Peyrolles, si près de chez moi et pourtant que je connais si peu ! Accompagnés de M. Balalas, grand connaisseur du village, nous partons sur des chemins non balisés du côté de Trempasse1. Attention ! sans connaître la forêt et sans GPS, ce circuit me paraît difficile à suivre !
Une seule place de parking à Trempasse pour un départ tout proche sur un terrain caillouteux. En haut de la montée, une très belle cabane de pierre sèche surnommée cabane de l’ai2 par M. Balalas. Les pierres disponibles à Peyrolles ne ressemblent pas du tout à celles de Mane : grosses, irrégulières ce qui rend la cabane trapue mais le linteau monolithe reste un classique de construction.
Demi-tour jusqu’à un croisement de chemin. Nous traversons la forêt sur des sentiers probablement utilisés par nos lointains ancêtres et par ceux qui exploitaient la forêt : il reste des traces de vie telles qu’une aire noircie de charbonniers, ou une cabane en ruine en forme d’hémicycle étêté 10mn après le repère 110+ rouge sur fond blanc (ancien balisage d’une variante de GR menant au Concors ?).
Une grande partie du chemin du retour sert de frontière aux deux communes de Jouques et Peyrolles ; il passe devant la tombe de marbre, sur sol dallé, d’un membre de la famille Grawitz, à Jouques puisque située du côté droit de la route, et curieusement parfaitement accessible ; si Raymond (1912-1958) enterré ici est bien le fils de Auguste Grawitz et Mathilde Rouvière (voir généalogies de M. Buffenoir et C. Drie sur geneanet), alors il est le petit-fils de Alexis Grawitz et Marie de Tournadre ; l’ascendance de Marie Tournadre compte Bernard Amable, ingénieur ordinaire du roi, et Aimé, capitaine de frégate. Mais avant lui, c’est un homme illustre3 qui était propriétaire des terrains le long du chemin de Blanchon : Joseph Charles d’Arbaud Jouques, sous-préfet d’Aix, puis préfet des Hautes-Pyrénées, du Gard, de la Côte d’Or et finalement des Bouches-du-Rhône en 1829. Sa mère Anne de Citrany a d’ailleurs donné son nom à tout un canton du cadastre napoléonien ! Cette tombe était-elle autrefois à l’intérieur d’une propriété privée ? A-t-on le droit aujourd’hui de se faire enterrer dans son jardin et non dans un cimetière ?
Relevant de la compétence du maire dans le cadre du décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804), l’autorisation d’inhumer dans une propriété privée appartient au préfet depuis un décret du 15 mars 1928. Cependant selon l’article L.2223-9 du Code général des collectivités territoriales,
Toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite
L’inhumation en terrain privé est autorisée, après le décès, par le préfet du département dans lequel il est situé sous réserve de la production d’une demande préalable du défunt, d’un plan de situation, du rapport d’un hydrogéologue agréé, de l’acte de décès, du certificat du médecin ayant constaté le décès, de l’autorisation de fermeture du cercueil délivrée par le maire du lieu du décès.
En conséquence, la vente du terrain où une personne est enterrée n’emporte pas, pour le nouvel acquéreur, droit à l’exhumation du défunt sans l’accord du plus proche parent de celui-ci.
Au niveau du chemin qui oblique à gauche, un peu avant le panneau signalant la propriété privée de Blanchon, le cadastre napoléonien indique le signal de la draille des Collins : selon moi, cela signifie que les troupeaux transhumants passaient par ce chemin pour rejoindre les Hautes-Alpes et un repère visuel, comme un cairn, une croix ou une borne, devait guider les bergers. A moins qu’il ne s’agisse de signes laissés par les bergers sur les pierres, les murs ou portes des bergeries, les puits où ils abreuvaient leurs bêtes comme décrit dans ce document sur la transhumance en Provence. Le berger marque les lieux qu’il fréquente : dans le Queyras, j’ai découvert des dizaines de signes dans la bergerie des pierres écrites. Mais alors, les autres signaux (signal du Sauvan, Signal sur le haut du Clos) marqués sur la carte de 1813, à quoi pouvaient-ils bien servir ?…
Cent mètres plus loin, c’est l’ancienne ferme Collins (XVIIè ?), importante bâtisse aux volets rouges, à nouveau habitée. Plusieurs fermes dans le même style ont été bâties dans ce quartier.
Nous quittons le domaine de Blanchon pour rejoindre en quelques virages la route de Trempasse. La tour de l’ancien siphon du canal du Verdon sort sa grosse tête rectangulaire du dessus des arbres : sous le canal du Verdon, l’eau descendait d’abord puis « remontait » à la sortie de l’ouvrage.
Quand le niveau du canal est trop rapproché de celui d’un ruisseau impossible à dériver, […] on est obligé si le canal sert à la navigation de faire passer le ruisseau sous le canal par un siphon. Pour un simple canal d’irrigation, c’est lui qui traverse la vallée en siphon. Dans ce cas, le siphon est un aqueduc souterrain […]. Celui de Trempasse est en galerie creusée dans le roc, franchit une vallée de 132m de largeur, 27m de profondeur au dessous du plafond du canal. La galerie aboutit à un puits vertical en maçonnerie. Les irrigations. Les canaux et les systèmes d’irrigation, A. Ronna (1830-1902), Firmin-Didot, Paris, 1888-1890.
Voir aussi Le siphon de Trempasse, description faite pour l’exposition universelle de 1878 dans Exposition universelle internationale de 1878 à Paris. Rapports du jury international, GROUPE VI. – Classe 51. Rapport sur le matériel et les procédés des industries agricoles et forestières, France. Ministère de l’agriculture et du commerce. Durand-Claye, Alfred, Paris : Imprimerie nationale, 1880
Circuit Trempasse, 6km800, 128m dénivelée, 2h déplacement (2h30 au total)
Nous atteignons l’unique place de parking où je me suis garée. Un circuit inédit qui a trouvé son intérêt grâce à l’intarissable M. Balalas, qui en chemin, nous a parlé tout aussi facilement de patrimoine, de religion, d’histoire, de langues anciennes,… Il se propose de partager ses sources d’intérêt avec d’autres randonneurs : « si des randonneurs le désirent, je peux si je suis prévenu et disponible, me joindre à eux, pour le plaisir ». Avis aux curieux !
1 trempasse : du provençal troupa(s), troupeaux, sans doute troupeaux transhumants
2 ai, aie, ase : âne en provençal
3cadastre napoléonien disponible en ligne sur le site des archives départementales des Bouches-du-Rhône, 1813, état des sections, St-Julien, canton Sitrani, parcelle 774, image 78 et canton St-Julien, parcelle 849, image 84
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Bonjour
je serais très intéressée pour faire cette randonnée avec Mr Balalas
Comment le contacter ?
Merci d ‘avance de votre réponse
B SIMON