Le long de la Guisane : du Monêtier au Casset


Une randonnée facile le long de la rivière avec beaucoup de fleurs et… au moins une chapelle rurale bien sûr. Nous partons sur le GR54 (balisage rouge/blanc) en direction du Lautaret.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

La piste est large ; nous traversons le Grand Tabuc sur une passerelle de bois ; trajet d’abord en sous-bois puis à partir de la chapelle Saint-Roch au soleil.
La chapelle, toute simple, est annoncée par une rustique croix de bois datée de 2013 (restauration sans doute). Je suppose qu’elle date de l’épidémie de peste de 1630, comme d’autres dans la vallée car elle figure déjà sur la carte de Cassini vers 1770. A l’époque, on ignore alors tout des causes et des modes de transmission de la contagion (punitions divines, pense-t-on…), on se met sous la protection des saints protecteurs tels Saint Roch, Saint Sébastien et Saint Antoine.

Vers 1425, elle [la peste] sévit dans la haute Romanche et le val du Monestier, […]
La contagion sévit à nouveau dans tout le Dauphiné au cours de l’année 1522 : elle fait, cette année-là, 1 600 victimes dans le Briançonnais.
La province ne connaitra plus que les deux grandes pestes de 1628-1631 et de 1720. Pendant l’été 1629, elle a touché Lyon et Grenoble. Dans le Haut-Dauphiné, sa diffusion semble liée au reflux des blessés, malades, éclopés, traînards et pillards de la fin des « victorieuses guerres d’Italie » [NDLR : La peste arrive en Italie en 1629, quand les armées française et allemande, engagées dans la guerre de trente ans, franchissent les Alpes]. Elle sévit dans le Briançonnais, de juin  – où les habitants affolés fuient leur maison pour se cacher dans les montagnes – jusqu’en octobre 1630. Les grandes pandémies au cours de l’histoire des Hautes-Alpes, Jean-Pierre Pellegrin

Les champs fleuris ont la faculté de nous rendre joyeuses ; dans le fond à droite l’Aiguillette du Lauzet.

Le GR passe entre deux gros blocs erratiques, héritage glaciaire de la Guisane. Nous arrivons dans une zone presque plane. Depuis l’interdiction faite aux troupeaux laitiers en 1965 de pâturer dans le bois du Casset, les broussailles ont envahi les hauteurs. L’église du Casset est maintenant en vue avec son clocher rond à quatre pans, recouvert d’ardoises en écaille et percé de baies géminées. En toile de fond, la Tête Noire et le Grand Aréa.

Nous arrivons au musée (2015) installé dans l’ancien moulin du Casset, ouvert et vidéosurveillé, avec deux meules horizontales à l’entrée. Les moulins de la Guisane servaient à moudre le grain, écraser les noix ou le plâtre.

Dans le blutoir, bien plus grand que celui du moulin des Pennes Mirabeau, la mouture est tamisée selon sa finesse. La chambre du meunier est plutôt rustique… l’homme était souvent agriculteur et meunier, et savait tout faire. Quelques pièces du moulin y sont exposées et des panneaux d’information explicatifs sont apposés. Un film évoque les souvenirs des habitants.

Nous visitons maintenant le hameau qui ne se traverse pas en voiture (parkings à l’entrée nord et sud) ; ce qui nous surprend, c’est le peu de constructions postérieures au XIXe. On circule entre les maisons, se demandant parfois si nous ne marchons pas dans les jardins. Les balcons sont en bois à la manière des chalets savoyards ; le cadran solaire du gite (artisan cadranier ACACIA, Mont-Dauphin, 2002) porte une devise sur la vie, ce sont les devises les plus courantes après celles sur la mort : Venez si m’en croyez, n’attendez pas demain : cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578

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** La villa romaine Saint-Pierre de Vence et le château de Roquemartine


Une randonnée très intéressante sur les hauteurs d’Eyguières. Une seule place pour se garer au plus près (croisement D569/Mas de Loc) ; vous pouvez partir de Lamanon, d’Eyguières, ou du parking près de la villa romaine, sur le chemin de Saint-Pierre en sens unique – avec de sacrées ornières selon la saison – dans le vallon des Glauges. C’est le choix de notre première visite.

Eyguières, son histoire féodale, communale et religieuse, Abbé L. Paulet, Marseille, 1901

Au vu d’un des premiers documents consultés, Des prospections à la fouille : recherches à Eyguières (B.-du-R.), Jean-Pierre Pelletier, Michel Poguet, Contributeur : F. Brien-Poitevin J. Lafaurie Y. Rigoir J. Rigoir, Revue archéologique de Narbonnaise, Année 1993, n°26, pp. 181-234, je constate que la commune possède beaucoup de témoignages de son passé : oppida, grottes, vestiges romains, castellas, chapelles, etc.

La villa romaine de Saint-Pierre de Vence se trouve au pied du mont Sainte-Cécile, à 500 m seulement du chemin où nous sommes garés. Saint-Pierre de Vence est le nom d’une ancienne communauté religieuse appelée ainsi de longue date.

L’origine de ce quartier, écrit Vanse sur la carte de Cassini, au pied du mont sainte-Cécile, nous renvoie à l’ordre de Saint-Ruf.
L’ordre est chargé de la direction de l’église Saint-Ruf d’Eyguières peu de temps après la création de l’Ordre (vers 1039 à Avignon). Celui-ci reçoit en donation de l’évêque d’Avignon Saint-Pierre de Vence et son église ruinée. Cet autre document – Les saintes de la messe et leurs monuments, Charles Rohault de Fleury, Libr.-Impr.réunies, 1893 – évoque Saint-Pierre-ès-Liens de Roquemartine.
Sainte-Cécile de Vence est mentionnée dans une bulle de 1096, confirmée en 1488 dans une bulle d’Innocent VIII.
Le tag ‘Vence ‘ du site Vous voyez le topo, me donne une idée de l’origine de ce toponyme, ni français ni provençal. Habité par les gaulois puis les romains, ce territoire a peut-être pris le nom romanisé d’un notable gaulois, celui de la villae, appelé Venucius… devenu Vence. Jusqu’à preuve du contraire…

Cette villa romaine construite au IVe siècle a été occupée jusqu’au Xe ; les monnaies découvertes à proximité en témoignent ; J. Lafaurie considère qu’il est extraordinaire qu’un même site fournisse tant de raretés aussi importantes pour sa chronologie. Eyguières (Bouches-du-Rhône). Saint-Pierre-de-Vence. Site occupé à la fin de l’âge du fer, thermes d’une villa gallo-romaine (IIe-Ve s.) et réoccupations durant le haut Moyen Âge (VIe-Xe s.). [compte-rendu], Poguet Michel, Pelletier Jean-Pierre, Archéologie médiévale, Année 1993, 23, pp. 326-327. Dans les niveaux inférieurs, un établissement plus ancien et même un habitat d’avant notre ère. Au XIXe ce que l’on a pris pour une tour est en fait un pan de mur toujours debout. Les installations 1 à 4 correspondent à un petit balneum, de 5 à 11 à un grand. Les salles se suivent, des bains chauds (6 : caldarium) aux bains froids (8 : frigidarium) en passant par les bains tièdes (7 : tepidarium). Les installations thermales gallo-romaines paraissent avoir été abandonnées, […] au cours de la deuxième moitié du Ve s. Un plan se trouve dans le document Des prospections à la fouille : recherches à Eyguières.
Les thermes romains expliqués aux enfants

Nous retrouvons le chemin par une voie romaine visible sur une vue aérienne. Le sentier passe au pied du mont sainte-Cécile puis longe la route D25 ; le nouveau château de Roquemartine a été reconstruit dans la plaine après la destruction du château féodal que l’on aperçoit au loin. Nous parvenons plus ou moins facilement à ne pas marcher sur la route D569 mais sur le bord, jusqu’au monument tronqué – assez rare en France – en hommage aux camarades tombés pour la libération de la région.

Ces éléments des monuments aux morts peuvent consister en une colonne de marbre de 2 à 4 mètres de haut franchement brisée en son extrémité haute, pour symboliser la vie trop tôt écourtée. Colonne brisée, Wikipedia

A partir de là, montée dans la pente, montée rude d’une centaine de mètres de denivelée dans les cailloux. Presque au sommet, le sentier toujours aussi caillouteux, se dirige vers le nord. Progressivement, avec une certaine émotion, se dévoile le château de Roquemartine perché sur son pic rocheux ; à ses pieds, l’église Saint-Sauveur dont les murs de belle taille paraissent en bon état.

La visite (dangereuse et en propriété privée) commence donc par l’église Saint-Sauveur, autrefois église paroissiale de la commune de Roquemartine rattachée à Eyguières depuis 1805. Nous y entrons par le sud mais au moyen-âge, on y accédait par l’intérieur car elle était adossée au rempart. Abandonnée depuis le milieu du XVIIe, elle n’a plus de toiture, les pierres jonchent le sol. Dans le chœur à voûte gothique de forme pentagonale irrégulière, je devine des peintures murales, effritées et défraichies. Autrefois, à côté de l’autel trônaient les statues d’Elzéar de Sabran et Delphine de Signes, tous deux saints. Eyguières, son histoire féodale, communale et religieuse, Abbé L. Paulet, Marseille, 1901
La travée ouest ayant été détruite anciennement, l’édifice est réduit de moitié. L’une des deux petites chapelles de plan rectangulaire conserve le caveau des seigneurs d’Albe, pillé en 1857 par une bande de brigands. En 1984, JM, restaurateur éclairé de vieilles pierres, découvre une fresque représentant la crucifixion. Merci à l’auteur Michel Morra, du blog lphdpa, d’avoir relaté les faits.
Les petites histoires du Pays d’Arles : la fresque oubliée de Roquemartine
40 ans plus tard, alors que la Fondation du Patrimoine (loto du Patrimoine 2022) vient de sélectionner le site pour un projet de fouilles et sécurisation, je serai curieuse de voir ce qui pourra être récupéré…

Le démarrage des travaux est prévue au premier trimestre 2022. Ils doivent se terminer un an plus tard, au premier semestre 2023.

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De Saint-Michel l’Observatoire à Lincel par le bois d’Audibert


Plusieurs mois se sont écoulés depuis notre dernière randonnée avec Yves Provence et le fidèle Daniel. Aujourd’hui, Dominique et moi les retrouvons, avec un groupe dont les membres se connaissent ; bonne humeur dès le matin après les consignes préalables auxquelles il tient, comme l’exactitude à l’heure du rendez-vous.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Yves me laisse le temps de loguer la cache du moulin à huile de Saint-Michel, dit « moulin à sang », celui de l’animal qui sue sang et eau, comme dit l’expression.

L’animal tourne autour de la cuve, entrainant la cuve qui va broyer les olives. Les scourtins sont remplis avec cette pâte et placés sous une presse. L’huile décante dans différents bacs remplis d’eau ; elle sera recueillie en surface.

Moulin à huile de St-Michel,  tatibanon

Nous passons devant :

  • l’église basse Saint-Pierre des XIVe et XVe et son campanile provençal – il y a bien une église haute  Saint-Michel du XIIe, privée et accolée à un prieuré ;
  • la fontaine à quatre canons porte une statue d’inspiration antique fabriquée par les fonderies d’art du Val d’Osne ; Yves a identifié L’Automne, serpe à la main et grappe de raisin ;
    La fontaine sur le site de waymarking, YvesProvence ;
  • le panneau d’information sur la porte d’Ardène (pas vu de porte…) du nom des propriétaires du prieuré d’Ardène qui accueillit autrefois les pauvres puis les pèlerins. Lire Saint-Michel par les Craux ;
  • le lavoir du Barri dans lequel il est interdit de laver le linge des malades : le lavoir de la Marceline, un peu à l’extérieur, était affecté pour le linge des contagieux. Lire La boucle de Porchères. Les bugadières posaient leurs genoux sur une caisse à laver. Le lavoir est équipé d’un étendoir et d’une cheminée pour produire de l’eau chaude.

Nous quittons le cœur du village pour un sentier qui domine les coupoles de l’observatoire astronomique de Haute-Provence. Au loin la carrière de la Roche Amère, à la forme caractéristique en triangle, se détache des nuages et des brumes du matin.  Au premier carrefour, un aller-retour nous mène sur la colline jusqu’à la table d’orientation (un sentier plus court depuis le village y mène également). Vue sur les toits et l’église, la montagne de Lure chère à Giono depuis son enfance.

Giono et la montagne de Lure. Son père : Je vais te donner 5 frs et tu vas faire le voyage le plus long que tu pourras. Giono (11 ans environ) choisit Lure, prend la diligence pour Banon où il s’arrête pour la nuit. Il rencontre des maquignons qui l’invitent à les accompagner jusqu’à la foire de Séderon, au nord de Lure. Emerveillé Giono franchit la montagne de Lure, juché sur une mule. Il rentre par la vallée du Jabron puis par le train de Sisteron à Manosque. Le voyage initiatique est ainsi réalisé. Anecdote citée dans 15 balades littéraires à la rencontre de Jean Giono, Jean-Louis Caribou, François-Xavier Emery, Le Bec en l’air, 2012

La table d’orientation, tatibanon

Jusqu’à la Crous dou Roure1, que l’IGN a renommé Croix du Chêne, le sentier est plutôt facile et lisible. Nous traversons la route mais prenons le mauvais sentier ; revenus au carrefour Yves nous entraine sur une sente de sangliers, à peine visible dans les bois de chênes, et qui se termine en descente raide et caillouteuse telle que je les déteste. Pas de chute cette fois mais j’arrive dernière du groupe… Sur la droite, il y avait bien une variante un peu peu plus longue mais était-elle meilleure ?
C’est ensuite un long sentier dans le bois d’Audibert, dont le tracé n’a pas changé depuis des siècles, j’ai vérifié sur le cadastre napoléonien. En contre-bas, les ruines du moulin Rignol (c’était celui d’Audibert autrefois), sur le Largue mais il faudrait descendre et remonter : ce ne sera pas pour aujourd’hui.
Pas âme qui vive sur ce sentier terreux du bois d’Audibert ; une végétation touffue, des feuillages rouges, de la tranquillité, et impossible de se perdre. A chaque passage de ravin, une descente et une remontée.
En dehors du sous-bois, sur des rochers accueillants, aura lieu la pause pique-nique (photo Yves Provence : les personnes qui ne souhaitent pas figurer sur la photo peuvent me le signaler). Oserai-je l’avouer ? j’ai adoré retrouver le goût du rhum arrangé d’Yves
Nous coupons le ravin de Valvinière puis entamons notre descente non balisée jusqu’à Champ Pourcel pour franchir le ravin de la Tuverenche. Depuis le haut du cirque de strates calcaires d’une vingtaine de mètres de haut, une ou deux cascades ont laissé des traces de leur chute.

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