Sportive (CREGS) ; en février 1945, les CREGS sont transformés en CREPS (Centres Régionaux d’Education Physique et Sportive) sous le gouvernement provisoire. En 2010, le CREPS PACA grandit en intégrant le site de Vallon Pont d’Arc ; le CREPS SUDEST est créé en 2011.

Prenant appui sur le sport et l’éducation, Jean Louis Gay-Lescot, Sport et éducation sous Vichy (1940-1944), montre combien la politique sportive du gouvernement de Vichy ne fut pas remise en cause à la libération.
L’objectif du Front populaire, de Vichy comme des gouvernements d’après guerre fut de placer le monde sportif, sous la tutelle de l’État.
Le discours vichyste se veut moral, conservateur, teinté de militarisme et d’hygiénisme tout en revêtant parfois le masque de l’éducation populaire.
Très intéressant cet ouvrage ne manque pas de tordre un certain nombre d’idées toute faites en offrant une vue globale sur la question de l’encadrement du sport par l’État en France. Résumé critique de Sébastien sur babelio

Le chemin du viaduc devenue route aujourd’hui monte fort entre les villas. Nous le délaissons pour le chemin de Grivoton qui, avant d’être un chemin, se termine par une aire de battage encore bien visible, à côté d’un grand mur de propriété curieusement festonné. Au début du XIXe, l’aire appartient à Mme Arène qui a un bastidon tout proche : sur le cadastre de 1829, on voit bien que l’aire est au milieu du chemin ; au décès de son mari, l’aire est partagée entre trois héritiers : Arène J.-Pierre, cordonnier, Arène Joseph qui habite rue des Bouteilles et Giraud Pascal qui habite aux Fenouillères ; personne n’habite sur place. L’aire est probablement inutilisée depuis cette époque.

Dans une courbe serrée le chemin longe le ravin de Chicalon et revient en direction de l’Arc. Nous nous arrêtons devant une petite maison en ruines dont l’annexe avec porte en pierre taillée, est par contre en excellent état. A qui appartient-elle ? en 1829, elle ne figure pas sur le cadastre napoléonien. Située dans le quartier du saut dei Dono, elle est dans une zone autrefois consacrée au pâturage, envahie aujourd’hui par la végétation : un cabanon de berger peut-être.

André choisit le meilleur point de vue possible entre les arbres et désigne ce que je ne vois pas tout de suite : un ouvrage du canal du Verdon sur une partie très encaissée du vallon, l’aqueduc de Chicalon qui, selon les botanistes du siècle dernier (Lichens d’Aix-en-Provence, Jacques MAHEU, Bulletin de la Société Botanique de France, volume 77, 1930), devaient bien avoir 15 m de large, et d’après une mesure avec les outils de l’IGN 52 m de long ; je n’ai trouvé aucune autre information. Le canal du Verdon était si important pour l’époque qu’un concours agricole  ‘irrigation’ attribuait des médailles pour les utilisations les plus notables du canal.

Médaille d’argent concours régional agricole, médaille d’argent grand module, Marseille, 1878, à M. Pontier, directeur de l’asile d’aliénés d’Aix pour la transformation de son domaine privé au moyen des eaux du canal du Verdon.

Nous  revenons sur le chemin qui longe le lit du Chicalon à sec. Pourtant au fond du ruisseau quelques mares d’eau proviennent de la source qui sourd d’une conque utilisée par Benoit Labre lorsqu’il habitait dans sa grotte toute proche. Même en période de sécheresse, elle coule toujours.
A coté sur l’autre rive ne subsiste que le socle de l’oratoire construit grâce à une souscription lancée en 1876 par le Père Ambroise Barthélémy, avec l’autorisation de l’évêque Forcade. Plus de statue ni d’inscription sur le fronton : Au bienheureux Labre, souvenir des nuits passées dans cette vallée. Par deux fois à l’époque, le petit monument a été mutilé…

C’est un saint voyageur […] qui fit plusieurs fois halte à Palette. S’il est connu en Provence c’est pour sa prophétie réalisée faite au hameau des Bellons commune d’Artigues disant que sept générations de Bellon, [famille qui l’avait logé pendant la révolution] posséderaient un don de rebouteux. […]. Le dernier Bellon possédant un don de rebouteux s’est éteint dans les années cinquante, il exerçait avec grand talent à Aix et je peux en témoigner pour avoir été moi-même bien soigné par cet éminent praticien.
[…] l’avant-dernier des Bellon à avoir reçu le don de rebouteux n’avait aucun diplôme et avait été traîné devant les tribunaux par quelques éminents confrères jaloux ; devant ses juges, il avait totalement désarticulé une chèvre avant de remettre ses membres en place en quelques secondes ; il fut acquitté. Selon l’émission bleu Provence 2003 Maître Accapella

Nous quittons le lit du ruisseau pour nous élever vers le haut de la colline ; bientôt deux sentiers s’offrent à nous, nous prenons celui de droite qui monte plus dur jusqu’à la grotte de Chicalon qu’il faut guetter à droite du chemin. Benoit Labre y a passé l’hiver 1773-74 ; devant la grotte, on voit nettement l’emplacement du rocher qui s’est détaché de la paroi, tombé au fond du ravin, et auquel Benoit Labre avait attaché sa caisse de bois pour dormir.

En montant quelque peu le chemin des Anges, nous apercevons derrière les arbres la ferme de Joseph Gueyrard baptisée Saut des Dones ou Les Anges en 1828 ; des oliviers, comme autrefois, poussent en bas du chemin mais pas sûr qu’il y ait encore de la vigne. Son fils Ange perpétue le souvenir de Benoît Labre en racontant que ce dernier venait de temps en temps pour demander la charité. On lui offrait de la soupe, des œufs qu’il allait manger dans sa retraite d’élection.

La cheminée de Gardanne apparaît tout entière sur fond de ciel bleu. La montée  va continuer, bien raide jusqu’à la croix plantée par le Père Gontier du Tholonet, en 2008, en mémoire du « mendiant étincelant ». Une table d’orientation représente le vallon de Chicalon et son rocher des Nones, Saut dei dono comme l’écrit Mistral.
Les sarrasins, c’est le nom donné durant l’époque médiévale aux peuples de confession musulmane ; on dit aussi les Maures (Berbères de l’Afrique du Nord). Que de légendes en Provence autour des sarrasins !

Aux Mées (04), ce sont les moines qui ont été pétrifiés pour avoir osé regarder les belles mauresques. Dans le Montaiguet, les sarrasins ont précipité les nonnes récalcitrantes du haut du rocher ; à Marseille, les nonnes de Saint-Sauveur se sont coupé le nez espérant ainsi échapper à la lubricité des infidèles… espoir vain. Provence antique (3) : Au temps des premiers chrétiens, Jean-Paul Clébert, Robert Laffont,1992

Un banc face à la paroi rocheuse creusée de grottes autorise un repos bien mérité avant de repartir.

Le retour ne peut se faire apparemment sans passer à droite d’une plantation d’arbres (propriété privée ?) ; un poste à feu, comme nous en avions vu à La Nerthe et la chapelle saint-Michel est bien disposé face à l’arbre porteur d’une branche émergente où viendront se poser les oiseaux.
Nous descendons à travers la garrigue jusqu’à la route – chemin de Guiramande – au pied de laquelle un vieux panneau porte le nom de la propriété : Saint-Labre.

Nous prenons le chemin d’exploitation sur la gauche de la route, jusqu’à la citerne puis descendons le chemin de Guiramande ; nous passons devant la villa les Mussugues2 puis jusqu’à la voie ferrée en travaux ; jusqu’au Pont-de-l’Arc c’est la route, incontournable…

Trajet court : il part près de la citerne et à l’entrée de Aix-en-lama, association qui peut vous emmener en balade avec un lama. Il descend dans le ravin de Chicalon par un sentier rocheux qui se transforme bientôt en vrai chemin creux bien raide. Il passe devant la grotte comme le précédent parcours ; au retour, le chemin de Guiramande offre une vue large sur la montagne Sainte-Victoire.
Les plus courageux pourront rejoindre à pied l’oratoire de Roman dont le médaillon a disparu. En souvenir du saint qui aurait été accueilli un temps à la ferme Roman (commune de Gardanne), il est érigé en 1934 par M.J. David et doté d’une plaque de marbre gravée d’un exergue en provençal.

En l’an 1774 san Labre fugue assousta per lou pastre de Rouman. En remembreco doco en segne Jouse David a ouboura a ou estou picho oratori en l’an 1934. San LABRE prega per nautri que le frère Alexis (Fraternités labriennes, frères et sœurs de Saint Benoit-Joseph Labre) traduit ainsi : En l’an 1774, Saint LABRE fut protégé (abrité d’un orage ?) par le berger de ROMAN. En souvenir de cela, Maître Joseph DAVID a élevé ce petit oratoire en 1934. Saint LABRE, priez pour nous.

En Provence, une légende raconte que le jeune berger de Roman faisait paître un jour son troupeau dans la vallée du Chicalon ; il aperçut Benoît-Joseph Labre qui lui présenta son écuelle vide, et le pria de la remplir du lait de ses brebis. Le berger empressé se rendit à son souhait. En recevant son bol plein d’un lait frais, Benoît-Joseph dit au charitable berger : Je n’ai pas d’argent pour vous payer, mais Dieu vous le rendra ; vos brebis doubleront, c’est-à-dire vous donneront chacune deux agneaux

J’ai visité plusieurs endroits où il y avait des traces de passage du saint, sans y faire vraiment attention à l’époque : la statue de saint Benoit Labre dans l’église saint Jean de Malte, l’ermitage Saint-Gens au Beaucet (84), Notre-Dame de la Garde à Marseille dans une chapelle latérale, le monastère Sainte-Marie Madeleine à Saint-Maximin, et de nombreux lieux dans le coin. Bien que Benoît Labre soit connu pour avoir visité la plupart des lieux de pélerinage proches du lieu où il s’arrêtait, aucun écrit dans sa biographie ne mentionne un pélerinage à Cotignac ou Sainte-Victoire… J’ai été surprise des nombreux écrits, associations, pèlerinages, chapelles et autres monuments de petit patrimoine qui l’évoquent en Provence, en France et dans le monde (Canada par exemple).

Les Amis de Saint-Benoit Labre,
Communication de l’Académie d’Aix sur Benoit Labre, Guastalla,
Vie populaire de saint Benoît-Joseph Labre : né à Amettes (Pas-de-Calais), en 1748 mort à Rome en 1783, canonisé le 8 décembre 1881, par un prêtre mariste, Paris, 1882
Programme de visite sur les traces de Saint Benoit Labre, frère Alexis ; je m’en suis beaucoup inspirée
Vie de Saint Benoit Labre, Henri Clouard, Albin Michel, 1941 (disponible à la bibliothèque Méjanes en consultation seulement, et au format numérique)
Notice sur la Tarasque & sainte Marthe, N.-D. de La Seds, Saint-Jean-de-Malte et saint Labre, M. le chanoine Ambroise Barthélemy, A. Makaire (Aix), 1885
Vie admirable de Benoit Joseph Labre, mendiant et pélerin, Léon Aubineau, 1883

Image des itinéraires :
Long (bleu) : 7km200, 224 m dénivelée (+327, -327), 2h30 déplacement
Court (orange) : 4km100, 119m dénivelée (+115, -115) – Option : aller/retour oratoire de Roman : 4km400, 84m dénivelée – possibilité d’y aller en voiture mais accès final différent

1dono : avant la révolution désigne une femme du peuple que l’on désire honorer ; la traduction française a transformé les Dames en nonnes…
2massugue : de massugo, ciste (arbuste commun en Provence)

©copyright randomania.fr

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Une réflexion sur « Sur les pas de saint Benoit Labre, dans le Montaiguet »

  1. J’avais parcouru la colline autrefois (en 2013) mais avec un autre itinéraire.
    J’y avait trouvé des caches particulièrement bien soignées et j’avais eu une grande frayeur à l’extrémité sud-est du parcours.

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