La boucle des Esconfines à Buoux


IMG_4092.JPGMes deux acolytes ont craint une météo boudeuse ; j’ai ressorti mon livre 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, F. Dominique, Le bec en l’air, 2009 et j’ai choisi cette boucle des Esconfines1 moins connue que le fort de Buoux mais où une curiosité géologique m’intrigue. C’est à l’extrémité sud ouest du plateau des Claparèdes, d’abord partiellement sur le GR de pays du tour des Claparèdes puis balisé « esconfines ».

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IMG_4102.JPGIMG_4095.JPGDépart du parking du village en bordure de la Loube si boueux que cela me jouera un mauvais tour au moment de repartir. Je monte par la calade qui passe devant l’église paroissiale puis  jusqu’au plateau en passant devant un oratoire. La petite église romane Sainte-Marie, dont la façade est enduite à la chaux, servait de lieu de culte à une population nombreuse mais disséminée sur le plateau ; jusqu’au XIXè siècle les habitants étaient enterrés autour de l’église : il reste quelques tombes à même la terre posée sur des dalles de pierres dans un cimetière surélevé. IMG_4098.JPGC’était, avant l´implantation de la petite agglomération actuelle (vers 1660), le lieu de culte correspondant alors aux besoins du château voisin et d’une population rurale dispersée. L’autel de pierre est surmonté d’un retable à pilastres cannelés. « L’architrave2 porte encore l’inscription Sancta Maria de Buolis O.M. » Ce retable servait autrefois d’encadrement au tableau de la Vierge Marie.

IMG_4111.JPGAu carrefour à droite l’ancien château seigneurial de Buoux est devenu château de l’environnement, propriété du parc naturel régional du Lubéron. « En 1418, c’est Béranger de Forcalquier qui remet pour services rendus, le château, le village,… à Lancelot de Pontevès, second fils de Jean et Madeleine de Marseille ». Dès lors, la seigneurie de Buoux appartient à la branche des Pontevès. Le château a été transformé au XVIIè siècle (plus de fossés, plus d’enceinte ni de tourelles), mais inachevé puisque la toiture de l’aile droite n’a jamais été posée. Provence Luberon news

IMG_4116.JPGUne éIMG_4137.JPGnorme citerne rectangulaire recueille les eaux de ruissellement.  Un escalier en pierre de taille descend dans le fond de la cuve pour l’entretien. Le trop-plein s’évacue dans un second bassin perpendiculairement au premier. Ici, l’eau circule partout sur les sentiers, dégouline des falaises, alimente les cultures des bancau et sculpte de drôles de formes.

IMG_4103.JPGDe drôles de formes telles que ces boulets de canon enchâssées dans la molasse grise, sur un espace de quelques mètres à droite du sentier ; plus carbonatées que les autres, plus résistantes à l’érosion, elles sortent peu à peu de leur support, finiront sans IMG_4104r.JPGpeut-être par s’en détacher et rouleront au bas de la pente. Cette masse calcaire a subi et continue à subir une importante érosion hydraulique.

Les boules de Buoux sont des sphères de 10 à 50 cm de diamètre, régulières, compactes, enchâssées dans la molasse burdigalienne Elles y sont « fichées comme des boulets dans une muraille ».
Leur composition est identique à celle de la roche encaissante, mais toutefois plus carbonatée. Il ne s’agit donc ni de galets, ni de nodules* ou de concrétions, qui devraient avoir une composition différente de celle du milieu. Leur formation est encore mal connue. Peut-être s’agit-il, comme pour un rognon de silex, d’un phénomène de concentration centripète de carbonate lors de la diagenèse, c’est à dire lors de la transformation du sédiment en roche. « Les boules résultent d’un processus comparable de grésification mais non identique, plus intense, mieux délimité ». Information obtenue de Stéphane Legal, parc régional du Lubéron

Produites pendant la diagenèse, ce ne sont donc pas des concrétions comme dans les grottes mais des concrétions au sens des sédimentologues :

dans ce cas elles sont produites par la concentration ou la ségrégation d’un minéral au sein d’une roche sédimentaire, et sont très généralement diagénétiques (donc avant lithification complète de la roche). […] On a la même chose dans le cas des boules de Saint-André-de-Rosans [Hautes-Alpes – phénomène différent mais comparable] ou d’autres concrétions semblables en Europe : pour l’essentiel la composition de la concrétion est la même que celle de la roche encaissante, seule la quantité du minéral formant le « ciment » (ici calcaire) diffère.

Merci Irna pour ces précisions. Il est vrai que des boules de pierre, il en existe plusieurs sortes dans la nature. Regardez tout ce que la nature ne peut pas faire : IV sphères de pierre, du site d’Irna. Voir aussi en anglais wikipedia sur les concrétions.

epigenisation.jpgepigenisation2.jpgSchéma simplifié de la diagenèse (site de l’académie d’Aix-Marseille)

 

concretion_NZ3.jpgtheodore roosevelt nat park concretions.jpgconcre1.jpgConcrétions : certaines personnes les déterrent et en font un ornement dans la pelouse de leur maison !

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*** Les sources de la Siagnole et l’aqueduc romain de la Roche Taillée


IMG_0005.jpgDépart du village de Mons (803m) par un sentier empierré mais qui descend doucement. Un balisage bien fait, donc pas de risque de se perdre. Un convoi de chenilles processionnaires traverse le sentier.

IMG_4003r.JPG« Au printemps, la colonie, conduite généralement par une femelle, quitte le nid, toujours en procession pour gagner au sol un endroit bien ensoleillé et s’enfouir dans un trou où chacune des chenilles va tisser son cocon pour démarrer son processus de transformation en chrysalide ».

Plus bas, nous passons à côté de belles lignées de restanques, travail d’un artiste, puis suivons la départementale 56 que nous avions parcourue sous la neige en janvier dernier. C’était le jour de la fameuse alerte orange dans le Var.

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IMG_3525r.JPGIMG_3514r.JPGPar le sentier juste après le pont, nous rejoignons les anciens moulins communaux de Mons, moulin à huile avec son immense roue à aubes, moulons à foulon1 et blé. En remontant la rive droite, nous pouvons voir les installations de l’autre côté. On entend désormais une turbine moderne. IMG_0072.jpgEt si l’on continue jusqu’au barrage des moulins, c’est un impressionnant tonnerre que l’on entend ! l’eau tombe en hautes cascades sur la largeur de la rivière, formant un nuage de gouttelettes en suspension dans l’air. Les abords sont glissants et dangereux mais le spectacle magique. Dans les sous-bois, un drôle de champignon gélatineux à volutes oranges accroche notre regard et s’accroche à un arbre mort dans un sous-bois. Une trémelle mésentérique ?

IMG_3516r.JPGIMG_3522r.JPG[…] les monsois restent très attachés à leurs moulins, pour preuve les véhémentes protestations du conseil municipal de Mons à propos du projet du canal Jourdan en 1847. Ils ont réussi à maintenir un droit d’eau d’un débit minimum de 100 litres par seconde au niveau des moulins communaux. « Les paysans, au début du XXe siècle, venaient « faire moudre » leur blé pour fabriquer eux-mêmes leur pain. L’hiver, ils apportaient leur récolte d’olives au moulin à huile. Cette huile servait à la cuisine, mais aussi à l’éclairage, l’électricité n’étant pas encore amenée dans les campagnes. Les routes n’étaient pas aménagées et c’est, à dos de mulet, par les chemins rocailleux, que les paysans se rendaient aux moulins ». La séparation des peaux et noyaux des olives est obtenue par décantation dans une succession de bassins :

  • les résidus sont revendus pour la fabrication du savon Palmolive … à l’huile d’olive,
  • les noyaux sont toujours recherchés pour l’industrie cosmétique ou la fabrication d’abrasifs, de pâte à polir les verres de lunettes (établissements Charles Bardon au Muy).

Les moulins de la Siagnole, site wikipedia

IMG_0033.jpgIMG_0041.jpgDemi-tour pour emprunter désormais le  GR qui surplombe légèrement la Siagnole. Après une marche le long du canal, nous arrivons à un premier captage moderne, celui de la source Jourdan. En poursuivant notre chemin, nous passons devant une guérite abandonnée avec barrière : elle devait autrefois contrôler l’accès à la source de Neissoun et aux installations de captage.  Après une petite escalade, nous accédons sans trop de difficulté à la grotte de Neissoun barrée d’une grille de métal : elle ne recrache pas d’eau aujourd’hui mais l’eau coule quand même de tous côtés, surgissant même parfois tel un petit geyser (photo de droite). Nul doute qu’après de fortes pluies, les sources vauclusiennes doivent sortir de toutes les grottes et fissures de manière spectaculaire.

Source romaine de la Sagniole (photos, schémas, explications)

 

IMG_0259.jpgIMG_0061.jpgLe captage romain a disparu sous les installations actuelles. Le canal, recouvert de dalles de calcaires (1m de large, 50cm de profondeur) remplacées aujourd’hui par des dalles en béton, court en sous-bois rive gauche interdite au public ; 160m plus loin, il traversait ensuite la rivière sur un pont aqueduc à une seule arche dont nous avons retrouvé quelques morceaux de maçonnerie sur la rive droite (mais l’imposante culée amont se trouve rive gauche), sans savoir à ce moment là qu’ils avaient appartenu à un pont romain ; les Romains utilisaient une technique de régulation de débit (déversoir) en cas de mise en charge exceptionnelle de la source vauclusienne. La surveillance se faisait par des regards tous les 270 pieds romains (80m env.) pour assurer nettoyage et réparations (beaucoup de dépôts calcaires dans un environnement karstique !).

Voir le tracé sur le site Pays du Var Est avec le tracé reconstitué par tronçons.

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** Au fil de l’eau à Cotignac


Que d’eau, que d’eau sur le site de Cotignac !

Que l’on se promène sur le chemin du haut par le chemin des Verdares ou celui du bas par le vallon Gai, le bruit de l’eau guide nos pas. Alimentée par la source Saint-Martin, l’eau de la Cassole chute de cascade en cascade jusqu’au gouffre Rigaud (mais pourquoi ce nom ?). Même en été, la Cassole, alimentée par cette source pérenne, coule toujours dans le village de Cotignac. En toutes saisons, ce parcours thématique sur l’eau – que j’ai conçu également pour les geocacheurs et grâce à deux geocacheurs, permettra de découvrir Cotignac d’une bien agréable manière ! Site officiel de la commune de Cotignac

« A l’ère quaternaire, la rivière La Cassole coulait par dessus le rocher. » Extrait du site de l’office du tourisme de la Provence Verte

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IMG_0059.jpgAprès son passage dans les dolomies souterraines, la source de la Cassole est très minéralisée, ce qui favorise les concrétions, surtout au printemps où la température favorise « l’évaporation, le dégazage du CO2 et l’activité végétale ». Le travail de l’eau explique donc toutes les anfractuosités, les stalactites et les stalagmites que l’on aperçoit quand on est au pied du Rocher de Cotignac. Autour du rocher de Cotignac, A. Acovitsioti-Hameau2, J.J. Blanc, C. Chopin, G. Godefroid, Cahiers de l’ASER, suppl. 6, 1999
Selon J.Nicod, Barrages de tufs calcaires et cascades dans le centre Var, Cahier de l’ASER n°16, 2009,

« il semble que des voiles de tuf aient pu continuer de se construire jusqu’au début du XVIIIe car la cascade inondait encore en crue une partie du site ».

Il situe donc le détournement de la rivière  à cette époque, – je dirai plutôt le barrage anti-débordement empêchant la Cassole d’inonder Cotignac par le haut (ce qui est plutôt rare, convenez-en !) – confirmé par l’extrait du rapport Cartographie hydrogéomorphologique des zones inondables du haut bassin versant de l’Argens, IPSEAU-DIREN PACA, 2006

La singularité de la Cassole réside dans l’immense barrage de travertins qui domine le centre de Cotignac, [..]. Ce barrage comblé constitue un plateau duquel les eaux peuvent se déverser sur le village depuis la corniche rocheuse en cas de crue importante de la Cassole. […] En 1702, la Cassole a quitté son lit sur le plateau de Cotignac et s’est répandue à l’aval du plateau sur le centre ville. Il y eut deux morts. Suite à cette crue, en 1703, un mur a été construit sur le plateau pour contenir la Cassole en cas de crue exceptionnelle. Ce mur de 1,5 à 2 mètres est peu entretenu et présente des brèches. Annexes techniques sur les crues, direction régionale de l’environnement

barrage de travertins à Cotignac

Dès le XVè siècle, les eaux circulant autour de cette vaste barre de tuf arrosent champs, priairies et jardins et, canalisées vers l’aval, font tourner des moulins et autres fabriques. Plusieurs indices prouvent que si Cotignac est transféré en aval de l’entablement au XIIIe siècle, la majorité des aménagements actuellement visibles dans le Rocher ne sont pas antérieurs au XVIIIe siècle. Extrait de Présentation du patrimoine artistique, historique et linguistique de ce département, de sa littérature, de ses traditions, de son milieu naturel et de son économie, Dominique Legenne, Ada Acovitsióti-Hameau2, Philippe Blanchet, Tony Marmottans, Jean Nicod, Franck Auriac, Christine Bonneton, 2008

IMG_0082.jpgCe sont les canaux et conduits souterrains qui s’encroûtent désormais : nous avons pu en faire une photo sur le chemin du Derroc. Vers 1900, on comptait à Cotignac 1 moulin à vent, 3 moulins à huile, 4 moulins à tan1 . En descendant dans le village par le chemin des Tours, on suit le trajet de l’eau le long des canaux et gouttières naturelles.
IMG_3240R.JPGLa cascade du Derroc, est en limite de propriétés privées mais un étroit sentier permet d’aller la contempler d’en bas en longeantla cascade vue du haut de la chute une clôture sur 80m à partir du chemin. « A la cascade du Déroc quand il y a beaucoup d’eau, il y a deux cascades parrallèles et celle qui tombe dans un cuvette s’appelle La Trompine. Par contre l’endroit est dangereux car il y a parfois des éboulements », me signale carfantin.
Une cache balade du petit poucet (1) GC1NCEF, y a été placée par papounet83. Dans la direction opposée, vous êtes sur le haut d’une autre chute (photo de gauche Ti’Mars…) : mieux vaut ne pas s’y aventurer et se contenter du bruit de la chute.

IMG_3244r.JPGDIMG_0109.jpge là vous pouvez faire un petit crochet vers la chapelle Saint-Martin (cache balade du petit poucet (2) GC1P7KP de papounet83 d’un côté et celle de carfantin Cotignac #1 la chapelle Saint-Martin GC1RQ78 de l’autre), autrefois église paroissiale du village. Au sud de la chapelle a été trouvé du matériel de l’époque romaine. Dans le soubassement de l’angle du bâtiment accolé à la chapelle se trouve un contrepoids de treuil (pressoir) de cette époque. Puis direction la source Saint-Martin (cache Cotignac #2 : la source Saint-Martin GC1RQ9C de carfantin) et son lavoir. « Le lieu présente un aménagement complexe de plusieurs bassins communiquant par des martelières, suite de la faille rocheuse d’où sourd l’eau ». Extrait de Côté colline, Ada Acovitsioti-Hameau, Publications de l’Université de Provence, 2005. Les lieux Saint Martin sont souvent liés à des fontaines ou sources aux propriétés miraculeuses : Continuer la lecture de ** Au fil de l’eau à Cotignac