Dernière randonnée avant notre retour sur Aix-en-Provence : Dormillouse1, dans la vallée de Freissinières. La route est si étroite dans le chef-lieu que nous nous demandons si la route passe bien par là. Après les Viollins, c’est le parking du pont du Laus, départ pour le circuit d’hiver par faible enneigement ou pour le sentier des cascades si on veut marcher plus longtemps ; après la passerelle de bois, 1.800 km plus loin, nous nous arrêtons au parking des cascades (1440 m) déjà bien rempli, le long du torrent des Oules : fin de la route, pour les habitants comme pour nous. Temps de marche pour les plus entraînés : 45 minutes, les autres 1h.
Seul village habité à l’année dans le cœur du Parc national des Écrins, Dormillouse est accessible seulement à pied. […] C’est le hameau le plus élevé de la vallée.
Dormillouse […] se trouve en fond de vallée, perché sur un verrou d’origine glaciaire à une altitude d’environ 1800m. Sa position sur l’adret (au sud) permet un ensoleillement de minimum 4h en hiver et 11h en été. Le village est construit sous des crêtes et plus particulièrement sous le rebord d’un plateau appelé les Clots (500m au dessus) ce qui le protège des avalanches. Pays des Ecrins
La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie
Quelques moutons en liberté broutent l’herbe près du parking ; certains sont montés sur le toit des garages. Pour Dormillouse, impossible de se tromper : il suffit de suivre les panneaux… ou ceux qui vous précèdent.
Le sentier d’été, en bon état, monte continuellement. Pour avoir la capacité de gravir les 300m de dénivelée sans trop m’arrêter, je tente la marche afghane basée sur le principe de la coordination de la respiration au rythme des pas. Je m’étais entraînée auparavant, même pour aller jusqu’à la boulangerie. Elle accroît la capacité respiratoire et améliore l’endurance. J’ai eu du mal à trouver mon rythme (2 inspirations par le nez, 3 expirations par la bouche alors que c’est plutôt 2/2 ou 3/3 qui est le rythme de base) mais quand j’y suis parvenue, la montée est devenue étonnamment plus facile.
Après le pont en bois, bientôt le bruit de l’eau couvre nos voix ; la cascade fait un bruit assourdissant : elle descend de très haut et rebondit en gerbe sur un replat rocheux. Magique et beau. Deux torrents mêlent leurs eaux, chacun recevant les eaux de plusieurs sources. Sur 300 m de hauteur, l’eau dégringole. Nous la retrouverons au loin, à plusieurs endroits, par quelques trouées d’arbres.
Un pierrier dans la pente puis un sentier dans les prés : nous apercevons au loin quelques chalets mais ils ne sont pas si proches que cela. La passerelle de bois passe au dessus du Torrent du Lait ; juste avant d’arriver au hameau des Enflous, encore un pont au-dessus d’un torrent fougueux. Autour de nous, que des montagnes à plus de 3000 m.
Le premier chalet aperçu est bien typique, entouré de sa barrière de bois, avec sa toiture de mélèze, son balcon portant la provision de bois pour l’hiver.
Le temple à la façade blanche est ouvert et expose une brève biographie de Félix Neff (1797 Genève, 1829 Genève) ; d’abord chapelle destinée au culte de la religion catholique, un prêtre y avait été affecté mais personne n’allait à la messe. Elle est donnée au culte protestant. Félix Neff ne s’occupe pas que des âmes mais fait instruire les enfants ; il exhorte les habitants à refaire les canaux qui existaient autrefois, à butter2 les pommes de terre, tailler les arbres.
De toutes les vallées que je visite, celle de Fressinières est la plus reculée : il faut tout y créer : architecture, agriculture, instruction, tout y est dans la première enfance. F. Neff
Sur l’herbe, en bordure du ravin, de gros sacs blancs contenant des matériaux de construction, ont été déposés suite au dernier hélitreuillage.
Nous arrivons devant le gîte d’étape où quelques randonneurs prennent leur déjeuner. C’était auparavant l’habitation du prêtre puis l’école. Serge, qui s’occupait du gite jusqu’à fin 2017 ne mettait que trente minutes de marche tous les jours, afin d’approvisionner le gîte de l’École. Pas d’électricité : Serge faisait tourner son habitation et son gîte avec un générateur électrique, efficace mais coûteux et bruyant. La Provence, 5/12/2017. Aujourd’hui, Paul et Sarah gèrent ce petit refuge dans une ambiance familiale aidé par leurs enfants Noémie et Estéban, et leur mulet Jeff. Sur l’ardoise un rappel : pas de paiement par carte bleue ici, puisqu’il n’y a pas d’électricité ; quant au réseau mobile, seul Bouygues fonctionne.
Un bout du sentier est maintenant pavé et mène à L‘écrin de Violette ; la terrasse donnant sur la montagne est déjà pleine. Majo jette un coup d’œil sur le menu et rapidement, abandonne l’idée d’un banal sandwich pour celui d’une omelette aux herbes de Dormillouse ; dedans il y a de jeunes pousses d’ortie. Etait-ce le cadre ? ou simplement la fraîcheur des produits et le talent de la cuisinière ? nous l’avons dégustée comme un produit rare au goût unique. Et quel accueil : à la fois simple et chaleureux !
Pas d’électricité mais des panneaux solaires et une brouette électrique pour ramener les provisions. La réglementation du parc des Ecrins est en effet assez sévère dans le but de maintenir des pratiques constitutives du mode de vie traditionnel dans les hameaux de Dormillouse et dans les hameaux de Confolens.. L’article I.4 du parc a finalement autorisé la brouette à moteur pour le transport à condition de na pas modifier le tracé du chemin.
I. – Les résidents des hameaux de Dormillouse et de Confolens peuvent : 1 […] ; 2 Délimiter et matérialiser les abords des bâtiments et jardins avec des matériaux naturels ; 3 […] ; 4 Circuler avec une brouette à moteur dans les hameaux et entre les parkings et les hameaux, pour les besoins des travaux et des ravitaillements, sans modifier la géométrie des chemins empruntés ; 5 […] ; 6 […]
II. – Des autorisations peuvent en outre être accordées à ces résidents par le directeur pour : 1 Installer des équipements de télécommunications sous réserve que leur implantation n’altère ni la qualité architecturale du bâtiment ni la qualité paysagère du site […] ; 2 Réaliser les ouvrages nécessaires au prélèvement d’eau pour les besoins domestiques. Extrait de la réglementation
A peine le café terminé que le ciel s’assombrit, la montagne disparaît derrière un rideau de pluie, le tonnerre résonne et ça ne me rassure pas ; Majo est plus sereine que moi ; un groupe de randonneurs vient se réfugier sous la tonnelle. Je suis obligée d’enfiler ma polaire tellement la température a baissé. Nous attendons la fin du déluge.
Après une vingtaine de minutes, le soleil revient, les nuages s’éloignent. Nous profitons de l’éclaircie pour redescendre par les Enflous, renonçant pour cette fois à poursuivre la visite du hameau des Romans et son four à pain restauré en 2017. Nous reviendrons avec les copines restées à Aix pour le travail.
Nous passons par le moulin des Enflous à la forme carrée avec une porte pour seule ouverture ; il servait à moudre le seigle. Une turbine hydroélectrique, située près du moulin à eau a assuré l’éclairage public et celui des particuliers pendant 20 ans. En 2017, quelques ardoises retrouvées à l’occasion du démontage d’un bâtiment, ont permis de réparer la couverture du moulin conformément à la couverture existante. Les gardes du Parc national ont réalisé des drains afin de gérer l’importante humidité de la zone. Photos de l’intérieur du moulin
Les murs sont formés d’un appareil irrégulier mais soigneusement assisé de gros moellons de granit hourdés avec de la terre. Le plancher est en mélèze.
Le moulin est formé d’une pièce unique, de forme carrée, ouverte sur le comble. […]
Le toit en pavillon est couvert d’ardoises.
L’eau qui actionne les roues du moulin est dérivée de la Biaysse par un canal de 100 mètres de longueur et de 60 cm de largeur environ. L’eau est prise sur le torrent grâce à un barrage. Le départ du canal est fermé par une vanne en fer.
[…]
Le moulin de Dormillouse contient un seul jeu de meules. Elles sont en pierre grise de pays. La meule tournante porte, gravée, l’inscription : RIBET J F 1837.
La roue à aube est horizontale. Elle est en bois ainsi que tous les autres engrenages. Seul l’axe central est en fer. [ndlr : l’eau détournée du torrent par un canal passait sous le moulin]
Extrait du dossier inventaire région sud
D’un pas rapide, nous redescendons le sentier ; le ciel couvert ne nous arrose que de quelques gouttes de pluie ; nous laissons passer un groupe de cavaliers tenant leur monture à la main ; presque personne n’a enfilé d’imperméable : à la montagne en été le beau temps revient aussi vite qu’il est parti.
A Dormillouse, on comprend ce qu’est la montagne et l’authenticité d’un village mais pour les habitants ce doit être bien difficile d’y vivre l’hiver quand on vieillit ; les lieux sont propres : j’en déduis donc que les randonneurs sont respectueux et que les habitants y veillent. Cadre grandiose, calme, impressionnant : la plus belle découverte de notre séjour dans leBriançonnais.
Image de l’itinéraire 4km100, 1h45 déplacement (2h25 au total), 310m dénivelée (+336, -336). Télécharger la trace
1dormilhosa : marmotte en provençal alpin ; Dormillouse doit son nom à la présence de marmottes (merci André)
2butter les pommes de terre : lorsque les feuilles sortent du sol d’environ 25 cm, placer la binette au centre du sillon et ramener la terre de la base au sommet de la butte sur la totalité du rayon. Une butte de 15 à 20 cm de hauteur autour des feuilles aident à les maintenir.
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Encore une balade qui donne envie d’y être ! Merci Nicoulina, je partage…