Le rocher des druides à Rocsalière et Saignon


Quel curieux de patrimoine n’aurait pas eu envie d’aller voir ce mystérieux Rocher des Druides à Rocsalière, hameau d’Apt (sud-est d’Apt) ? Les druides1 que l’on croit connaitre grâce aux albums d’Astérix et Obélix mais que l’on connait bien mal en vérité car ils n’ont pas laissé de trace écrite.

Les quelques romains (Cicéron, César) qui ont pu les observer, disent qu’ils pratiquent la divination, qu’ils connaissent les phénomènes naturels (lire Jean-Louis Brunaux, Les Druides. Des philosophes chez les Barbares, 2009) et organisent les sacrifices. Le chêne rouvre et le gui tiennent une grande place dans la magie des druides de Gaule.

Ce qui est sûr, c’est que le vallon de Rocsalière fut le lieu d’inhumation des premiers chrétiens d‘Apt (attestée dès le début du IVe siècle, premier évêque Castor), le long de la via antiqua massiliensis et qu’ils ont pu côtoyer les derniers druides.

Partis du parking du Pré-des-Masques (masco = magicienne, sorcière), nous avons suivi le GRP Autour du Luberon et des Monts de Vaucluse dans un sous-bois particulièrement humide couvert de feuilles mortes. Un long et bas mur de pierre sèche matérialise la limite de communes de cet ancien chemin de Saignon à Bonnieux. Le sentier traverse la route D114 puis suit toujours la limite de communes ; un ancien réservoir recueille encore l’eau de la source de la combe Reybaude (carte IGN 1950).

Nous traversons la route une seconde fois ; un vieux pont traverse le ruisseau de Rocsalière ; le balisage officiel rejoint la route jusqu’au hameau ; nous, nous avons trouvé, non sans difficulté, un sentier qui n’est plus pratiqué, passe devant une cabane, longe deux parcelles (privé) à l’abandon et rejoint le GRP.

Déjà un peu avant, nous avions une vision représentative des habitations troglodytiques de Rocsalière, bâties sous la falaise, avec un grand mur de soutèment ; au-dessus du rocher, sous une voûte, ce qui pourrait être un aiguier récupérant les eaux de pluie (peut-on y accéder ?). Le mont Ventoux se signale côté nord.

Incontestablement nous avons rejoint une voie dallée, sans doute un embranchement antique vers Saignon ou Apt.

[…] le principal [embranchement] se détachait près de l’ancienne église de Buoux, passait au Pré-des-Masques et descendait vers Apt par Rocsalière, défendue partout où existait un passage difficile ou une éminence. 

Mémoires de l’Académie de Vaucluse, Académie de Vaucluse, Séguin (Avignon) Macabet frères (Vaison), Impr. Rullière, Impr. Rullière (Avignon), 1904

A partir d’une grossière marque rouge sur un monolithe – que certains assimileront à un autel de sacrifice -, nous cherchons le Rocher des druides, tellement évident que dans un premier temps, nous ne l’avons pas identifié, sorte de butte témoin détachée du plateau, émergeant d’une dizaine de mètres du coté du plateau et d’une vingtaine de mètres sur son versant nord mais caché sous les chênes. Chroniques souterraines

Ce rocher des druides est un fort du moyen-âge. Nous avons grimpé jusqu’à la salle troglodytique puis, par un couloir, sommes descendus jusqu’au logis par 12 marches irrégulièrement taillées dans le rocher. La voûte rocheuse lui sert de toiture. Vu de l’intérieur, une cheminée et deux niveaux sont identifiables. Une chapelle Sainte-Marguerite a même été ajoutée ultérieurement. Mais la curiosité vient des citernes : celle près de la porte garde encore des morceaux d’enduit d’étanchéité et la citerne suspendue, entièrement taillée dans le roc, communique avec celle en dessous par un petit trou.

Nous sortons par la porte d’entrée à deux voûtes, ce qui la daterait du XIIIe. Christian MARKIEWICZ, Le castrum de Rocsalière, Revue Archipal n°24, Apt, 1989

Déjà, en 1536, l’invasion de la Provence par les Impériaux avait menacé les environs d’Apt ; l’armée ennemie s’était emparée de Lourmarin, s’y était retranchée et de là faisait de fréquentes incursions à Buoux, à Sivergues et jusqu’à Rocsalière.

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** Le fief de Roquefeuil, une boucle pour quatre centres d’intérêt


Roquefeuil, graphie ancienne : voilà une randonnée avec plusieurs centres d’intérêt que je voulais visiter depuis longtemps dans une boucle unique grâce à Pierre Pélissier, historien local et journaliste décédé en 2022, qui me les avait localisés ; la découverte d’une piste privée et barricadée nous a obligés à innover, ce qui a rendu le circuit plus long, plus physique mais aussi plus insolite…

Partis du classique parking de départ de randonnées à Pourcieux le long de la D7, nous montons régulièrement ; face à nous la croix de Pourcieux et une piste ravinée ayant transporté de gros cailloux ; après le poste de chasse, ignorant l’avertissement au croisement de la cote 510 dans le Defens, nous poursuivons pensant que l’interdiction ne concernerait que les véhicules ; à peine 250 m après la cote 535, nous trouvons une voie barrée indiquant une « propriété privée », « chasse gardée ».

Demi-tour pour prendre l’autre piste qui traverse cette propriété privée mais n’est pas interdite. Les falaises du mont Aurélien nous dominent avec la Titet1 en tête, aiguille de pierre qui se détache du mont Aurélien ; sainte-Victoire joue entre ombres et soleil.

A la citerne (cote 641) nous tournons à droite sur la piste des contrebandiers ; un poste de chasse aux petits oiseaux est installé des deux côtés de la piste ; cette chasse typiquement provençale, souvent, choque les protecteurs de la nature et les non-chasseurs…

Guyonnet Marie-Hélène, Le Midi «barbare et obscurantiste». La chasse aux petits oiseaux en Provence, In: Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°1-2/1993. L’identité vécue. Discours, rites, emblèmes (Provence, Languedoc, Hautes-Alpes) pp. 127-146

En de multiples ondulations sur le plan vertical et horizontal, la piste va descendre jusqu’au carrefour vers le château de Roquefeuil (590m), annoncé quelques dizaines de mètres avant : un mur apparaît au bord de la falaise. Au carrefour, un sentier pentu à droite invite à la découverte.

Visité plusieurs fois (Le château de Roquefeuil en période de chasse), ce château conserve quelques traces de sa construction au moyen-âge bien qu’abandonné depuis le XVe siècle : d’abord le mur d’enceinte sur votre gauche ; un peu plus loin côté ouest, André croit pouvoir identifier les ruines de l’église Saint-Pierre, en tous cas ce sont les vestiges d’un bâtiment aux murs très épais dont le chœur est bien orienté à l’est…

En bordure de falaise, en ayant conscience du danger, vous aurez un point de vue privilégié sur Sainte-Victoire, la plaine et les éoliennes de Rians… A l’est, les vestiges d’un autre bâtiment voûté en berceau plein-cintre, sans ouverture, a encore plusieurs mètres d’élévation : une citerne peut-être.

Le nom de Roquefeuil apparaît dans une charte non datée [XIe environ] […] qui enregistre la donation de deux églises et de plusieurs terres « in Rocafolio ». […] Le lignage était encore représenté en 1383 par Isoarde de Roquefeuil, veuve du seigneur d’Ansouis Jean de Sabran, et par son frère Philippe […]. La forteresse avait encore un rôle militaire dans la guerre de l’Union d’Aix. Mais les pouillés et les visites pastorales du 14e siècle ignorent les églises de Roquefeuil.

Base Mérimée

Après un pique-nique dans une clairière au milieu des ruines, nous redescendons jusqu’à la piste pour emprunter le détestable PR (sentier de promenade), raviné, pentu, caillouteux, des cailloux roulants dans lesquels on se tord les pieds : tout ce que je déteste ; quelques passages de sol noirci font penser à des charbonnières, ce qu’André ne contestera pas…

Je guette sur la droite le mur d’enceinte qui m’annoncera la bergerie de Roquefeuil. Je suis toujours impressionnée par cette belle construction massive, qui aurait mérité d’être restaurée quand il était encore temps. Je n’ose aller jusqu’à la citerne aux carreaux vernissés car l’entrée voûtée est un peu plus écroulée que lors de ma dernière visite en 2014 ; Pierre Pélissier m’avait précisé qu’il s’agissait d’une cuve vinaire.

Lou pouts2, maison et jas, se situent à l’extrémité sud du grand fief de Roquefeuil (versant sud de la montagne) comme en témoigne le cadastre napoléonien ; à la Révolution, une bergerie de Roquefeuil se trouverait à l’extrémité nord du fief que le père d’Hyppolite Isoard de Chénerilles avait acquis de son cousin [François d’Agout de Roquefeuil]. D’après un échange de mails avec Pierre Pélissier.

Mais la bergerie que je visite aujourd’hui ne figure pas sur le cadastre de 1818 (AD83, cadastre napoléonien, Pourrières, section Eu Roquefeuil)… Pierre Pélissier, Pourrières-en-Provence 1797-1999, Ville de Pourrières, 1999, n’explique pas dans son livre cette apparente contradiction. Est-ce un bien non recensé de l’émigré Isoard ou une construction plus tardive par un autre propriétaire, Louis Maurice Chateauneuf (Etat de section pp.241 et suiv.) ? Administrateur dans la commune de Saint-Zacharie (1830-1834), celui-ci est propriétaire de la parcelle en 1812, ainsi que de la chapelle Saint-Barthélémy.

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La plaine de Fos à Meyreuil


D‘après une idée de lorenzotess sur visorando (Boucle de la plaine de Fos), j’ai bâti mon propre circuit à partir du parking derrière la station Total et le relais de Claire Fontaine sur l’ancienne nationale 7 ; si la chapelle de la Morée ne vous intéresse pas, il est sans doute possible de vous garer derrière l’arrêt de bus Pont-de-Bayeux au grand carrefour avec la route de Martina, pour limiter le trajet sur route.

Presque 700m le long de la route avant d’atteindre le début du sentier route de Martina (GR2013 Marseille Provence Métropole) ; après le petit pont sur l’Arc et le vieux panneau d’information sur le massif du Montaiguet, une large piste grimpe sur votre gauche. Rapidement un insolite paysage ruinique me fait penser au célèbre site des Mourres à Forcalquier : des ‘colluvions’ indique le BRGM sur le site infoterre. Il va falloir passer sur les mamelons rocheux informes et les limons sableux, isolés, qui contrastent avec le reste du parcours.

Une colluvion [pastille grisâtre sur la plaine de Fos de la carte ci-contre] ou un dépôt de pente est un dépôt meuble sur un versant, mis en place par gravité […]. Elles nappent, sur le bas du versant, la roche en place. Les éléments ont subi un faible transport, à la différence des alluvions. wikipedia

Le sentier bien visible grimpe jusqu’à la crête; de là, Sainte-Victoire apparait sur fond de ciel bleu avec sa Croix de Provence bien visible ; parfois elle joue à cache-cache derrière les arbres ou avec le plateau du Cengle. Silence total, aucune personne rencontrée, aucun cri d’oiseau.

A la faveur d’une trouée, je peux reconnaître dans la vallée, le domaine de Valbrillant – bastide du XVIIe– et son pigeonnier.

Lors des troubles révolutionnaires, le chevalier de Guiramand fut arrêté dans cette propriété. Une bande armée de paysans le conduisit sur une charrette jusqu’à Aix, où il fut pendu à un arbre du Cours Mirabeau, le 14 décembre 1790.

Wikipedia

[XVIIIe] On raconte que le marquis [Constance de Bougerel] de Fontienne [Alpes-de-Haute-Provence], propriétaire des lieux, se cachait dans un arbre creux énorme pour échapper à ses poursuivants… Dans le même temps, l’abbé François Mallet, vicaire de Meyreuil, célébrait la messe de nuit dans la chapelle de la tour, se cachant le jour sous les habits d’un valet de ferme.

Ce marquis de Bougerel, dernier de la lignée, était fils d’Alphonse, et petit-fils de Balthazar François marié à Marianne d’Albertas ; des recherches récentes permettent de penser que celle-ci a croisé Casanova en mai 1763 ; il s’était arrêté, de nuit, au château d’ALBERTAS à Bouc, suite à un accident de carrosse. Il tentera en vain de la revoir. Rues d’Aix (Pages perso)La Provence, 25/04/2015, les jardins d’Albertas avancent à pas masqués

Constance de BOUGEREL de FONTIENNE avocat à la cour d’Aix, né en 1802 à Aix, décédé le 26 novembre 1846 à Aix, sans alliance, dernier de sa famille.

http://genobco.free.fr/provence/Bougerel.htm

Je longe le grillage d’une propriété bâtie 10 m en-dessous. A la cabane de chasse, contrairement au tracé initial, je reste au plus près de la crête et galère dans le raide et inconfortable sentier qui aboutit directement près du carrefour mais il faut passer dans un fossé touffu dont on ne voit pas le fond, pas si facile que ça. L’alternative consiste à descendre vers la droite un peu avant, à la cabane de chasse.

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