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Sur les traces de l’ancien canal du Verdon depuis Puyricard : retour par le castellas


En revenant de ma précédente balade au bord du canal du Verdon, j’aperçois depuis la route du Seuil, sur une éminence côté gauche, une haute ruine émergeant des arbres, étonnante pour un ancien petit village autrefois indépendant d’Aix-en-Provence. J’ai tout de suite eu envie de m’en approcher. Aujourd’hui, je pars donc du lotissement près du château d’eau (parking prévu impasse des cigalons, près d’une pharmacie) et tenterai de m’en rapprocher.

A travers le lotissement et ses impasses étroites entre deux maisons, je rejoins l’ancien canal du Verdon (canal de la Trévaresse aujourd’hui), presque totalement couvert à partir du bassin de régulation de Puyricard. Après avoir coupé le chemin de la Simone, je le retrouve à l’air libre, conforme à ce qu’il est du côté du cimetière du Grand Saint-Jean, avec des parois verticales et peu d’eau. Des tuyaux noirs en travers du canal permettraient-ils de traverser en jouant les équilibristes, comme le pense un enfant passant par là ?

Le tuyau en travers du canal sur la photo 590 permet aux eaux pluviales qui s’accumulent le long du mur de droite de pouvoir franchir le canal et continuer leur chemin le long de la pente générale du terrain. L’ensemble du linéaire de canaux géré par la SCP est protégé du ruissellement des eaux pluviales de cette manière.  Une partie de l’eau transportée étant destinée à la consommation, il est important de protéger nos ouvrages du ruissellement de manière à ne pas dégrader la qualité de l’eau par des apports pluviaux. Bernard Sabatier du service Patrimoine de la SCP

Côté gauche, des escaliers avec une corde en guise de garde-corps, donnent accès à la propriété en contre-bas. Après la martelière, je rejoins le chemin de la Fauchonne traversé par le canal mais barré et fermé à clé à l’endroit de la propriété éponyme : il me faut donc la contourner et le retrouver de l’autre côté sur le chemin de Mikely, très peu passant. Ce sieur Michaëlis, au début du XVIIe, louait ce qui restait du vieux château de Puyricard pour y stocker ses récoltes.

Je retrouve les abords du canal qui traverse des propriétés privées : il ne faut surtout pas s’éloigner de la berge. Un pont permet de passer sur l’autre rive puis la route du Seuil et le portail du domaine de Saint Julien les Vignes.
Cette route bordée de vignes est quand même un peu plus fréquentée que les chemins pris auparavant. Au loin la chaîne de l’Etoile.

Chemin de Plumo gau (plume du coq ?) et l’oratoire de la Vierge Noire daté du XXe siècle.
La Vierge est couronnée, un ange à ses pieds et une rose accrochée au barreau de la niche.

Les vierges noires sont le plus souvent taillées dans du bois sombre ou noirci et génèrent souvent une forte dévotion populaire. Il y en a : dans le centre d’Aix rue Esquicho Coude, à Embrun, Notre Dame de Romigier à Manosque découverte dans un buisson de ronces, Goult, celle du XIIIe en bois de noyer de l’abbaye de Saint-Victor à Marseille, celle de Cogolin déplacée du chemin baptisé du nom que l’on donne aux femmes de petite vertu (chemin de la radasse1) à celui de Notre-Dame-des-Anges, etc. Les vierges noires de Provence

Sur la petite éminence, les ruines d’une haute bâtisse émergent des arbres ; en fond, Sainte-Victoire sous les lignes électriques : celui qui demeurait là bénéficiait donc d’une vue imprenable sur notre montagne ; au pied de celle-ci, des moutons paissent tranquillement enfermés dans une barrière souple. Voilà le castellas, ancien castrum de Puyricard du XIIIe, fouillé par Ariane Aujaleu, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Château Grimaldi, 155, chemin du château d’Alphéran, Archéologie médiévale, 45 | 2015, 164-165, et le château Grimaldi dont l’appellation actuelle est due aux réaménagements tardifs du cardinal de Grimaldi (°1597-+1685).

Héritier d’une illustre famille génoise, Jérôme GrimaldiGirolamo Grimaldi-Cavalleronisuccède à Michel Mazarin. Réputé austère, ami des Arts et de l’Antiquité, il se fait construire un château de proportions considérables à Puyricard ; il était seigneur majeur à Aix, au Puy Sainte-Réparade, Jouques et Puyricard. Il tient des conférences, installe la confrérie de pénitents gris en 1677 et favorise l’installation d’ermites comme celui du Prieuré de Sainte-Victoire :

Messire Jean Aubert, […] ayant eu dessein de renouveller la dévoction quy estoit autreffois de toutte anciennetté à l’hermitage estant sur le rocher apellé vulgairement Ste Venture [ndlr : sainte Victoire], […] d’en establir une nouvelle soulz le tiltre Nostre-Dame de la Victoire, [à faire] retraicte audict hermittage, en suitte de la permission que luy en fut donnée par Monseigneur l’Eminentissime cardinal Grimaldy, Archevesque dud-Aix. 1664-03-05 305 E 243 AD aix Nre reinaud

De la somptueuse demeure de trois étages (quatre niveaux) avec au-dessus une terrasse et deux belvédères, il n’en reste que deux en ruine, et la chapelle dont le maître-autel est dans l’église paroissiale de Puyricard et le tableau du Rédempteur transféré à Saint-Sauveur.

Elle a été construite sur un sanctuaire médiéval (Provence Historique, MMSH1980) dont il restait la chapelle latérale droite avec une pierre datée 1546 ; dans son testament Grimaldi écrit : Je donne Lignane au Séminaire à condition de dire une messe […] dans l’église que j’ai fait rebâtir à Puyricard. Congrès des sociétés savantes de Provence (1906 ; Marseille), Congrès des sociétés savantes de Provence, 1907

Le premier étage, celui du cardinal, comportait des carreaux et cheminées de marbre, un billard à la mode à cette époque. Il y avait également une pharmacie (qui servit à soigner les nécessiteux), une bergerie, une glacière, un pigeonnier (visible depuis la route du Seuil ou depuis le champ), une orangerie et des parterres. Une allée de peupliers faisait le tour du domaine.

 A partir de 1663-1664 les documents se multiplient et témoignent de l’attention soutenue que le cardinal porte à sa maison de campagne. […] Des correspondants expédient de Rome et de Gênes des relevés de maisons susceptibles de servir de modèles. Enfin le projet est au point à la fin de 1665 et le 17 novembre prix-fait est passé à deux maîtres-maçons de Jouques. Une villa italienne en Provence au XVIIe siècle : le Château Grimaldi de Puyricard, J.-J. Gloton, Provence historique MMSH, 1980. 1685 : le bâtiment n’est plus habité ; 1698 : premier rapport Vallon, architecte de la ville, sur l’ampleur des dégâts ; 1708 : deuxième rapport Vallon qui préconise la destruction des deux-tiers du château dont les pierres serviront à construire l’hôpital Saint-Jacques à Aix ; au  troisième rapport de Vallon en 1711, l’entrepreneur François Aubert achève de démanteler Puyricard, emportant tuiles, fenêtres, portes de bois, poutres, soliveaux et autres. Bien des éléments s’en retrouvent aujourd’hui encore dans les maisons et bastides des environs . 1909 : le tremblement de terre fait crouler la façade nord.

Podcast de Sandrine Chabre, historienne de l’art
Geneprovence : histoire de Puyricard (avec une photo du pigeonnier)
Le projet de restauration par l’entreprise Art de la pierre

En arrivant par l’arrière du château, je ne devinerai qu’une ruine (je pense que derrière celle-ci se trouve une piscine), un jardin d’agrément et une arcade moussue qui pourrait mener à la cour d’honneur. Je contourne donc le château (privé, séjours haut de gamme) puis remonte vers le centre par le chemin du château d’Alpheran, château du XVIIIe où se louent des salles de réception pour les évènements.
Variante : continuer le tour du castellas pour rejoindre l’entrée principale.

La côte du chemin du château d’Alphéran mène au village en passant devant le célèbre I.A.E. (Institut d’Administration des Entreprises) qui ressemble à un hôtel.

La famille Forbin des Issarts commence la construction du château sous le nom de domaine de Sainte Croix. Le 19 septembre 1724, Claude Alphéran de Bussan, tout juste anobli, acquiert la bastide dite de Sainte Croix que vend Jean-Baptiste de Forbin. Le Comte Louis de Roquefeuil et ses enfants entreprennent la restauration intérieure des lieux à partir de l’année 2004. Extrait de l’histoire du château sur le site alpherand.fr

Pas étonnant puisque la famille Roure a ouvert l’hôtel du Clos Guiot en 1969 : 75 m de long, 4 étages, 15 salariés. Il fonctionne jusqu’en 1975 puis ses propriétaires y organisent des séminaires de formation. L’école nationale des Ponts et Chaussées le rachète. Avec l’arrivée de l’I.A.E., l’établissement se transforme définitivement en centre de formation. Le rez-de-chaussée a été transformé en grande salle de cours ouverte sur la campagne. Puyricard raconte, n°2, juin 1983

Je ne suis plus très loin de l’impasse des cigalons où je suis garée.

Une randonnée dont le principal inconvénient est qu’il y a plus de marche sur route que le long du canal, routes le plus souvent bordées de champs ou de vignes. La visite des ruines du château de Grimaldi n’est pas possible puisque le lieu est privé mais plusieurs vidéos survolent les lieux. Si l’idée de marcher sur route ne vous convient pas, l’idéal sera de partir à deux voitures, l’une stationnée impasse des cigalons, l’autre à l’oratoire ou au bout du chemin des collets redon, sur la limite Saint-Cannat-Rognes (voir Sur les traces de l’ancien canal du Verdon depuis Puyricard).

Image de l’itinéraire 8km600, 2h déplacement (2h25 au total), 47m dénivelée (+86, -86)

1radasse : prostituée qui racole dans les bars ou sur le trottoir.

©copyright randomania.fr

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