Esparron du Verdon : de la Séouve à la chapelle Sainte-Magdeleine


IMG_0124.jpgDépart près de l’église Saint-André, agrandie et restaurée vers 1710, et son campanile provençal, « cage polygonale s’effilant vers le sommet en un fleuron muni de crochets » (1758). Elle englobe quelques éléments médiévaux.

Le château d’Esparron que domine la tour féodale quadrangulaire des Castellane, avec créneaux percés d’archères d’angle d’époque (fin XIIIè), n’a pas cessé depuis l’origine d’appartenir à la même famille. Même au moment de sa vente à la révolution française, Joseph Ricoux qui l’acquiert, prétend « avoir agi dans la présente vente pour compte d’ami en faveur de trois petits enfants du citoyen J.J.-B Castellane résidant à Saint-Paul-Trois-Châteaux ».

IMG_7053.JPGLe donjon du baron Boniface VI de Castellane défia le nouveau comte de Provence Charles d’Anjou. La puissante baronnie de Castellane s’étend alors sur tout le Verdon. Il manie le sirventès1 avec brio. « la guerre, les efforts, le tumulte me plaisent » disait-il. Mais Charles d’Anjou gagnera cette guerre et les barons de Castellane devront se soumettre.

IMG_0128.jpgVu de derrière, cet ensemble de bâtiments n’a rien d’impressionnant. De face, évocateur des temps féodaux, il domine magistralement le village d’Esparron ; nous voyons bien que la façade des six corps de logis a été restaurée (XVIIIè). Trois étages de fenêtres cintrées sont prises en tenaille entre deux avancées rectangulaires servant de toursIMG_7056.JPGLa fontaine du château accolée au domaine du seigneur, servait également de fontaine publique et alimentait le lavoir tout proche. Avec ses pilastres et son fronton triangulaire, elle décore l’entrée du château depuis 1862.

IMG_0138.jpgAprès la cache Château d’Esparron par MSJWombats, IMG_0140.jpgnous prenons la direction de Quinson par les Sambres, début de parcours commun au sentier de découverte balisé PR jaune ; de nombreux pupitres présentent les espèces végétales : chêne blanc, chêne kermès, genévrier, poirier faux amandier, etc mais en cette saison, il est bien difficile d’identifier les arbres qui semblent morts.

Office du tourisme d’Esparron

Esparron, une des communes du Parc naturel régional du Verdon

cadastre napoléonien 1825 carraire troupeaux d'ArlesIMG_7067.JPGNous marchons sur des blocs rocheux parfois humides et glissants. Au belvédère de la Tuilière, nous pouvons apercevoir le lac. Presque en face de nous, autrefois, un pont édifié vers 1725 permettait aux troupeaux venant d’Arles, de traverser le Verdon lors de la transhumance vers les Alpes : il est aujourd’hui noyé sous les eaux mais nous en trouvons trace sur le cadastre napoléonien. Esparron, situé sur cette draille vivait donc du passage des moutons sur ses terres.

La communauté d’Arles préoccupée d’assurer la conservation de ses immenses troupeaux, entretient dans la Crau des gens armés ; elle facilite la transhumance en établissant des carraires, en assurant le libre passage par des traités avec les riverains, en s’assurant de lieux de parcage pour les troupeaux. Le Droit d’esplèche dans la Crau d’Arles, thèse pour le doctorat Faculté de droit d’Aix.Fassin Paul, impr. de B. Niel (Arles), 1898

En 1934, le département des Basses-Alpes, recevait encore en estivage 120 troupeaux des Bouches-du-Rhône. Le cadastre napoléonien d’Esparron porte trace de ces sentiers de la transhumance : la Carraire de l’abreuvage, la Carraire des troupeaux d’Arles qui longeait le Verdon avant de le traverser au sud de l’actuel ravin de Chabert.

Continuer la lecture de Esparron du Verdon : de la Séouve à la chapelle Sainte-Magdeleine

La boucle de Blachère à la Motte du Caire par la gypière


IMG_5817.jpgUn week-end de solitude comme j’aime à en faire de temps à autre. J’ai réservé à la Motte du Caire une modeste chambre d’hôtes – la maison des hôtes – où l’accueil est simple et cordial. Arrivée tard dans la matinée, je pars aussitôt pour la boucle de Blachère annoncée avec une seule étoile en difficulté. Elle le fut plus que je ne le pensais : j’aurais dû la faire dans l’autre sens en commençant immédiatement par la montée quand j’étais encore en forme.

IMG_5821.jpgJe longe tranquillement le large terrain de vol à voile. Beaucoup de personnes viennent jusqu’ici pour frôler la montagne ou voler avec les oiseaux. Le chemin est long mais plat, longeant les cultures de pommiers recouverts d’un filet qui les protègent de la grêle, puis traversant un sous-bois. Je remonte ensuite sur la route, en longeant le Sasse, ce torrent parfois impétueux. Au panneau, je tourne à gauche sur le sentier rejoignant la gypière où se trouve un four à plâtre encore en bon état. Je m’assois sur le rebord près de la meule qui servait au broyage, et je prends mon pique-nique.
IMG_5835.jpgLe minerai de gypse, très répandu en Haute-Provence, est une roche plutôt tendre relativement aisée à extraire, que l’on «cuit» afin de la déshydrater presque complètement avant de la broyer ou de la moudre plus ou moins finement.

Four à plâtreIMG_5828.jpgIMG_5833.jpg

le four à plâtre : meule, axe de la meule, four

Le travail de fabrication du plâtre comporte trois étapes longtemps maîtrisées par les mêmes personnes :

  • L’extraction du gypse ou pierre à plâtre a lieu en général en carrière à ciel ouvert, à Clamensane par exemple ; le travail se faisait au pic, à la pioche et à la masse principalement, avec un transport au panier jusqu’au four, en général à proximité. Plusieurs communes géraient elles-mêmes de façon communautaire leurs carrières ouvertes aux habitants pour leur besoins personnels. La Motte-du-Caire instaure en 1900 une taxe visant uniquement les commerçants.
  • La cuisson : «les faiseurs de plâtre» empilent des blocs de gypse de plus en plus petits en formant une ou plusieurs arches dans une simple cavité circulaire, une «culée». Un feu de bois est allumé sous les arches pour une cuisson de plusieurs jours dans ce four vertical, à 100-150 degrés environ. La cuisson selon ce procédé n’était donc pas homogène […].
  • Le broyage : le gypse «cuit» est trié pour séparer au besoin les morceaux particulièrement «incuits» et les «surcuits». La fournée est mélangée pour homogénéiser l’ensemble. Puis le plâtre est réduit en poudre. Plusieurs systèmes coexistent jusqu’au XXè siècle : le battage à bras à la masse de bois à long manche souple, le broyage au rouleau de pierre sur l’aire à battre les céréales, à la meule dans un moulin artisanal. Ces moulins circulaires étaient souvent actionnés par des animaux. Le plâtre est ensuite (ou simultanément dans les moulins) tamisé plus ou moins finement.
    Transporté en vrac, en charrette, le plâtre pouvait être stocké ainsi dans un coin de grange, vendu cru par charge ou cuit par fournée. Il était alors mesuré jusqu’à la Révolution en «émine» (environ 33 litres) ou en «panai», valant une demi-émine. Après cette époque, il était conditionné en sacs de toile et mesuré en boisseaux (unité valant un décalitre), avant l’apparition des papiers composites contemporains pour un conditionnement de 40 kg.

Extrait de Deco-verone.com. Voir aussi le métier de gypier

IMG_5839.jpgIMG_5837-225x300.jpgJe me remets en route ; je m’égare dans les terres noires et rate l’étroit sentier qui s’enfonce dans la forêt domaniale du Grand Vallon. A partir de là, la montée sera continue et rude, surtout au moment de la digestion. Les moustiques m’attaquent férocement : je suis obligée de m’arrêter et m’asperger de l’anti-moustique que j’avais acheté pour mon voyage en Egypte. Parvenue en haut, les montées et descentes alternent continuellement sans jamais passer par le point culminant de la Blachère.

IMG_5847.jpgIMG_5843.jpgParvenue enfin sur le plateau du grand Abian (1131m d’alitude), le décor change : une large piste forestière bordée de pins, de vastes prairies, une ferme en ruine encore en activité au XXè siècle,  finalement un lieu qui invite à la détente. Je cherche un peu le sentier qui redescend sur le village. Pas très agréable, caillouteux, il serpente en sous-bois. Quelques arbres abattus en travers du chemin témoignent de la dernière violente tempête.

IMG_5849.jpgD’en haut, se laisse admirer le tableau composé de champs colorés au pied de la montagne. La descente me semblera longue. J’arriverai au gite pour le repas au cours duquel je serai initiée à la théorie du vol à voile et incitée à monter au sommet des Monges, ce que je ferai le lendemain (voir le sommet des Monges à partir d’Esparron la Bâtie).

Finalement un circuit plus difficile qu’annoncé à ne pas faire seul (aucune rencontre en chemin, impossible d’utiliser le téléphone portable). Le four à plâtre vaut le déplacement : on peut s’approcher en voiture.

Image de l’itinéraire 14km200 4h dépl. (5h au total) +877m -822m 480m dénivelée

En bordure du parc des Ecrins : le lac de la Douche à partir du Casset


Hautes-Alpes : temps idéal pour randonner en été mais que de monde sur ce petit itinéraire menant au lac de la Douche en bordure du parc national des Ecrins ! c’est manifestement le parcours classique et touristique permettant de découvrir un petit lac laiteux après avoir longé l’impétueux Petit Tabuc. Vous pouvez partir du village du Casset – avant ou après un déjeuner chez Finette (pas de site, coordonnées seulement), avant ou après la cache GC112W4 Guisane – le Casset de biboux – ou du pont du Clot du gué (1567 m) ; le Casset est un des hameaux de la commune du Monêtier les Bains.

Sauvetage (illustré) d’un chamois au lac de la Douche en février 2009

IMG_5476.JPGIMG_0017.jpgNous traversons le pont sur le torrent du Petit Tabuc qui se jette dans la Guisane qui elle-même se jette dans la Durance ; il nous faut partager le GR 54 (tour de l’Oisans et des Ecrins) avec quelques cavaliers. La montée se fait en douceur en forêt de mélèzes mais sur un terrain un peu accidenté par pierres et racines.  Plus loin, au niveau du Grand Pré (1683m) et de l’aire de pique-nique, nous traversons la passerelle sur le torrent du glacier du Casset qui vient alimenter sur notre gauche,  le Petit Tabuc.

Le commerce direct de la glace naturelle du glacier : au XIXè siècle, avant l’avènement du réfrigérateur, de mai à septembre, des blocs de glace de ce glacier étaient dégagés par explosion, transportés par mulet (plus tard par téléphérique) jusqu’au pont du Clot du Gué,  où ils étaient découpés en blocs réguliers de 50cm de côté [j’évalue un bloc à 114kg environ, ce qui semble compatible avec ce que pouvait porter un mulet], puis charroyés jusqu’au pont du Casset ; protégés par de la sciure et des branchages, ils étaient alors transportés sur d’importants attelages jusqu’à la gare de Briançon d’où ils rejoignaient en train Marseille et la Provence. Voir le site des Amis du Casset. Au début du XXè siècle, à la Roche des Arnauds, la glace sera fabriquée artificiellement, stockée en hiver et conservée dans des glacières comme dans le sud de la Provence. Voir l’article *** Circuit de la glace dans le Var dans ce blog

La glace naturelle […] persiste assez longtemps sur les marchés face à la glace artificielle produit de l’usine malgré la nette différence de prix (la première se vend 6 à 11 centimes le kg en 1900 à Paris contre 1 centime pour la deuxième ». Extrait de L’artisanat de la glace en Méditerranée occidentale, Ada Acovitsioti-Hameau, supplément au cahier de l’ASER, 2001

glacie du Casset (photo empruntée au site alpes-photos.com)Selon une étude de Gilles Garrite et Philippe Lahousse, le glacier du Casset réagit très vite aux fluctuations climatiques depuis 150 ans. Vers 1925, le front2 du glacier se situe  à 1970m ; à partir de cette date, c’est une longue période de recul. En 1952, l’IGN mesure le front à 2430m, en 1970 à 2450m : c’est un abrupt de glace très instable d’où se détache des pans entiers. Vers 1940-1950, les températures hivernales augmentent et les précipitations diminuent fortement : c’est à ce moment que le glacier se partage en deux branches. « En annonçant un réchauffement drastique du climat au cours des cent prochaines années, les scientifiques laissent planer une véritable menace sur les glaces terrestres ».

Chronique d’une catastrophe annoncée (1985)

Continuer la lecture de En bordure du parc des Ecrins : le lac de la Douche à partir du Casset