La chapelle Saint-Pierre à partir de Pierrerue


Parking face à l’école ; qui dit ‘école’ dit ‘enseignant’, ou régent1 autrefois : celui de Pierrerue (Petrarua) a  été poursuivi en justice en 1678 pour avoir tiré les cheveux du fils du noble Antoine d’Eymar ! aujourd’hui ce sont parfois les enfants qui agressent leur maître…

Nous repassons devant l’église découverte ce matin lors de notre boucle à travers champs entre Niozelles et Pierrerue ; puis par une belle descente vers le hameau de Saint-Pierre, rejoignons le ruisseau de Pierrerue ; quand la route macadamisée s’interrompt, un étroit sentier longe un grillage. L’odeur est telle que nous comprenons rapidement que c’est la station d’épuration qui est derrière celui-ci.

Au ruisseau de Pierrerue, l’eau peu abondante tombe en cascade. L’ancien moulin n’a plus aucun attribut de moulin ; la passerelle de bois aménagée permet de rejoindre l’autre berge.

Le sentier ensuite part sur la gauche dans les bois pour éviter d’emprunter la route mais le balisage jaune est peu visible. Nous atteignons le hameau de Saint-Pierre par un étroit sentier coincé entre le mur d’une propriété privée et un jardin.

La chapelle Saint-Pierre d’un beau ton doré au soleil, se détache sur le ciel bleu, digne d’une carte postale. En 1737, les habitants du hameau profitent du passage d’un fondeur étranger pour faire réparer la cloche fêlée ; celui-ci avertit la communauté que la cloche étant fort petite, qu’en la fondant, elle allait perdre de la matière. En plus, elle ne serait pas entendue de tout le village et que la façon ne coûterait pas plus cher pour une cloche de deux quintaux ; la cloche Marie est fondue et gravée.

Dans la chapelle restaurée, le pied d’autel chrétien est retaillé dans un autel-cippe antique : de nombreux débris antiques et tombes sous lauzes ont été découverts dans ce quartier où le docteur Pascal a trouvé d’énormes dolia et quelques mercures en bronze. Ce sont les moines de Ganagobie possédant des terres au hameau, qui l’ont fait construire : elle date du premier art roman méridional.

Nous profitons du banc de pierre pour faire une courte pause avant de revenir par le même chemin jusqu’au parking de l’école.

Ensuite, sur le chemin du retour en voiture, nous passerons par Notre-Dame des Anges (Alaunium), grande église avec crypte plutôt que chapelle, sur un lieu connu depuis l’Antiquité, où abondaient des monnaies romaines et des débris antiques ; Notre Dame d’Alaunio était station romaine sur la via domitia. Annales des Basses-Alpes. Bulletin de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes, Société scientifique et littéraire des Alpes-de-Haute-Provence, Digne, 1887-1888

A gauche et à droite, un escalier de 20 marches avec balustrade aboutit à une tribune où est placé le maître-autel. Les parois latérales et le mur du fond sont couverts de boiseries peintes.

Vers le milieu du xivè, le pélerinage prit une grande extension à cause de la peste. Les habitants de Niozelles, Pierrerue, la Brillanne, Volx y venaient en pélerinage.

2 août 1665 : cela fait déjà 8 jours que Jeanne Valensau de Forcalquier, très malade, loge près de l’église et s’y fait conduire par un berger ; se plaignant qu’il ne va pas assez vite, une main la soulève et la dépose face au tableau des miracles ; Jeanne est d’un coup guérie. Les anges font entendre des concerts à la gloire de Marie. Chaque année le 2 août les anges reviennent et les habitants surnomment l’église Notre Dame des Anges. La nouvelle des prodiges se répand vite et les malades accourent. Après une enquête d’utilité, les Récollets s’installent pour accueillir les pélerins. Une série de miracles se produit pendant 5 ans. La famille Forbin-Janson finance la chapelle latérale, les Glandevès une autre, le peintre Mignard un tableau. Notre-Dame de France, ou Histoire du culte de la sainte Vierge en France depuis l’origine du christianisme jusqu’à nos jours, M. le curé de Saint-Sulpice [A.-J.-M. Hamon], Hamon, H. Plon (Paris), 1861-1866. P. 275

Entre les cités d’Apt et de Sisteron, la via domitia était jalonnée de deux stations routières : Alaunium, bien localisée à Notre-Dame des Anges (mansio) et Catuaicia à Céreste (simple relais ou mutatio). Et entre les deux ? d’après Damase Arbaud, elle passe au nord de Eglise Vieille – la motte castrale de Niozelles. Au flanc d’un tertre appelé aujourd’hui les Potences, on retrouve l’ancien chemin de Forcalquier qui a tout-à-fait la même physionomie que le chemin romain Seinet [variante de la voie Domitia entre Puyruis et Mane] auquel il vient se joindre. Bien qu’on ne sache pas exactement où passe la via domitia, les hébergements touristiques en font largement un atout touristique. La voie romaine entre Sisteron et Apt, Damase Arbaud
La voie domitienne entre Sisteron et Apt, à travers l’arrondissement de Forcalquier, Marseille, 1883

Aller-retour chapelle Saint-Pierre 4k800,1h25 déplacement (1h40 au total), dénivelée 82m

1régent : maître d’école embauché par une paroisse pour enseigner la lecture et l’écriture aux enfants

Parcours d’art contemporain dans la nature


Journées Européennes du patrimoine : impossible pour moi de ne pas en profiter ; ma balade du week-end ? difficile aussi. Alors j’ai conjugué une petite marche et un parcours d’art contemporain dans la nature. Les avantages : pas de queue interminable devant un monument historique, la possibilité de me laisser surprendre par une oeuvre qui me fait rêver ou m’exaspère mais ne me laisse pas indifférente. Très récréatif en tous cas.

ARTEUM, Chateauneuf le Rouge

Exposition estivale dans le cadre de Marseille-Provence 2013, capitale Européenne de la Culture. Parcours Ulysses, co-production FRAC PACA.
Parc du Château ; l’accès se fait par la cour de l’Hôtel de Ville, ou par la grille d’accès au parc fermée aujourd’hui. Je suis passée par l’arrière du parc, pas entretenu : j’ai même failli glisser dans une montée argileuse.
C’est la création du collectif d’artistes Cabanon Vertical  traité comme un labyrinthe dans l’ancien jardin de buis à la Française qui m’a le plus surprise ; je m’y suis perdue avec plaisir (on ne peut pas se perdre vraiment…), découvrant une vue sur le château en haut d’un escalier de bois ou un petit morceau du Cengle entre deux arbres.
Les parpaings sur lesquels, côte à côte, sont exposées les photos des habitants d’ici et des résidents ailleurs ont plus une valeur symbolique qu’esthétique. Quant au container de bois qui déverse la terre qu’il contient, même s’il ne surprend pas trop dans cet espace naturel, j’avoue n’avoir pas trouvé que c’était de l’art (photo milieu de la 2è série).

Décryptage des œuvres sur culture13

Image de l’itinéraire 2km100 40mn

Continuer la lecture de Parcours d’art contemporain dans la nature

Castrum de Pibresson, village perdu de Velnasque


C‘est Mathieu, geocacheur des Alpes-Maritimes, qui m’a parlé de ce village abandonné peu connu des randonneurs. Dès que j’en ai eu la possibilité, je suis partie vers Callian-Tourrettes pour le découvrir. Ne pas confondre Tourrettes sur Loup (06) et Tourrettes les Fayence (83) ; ne pas confondre Vénasque, commune du Vaucluse et Velnasque, lieu-dit du Var.

Le plus bizarre, c’est quand j’ai voulu me renseigner davantage ; sur la carte de Cassini figure Pibresson mais pas Velnasque ; les textes du XVIIIè évoquent le castellum1 de Velnasque et le castrum1 de Pibresson comme étant deux arrières-fiefs du seigneur de Trans. Bulletin de la Société d’études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan, Société d’études scientifiques et archéologiques de Draguignan et du Var, 1870-1871-T8 ou Description historique du diocèse de Fréjus / manuscrits de Girardin et d’Antelmy, abbé J.-B. Disdier, Girardin, Jacques-Félix, Antelmy, Joseph, C. et A. Latil (Draguignan), 1872  ; le Castrum de Podio Brissono est une terre de deux lieues de longueur, couverte de forêts, avec une chapelle, une tour de gué et des remparts. De nos jours, sur internet, Velnasque et Puy-Bresson désignent souvent le même lieu… par exemple dans Notice patrimages, VELNASQUE Castrum de Pibresson ou Puybresson, 13-14e.

Histoire de Tourrettes, site de la commune

Pour notre visite, peu importe ces doutes historiques. Je me gare sur le seul emplacement disponible sur la D256 qui va vers Callian et qui est proche du sentier. Aucune indication au départ. Le sentier monte sur une piste classique sans difficulté particulière ; on laisse sur la gauche un sentier à l’entrée duquel la FFR a laissé l’image d’une modification d’itinéraire ; au carrefour suivant, un étroit sentier sinue en forêt. De façon à ménager la surprise, je ne regarde pas mon GPS malgré différentes sentes trompeuses. Et le plus incroyable, c’est que dans un premier temps, j’ai réussi à passer à côté du village, sans le voir ! Mais après que j’ai repéré le premier mur ruiné, c’est tout le castrum de Pibresson qui s’est offert à mes yeux ébahis ; pantalons longs préférables sinon vous ressortirez griffé ; le risque de chutes de pierre est réel ; mieux vaut ne pas craindre les situations plus ou moins acrobatiques.

Un mur d'enceinteC’est le donjon  du moyen-âge qui me surprend d’abord : de hauts murs épais, une fenêtre qui a été bouchée (il devait donc y avoir un étage), la porte d’entrée désormais inaccessible. Quand je passe derrière la tour, je découvre un long mur d’enceinte de hauteur impressionnante, toujours debout. Plusieurs maisons sont encore reconnaissables. Je suppose que ce castrum a été anéanti durant les guerres de religion, vers 1590.

Je cherche maintenant la chapelle Saint-Philippe et Saint-Jacques, qui faisait partie d’un prieuré, selon l’inventaire du diocèse de Fréjus établi au XVIIè par l’abbé Antelmy. C’est là que la cache Village perdu de la Velnasque par valloo prend tout son intérêt. Autour de la porte, des pierres finement taillées sont posées sur de beaux lits réguliers alors qu’au delà le travail est plus grossier. Les chemins médiévaux – le Var, Alain Raynaud, Editions de la Renaudie, 2005. A l’intérieur, plus de voûte mais demeure le chœur en cul de four dangereusement fissuré sur presque toute sa hauteur.
Il me faut ici remercier chaleureusement A. Raynaud des éditions de la Renaudie2, qui a accepté de me transmettre quelques informations et les nombreuses sources  qu’il a consultées ; sa rigueur et son honnêteté intellectuelles, si souvent absentes sur internet, méritent d’être soulignées : Velnasque et Pibresson ont bien existé. Il me rapporte la conclusion de J.-C. Poteur, chargé de mission au patrimoine du CG 06 :

La localisation des sites de Valnasque et de Puybresson a posé des problèmes. Les cartes IGN et autres ignorent Valnasque et attribuent ce toponyme à Puybresson. C’est Madame CHICHE qui, au moyen de cartes anciennes et des titulaires d’églises, a rectifié l’identification de ces monuments.

Le seigneur de Trans [ndlr : de Pibresson, de Valnasque, Montferrat, Chateaudouble, Brunet] Louis Henry de Villeneuve, qui longtemps avait été en conflit avec la communauté, donna sa démission du grade de colonel et tenta de vivre en paix avec ses sujets. Pour preuve, quand la communauté chercha à installer l’écusson représentant les armes du Roy au fronton de l’hôtel de ville, le seigneur de Trans chercha lui-même l’artiste (Carriol, sculpteur) et surveilla l’exécution des travaux (1778). La photo de l’hôtel de ville actuel me laisse penser que cet écusson est toujours en place. Il est mort sur l’échafaud en 1793.

Cette petite balade vaut le déplacement : c’est tout un village à fort intérêt historique que vous allez découvrir et pas seulement quelques maisons. Quasiment invisible sur la photo aérienne, je ne l’aurais jamais découvert sans le geocaching. Merci valloo.

Itinéraire 4km700, 1h15 déplacement (+1h pour la visite), 205m dénivelée

1castrum : c’est un des mots avec castellum pour désigner le château. En Provence à partir du XIIe, le mot qualitie l’ensemble de l’habitat fortifié : château et village accolé
2Le Var, itinéraires découvertes, a été réédité en 2012 et contient une description de ‘la porte de Puy Bresson’