La bergerie troglodytique de Cabrone et les aiguiers du Jas des Pins


Nous aurions pu ajouter cette variante à notre randonnée de la veille au départ des Grands Cléments mais cela nous a semblé trop long pour une randonnée en hiver. La plupart des circuits proposés sur internet incluent cette visite dans une boucle longue et parfois difficile. J’ai donc repéré un sentier en pointillé sur la carte IGN qui mène très rapidement à la bergerie de la Combe de Coste Brune et au Jas des Pins. Attention ! zone réglementée dans les monts de Vaucluse, voir l’article sur randonnée et interdiction de circuler 2010

la météo aujourd’hui et à 3 jours à cet endroit :
avec la direction du vent et la température ressentie

IMG_6843.JPGParvenus sur place, nous constatons qu’il n’y a pas de parking, pas de balisage mais le sentier en sous-bois est visible. Progressivement, il se rétrécit, envahi par la végétation ; au bout de 15mn, il a disparu. Heureusement, ayant préparé la randonnée sur mon GPS, je parviens à repérer la direction à prendre. Nous retrouvons bientôt un semblant de sentier. Inquiets cependant, nous continuons dans une végétation dense. Finalement, presque surpris, nous parvenons sur une piste forestière plus large d’où nous apercevons un bâtiment de pierre.

IMG_6791.JPGBien qu’ayant déjà lu le chapitre correspondant du livre 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, Florence Dominiquele bec en l’air, 2009, nous ne cachons pas notre étonnement.

Cabrone, pour qui la découvre, est une sorte de miracle, comme une oasis dans le désert. […] De nombreuses traces de reprises de maçonnerie et modifications de percements montrent que cette remarquable construction est le fruit d’un aménagement progressif et d’adaptation fonctionnelles (A.Y. Dautier)

Plusieurs baumes abritent un véritable ensemble troglodytique construit en pierres contre le rocher : c’est la bergerie de Cabrone. IMG_6826.JPGDes signes évidents de vie montrent que le lieu est habité. Nous n’osons pas pénétrer dans les deux premières pièces (qui seraient des étables) devant laquelle un sac est posé. Nous ouvrons la bergerie séparée naturellement du logis par le rocher  : on y voit un mur de pierre intérieur, une ouverture donnant sur l’écurie attenante, des sacs de graines et quelques outils.

IMG_6811.JPGIMG_6821.JPGUn chat s’approche de nous et se laisse carresser :  il se rend ensuite à l’abreuvoir monolithe. En y regardant de plus près, un système sophistiqué d’impluvium1 récupère l’eau de pluie depuis la falaise calcaire en surplomb au dessus des baumes. Des rigoles ont été creusées, remplissent un large aiguier de forme rectangulaire d’où l’eau s’écoule encore jusque dans une cavité naturelle fermée par un mur maçonné bien protégé. L’eau ne s’écoulait donc pas dans les bâtiments et son stockage permettait aux habitants de vivre en autarcie un certain temps : nous sommes presque à 800m d’altitude.
Face à l’habitation à laquelle on accède par un escalier de pierre sèche, a été construit un cabanon couvert de tuiles, transformé en poste à feu comme en témoigne une embrasure de tir ménagée sur la façade nord. De gros éboulis dans le jardin achèvent l’harmonie entre le naturel et le construit.
A.Y. Dautier, Trous de mémoire – troglodytes du Lubéron et du plateau de Vaucluse, les Alpes de Lumière, 1999

IMG_6801.JPGIMG_6803.JPGIMG_6810.JPGAPT_192.jpgAPT_213.jpg

IMG_6831.JPGNous poursuivons vers le Jas des Pins. Le chat nous suit pendant quelque temps, passe devant nous, se cache dans les buissons, vient quémander de nouvelles caresses. Nous découvrons l’aiguier à ciel ouvert dans la dalle rocheuse où l’eau est récupérée par des rigoles pour qu’elle ne soit pas  perdue dans les réseaux karstiques du sous-sol. Comme à Auribeau, une petite auge est creusée dans la pierre à côté de l’aiguier pour le bétail. A l’intérieur d’une des extrémités, un bloc rocheux a été partiellement détaché :  les habitants du jas auraient-ils prévu d’agrandir l’aiguier par extraction de ce bloc ?  IMG_6839.JPGAPT_235.jpgL’éparpillement de l’habitat a été la cause de la multiplication des aiguiers dans cette région. Nous cherchons le jas en ruine qui devait être assez important avec un étage et plusieurs pièces. Il ne reste que des ruines et un semblant de jardin entouré d’un muret de pierres.

IMG_6829.JPGLa boucle du retour n’a qu’un seul intérêt : le point de vue sur le Luberon que vous aurez de toutes façons depuis l’aiguier. De plus, le risque de se perdre n’est pas nul car le sentier ne suit pas celui de la carte. Je vous suggère donc un simple aller-retour pour une petite balade qui intéressera petits et grands. Vous pourrez la compléter par celle de la chapelle bien cachée située au fond de la combe de Saint-Pierre.

La bergerie de Cabrone et l’aiguier du Jas des Pins 1h15 dépl., 3km640, 95m dénivelée (départ dans le virage en épingle à cheveux sur D34 : N43.95941 E005.45175, direction Lagarde d’Apt)

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1Impluvium : système de récupération des eaux de ruissellement tel que plan de roche dénudé et creusé de rigoles de collecte, ou toiture collectrice concave avec lauses inclinées convergeant en direction du trou de collecte

Le canal de Manosque entre Volx et Manosque


IMG_0276.jpgDépart du col de la mort d’Imbert ; question organisation, nous avons laissé une voiture à Manosque sur le parking près du théâtre, une autre au col. C’est un sentier que nous avons déjà emprunté, passant devant une ancienne tuilerie et son four sur la gauche, dans le quartier des gipières, qui traverse la forêt de Pélissier ; c’est là que se trouvent les réserves en pétrole et gaz de la France. Voir les sentiers de Bellevue IMG_0286.jpgBien difficile de trouver les bons sentiers pour rejoindre Volx en traversant la forêt. Quelques papillons orangés aux ocelles noirs (Tabac d’Espagne ?) butinent, placides, ailes déployées, nous laissant le temps de les photographier. Beaucoup de chemins de traverse et un seul panneau identifiant clairement la direction de Volx ! Après la colline de la Tuilière, nous sommes en terrain découvert avec vue dominante sur la Durance. IMG_0290.jpgPuis c’est l’entrée dans Volx près des sentiers de l’olivier et du cimetière. Prolongement par le centre du village de Volx pour le pique-nique que nous pourrons déguster sur une table et des chaises laissées à l’extérieur par les propriétaires du bar partis en congé annuel le jour même.

Au nord de Volx, au lieu-dit Fontolive, l’eau canalisée sous terre déverse son trop-plein sur une rampe, maçonnée en moellon, qui suit la déclivité de la pente d’une colline. Le trop-plein se jette dans le cour d’eau du Largue. […] À proximité [du tunnel], un puits de canalisation en moellons oriente l’eau vers des habitations et des cultures situées en contre-bas. Extrait du parc naturel régional du Lubéron, le canal de Manosque

IMG_0323.jpgNous rejoignons le vieux canal de Manosque que nous allons longer jusqu’à la ville de Giono ; agréable balade, sans difficulté, au cours de laquelle les ouvrages d’art se succèdent : ponts et aqueducs aux rebords étroits sur lesquels nous cheminerons. Sur l’un d’eux un nombre – 36.30 – mesure la distance en km entre la prise d’eau d’origine (rocher de Trébaste, Chateau-Arnoux) et le pont ; la prise d’eau a changé mais pas les distances ! Sur notre gauche, une réserve d’eau pour l’irrigation. Beaucoup de martelières le long des habitations. Nous traversons des oliveraies puis le joli vallon des Cinq Heures. Arrivés à la tête du syphon, nous passons sur l’autre rive du canal devant une ancienne cabane de chantier du canal de Manosque marqué ‘CM’, destinée à abriter les pièces du siphon, dont les plaques de fonte pour boucher les conduites en cas d’intervention. La descente est raide jusqu’à la route. Après la passerelle de métal, l’enjambement maladroit des canalisations, c’est une belle grimpette en sous-bois pour retrouver la tête du syphon et ses vannes. C’est ainsi que le canal traverse le vallon de Valveranne. Nous nous posons quelques minutes.
le canal de Manosque, C. Chapuis, A. de Réparaz, H. Pignoly, Les Alpes de Lumière, 2012

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IMG_5947.JPGEntre les deux rives du canal, une toile d’araignée suspendue au-dessus de l’eau, suscite notre admiration : comment l’araignée a-t-elle tissé une toile entre deux berges aussi éloignées ? comment fait-elle pour ne pas être emportée par le courant ou par le vent ? Cliquer sur la photo de gauche pour mieux voir la toile d’araignée. IMG_5950.JPGLe canal pénètre ensuite dans Manosque, apportant sa fraicheur et un coin de nature dans la ville. Les promeneurs se font plus nombreux. Pour nous, c’est l’heure de récupérer le véhicule laissé au col de la mort d’Imbert. Les geocacheurs trouveront encore un peu de force pour chercher les « nano caches » posées par estoublon :

Les randonneurs pas très en forme auront leur dose de sport, les enfants intrépides mais prudents prendront plaisir à marcher ailleurs que sur le sentier. Si vous aimez ce genre de balade, vous aimerez aussi le canal de Manosque entre la Brillanne et Ganagobie
Image de l’itinéraire Col Mort d’Imbert – Volx – Manosque par le canal 15km 3h45 dépl. 277m dénivelée (ajouter 2km200 A/R pour rejoindre le centre du village de Volx)

Le circuit du gypse et le rocher de Sainte-Madeleine


Après la balade du matin que nous avons voulu facile, nous décidons sur les conseils d’estoublon, de faire le circuit du gypse préparé par la réserve géologique à Thoard. Il fait chaud ; l’enthousiasme n’est pas débordant mais nous sommes motivés par la découverte du refuge d’art de la chapelle Sainte-Madeleine en bordure de falaise, en haut du rocher, et la carrière de gypse. D’un point du vue géologique, nous trouvons des paysages contrastés, la vallée des Duyes se trouvant autrefois en bordure de la mer qui recouvrait la Haute-Provence et également au pied des montagnes ; le sable accumulé forme le grès que l’on voit aujourd’hui. La limite de chevauchement est soulignée par les affleurements de gypse qui ont servi de ‘savon tectonique’ à la nappe de charriage de Digne. Géologie de la vallée des Duyes

La météo à cet endroit aujourd’hui et à 3 jours
avec le vent

IMG_5442.JPGimage44.jpgLe départ par le GR de pays « grande traversée des préalpes » ou GTPA, se trouve à la Bannette à Thoard, ou sur le parking aménagé un peu plus loin. Il grimpe, grimpe sur les cailloux puis tourne à gauche, longeant des champs pentus dont des champs de lavande plus ou moins abandonnés ; le monument du souvenir des résistants nous rappelle qu’ici deux jeunes ont été assassinés par les allemands lors de la seconde guerre mondiale. L’ADRI a même publié un livre permettant de découvrir tous les chemins de la résistance. Les chemins de la liberté – sur les pas des résistants de Haute-Provence, ADRI – AMRID, ADRI-AMRID, 2004

image48.jpgNous délaissons alors le GR pour grimper sur le rocher de Sainte-Madeleine curiosité géologique dont la nature n’a rien à voir avec les terrains qui l’entourent : il s’agit soit d’un élément arraché à un relief voisin et entraîné ici lors de la mise en place de la nappe de Digne, soit il correspond à un repli de la nappe de Digne (A travers la réserve géologique de Haute-Provence, ADRI/Réserve géologique, ADRI, 2000) ; autrefois les paysans de la vallée de Thoard se servaient de l’ombre projetée par le rocher pour connaitre l’heure. A midi le rocher est totalement éclairé.

Nous passons près de l’antenne et rejoignons la chapelle Sainte-Madeleine devenue refuge d’art, collection hors les murs du musée Gassendi de Digne, datant de 2002. De loin, sa situation ressemble fort à celle de la chapelle Saint-Michel de Cousson : très proche de la falaise. Quand nous nous trouvons face à l’entrée, sans porte, nous reconnaissons tout de suite l’œuvre d’Andy Goldsworthy qui marque de son empreinte toute la Haute-Provence ; un oeuf de pierres plates et bien alignées, à taille humaine, invite à nous y lover ; c’est ce que souhaite l’artiste, ce que nous ferons, comme tant d’autres avant nous. IMG_5450.JPGDeux rais de lumière pénètrent dans la chapelle par de IMG_5461.JPGdiscrètes ouvertures dans la toiture. Alors que nous profitons du silence assis sur le banc, soudain des bruits de moteurs rageurs nous ramènent à la réalité : quatre quads déboulent près de la chapelle. Les visiteurs y jettent un oeil rapide ; au cours d’une brève discussion, nous retenons une bonne adresse : celle du restaurant la Bannette où il vaut mieux réserver. Ils repartent en trombe, abimant le sentier en déterrant même les grosses pierres.

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