Mes deux acolytes ont craint une météo boudeuse ; j’ai ressorti mon livre 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, F. Dominique, Le bec en l’air, 2009 et j’ai choisi cette boucle des Esconfines1 moins connue que le fort de Buoux mais où une curiosité géologique m’intrigue. C’est à l’extrémité sud ouest du plateau des Claparèdes, d’abord partiellement sur le GR de pays du tour des Claparèdes puis balisé « esconfines ».
avec le vent
Départ du parking du village en bordure de la Loube si boueux que cela me jouera un mauvais tour au moment de repartir. Je monte par la calade qui passe devant l’église paroissiale puis jusqu’au plateau en passant devant un oratoire. La petite église romane Sainte-Marie, dont la façade est enduite à la chaux, servait de lieu de culte à une population nombreuse mais disséminée sur le plateau ; jusqu’au XIXè siècle les habitants étaient enterrés autour de l’église : il reste quelques tombes à même la terre posée sur des dalles de pierres dans un cimetière surélevé. C’était, avant l´implantation de la petite agglomération actuelle (vers 1660), le lieu de culte correspondant alors aux besoins du château voisin et d’une population rurale dispersée. L’autel de pierre est surmonté d’un retable à pilastres cannelés. « L’architrave2 porte encore l’inscription Sancta Maria de Buolis O.M. » Ce retable servait autrefois d’encadrement au tableau de la Vierge Marie.
Au carrefour à droite l’ancien château seigneurial de Buoux est devenu château de l’environnement, propriété du parc naturel régional du Lubéron. « En 1418, c’est Béranger de Forcalquier qui remet pour services rendus, le château, le village,… à Lancelot de Pontevès, second fils de Jean et Madeleine de Marseille ». Dès lors, la seigneurie de Buoux appartient à la branche des Pontevès. Le château a été transformé au XVIIè siècle (plus de fossés, plus d’enceinte ni de tourelles), mais inachevé puisque la toiture de l’aile droite n’a jamais été posée. Provence Luberon news
Une énorme citerne rectangulaire recueille les eaux de ruissellement. Un escalier en pierre de taille descend dans le fond de la cuve pour l’entretien. Le trop-plein s’évacue dans un second bassin perpendiculairement au premier. Ici, l’eau circule partout sur les sentiers, dégouline des falaises, alimente les cultures des bancau et sculpte de drôles de formes.
De drôles de formes telles que ces boulets de canon enchâssées dans la molasse grise, sur un espace de quelques mètres à droite du sentier ; plus carbonatées que les autres, plus résistantes à l’érosion, elles sortent peu à peu de leur support, finiront sans peut-être par s’en détacher et rouleront au bas de la pente. Cette masse calcaire a subi et continue à subir une importante érosion hydraulique.
Leur composition est identique à celle de la roche encaissante, mais toutefois plus carbonatée. Il ne s’agit donc ni de galets, ni de nodules* ou de concrétions, qui devraient avoir une composition différente de celle du milieu. Leur formation est encore mal connue. Peut-être s’agit-il, comme pour un rognon de silex, d’un phénomène de concentration centripète de carbonate lors de la diagenèse, c’est à dire lors de la transformation du sédiment en roche. « Les boules résultent d’un processus comparable de grésification mais non identique, plus intense, mieux délimité ». Information obtenue de Stéphane Legal, parc régional du Lubéron
Produites pendant la diagenèse, ce ne sont donc pas des concrétions comme dans les grottes mais des concrétions au sens des sédimentologues :
dans ce cas elles sont produites par la concentration ou la ségrégation d’un minéral au sein d’une roche sédimentaire, et sont très généralement diagénétiques (donc avant lithification complète de la roche). […] On a la même chose dans le cas des boules de Saint-André-de-Rosans [Hautes-Alpes – phénomène différent mais comparable] ou d’autres concrétions semblables en Europe : pour l’essentiel la composition de la concrétion est la même que celle de la roche encaissante, seule la quantité du minéral formant le « ciment » (ici calcaire) diffère.
Merci Irna pour ces précisions. Il est vrai que des boules de pierre, il en existe plusieurs sortes dans la nature. Regardez tout ce que la nature ne peut pas faire : IV sphères de pierre, du site d’Irna. Voir aussi en anglais wikipedia sur les concrétions.
Schéma simplifié de la diagenèse (site de l’académie d’Aix-Marseille)
Concrétions : certaines personnes les déterrent et en font un ornement dans la pelouse de leur maison !
Masse compacte de matière minérale habituellement sphérique ou en forme de disque, encastré dans une roche de composition différente. Cette masse dure et ronde de ciment sédimentaire est transportée sur place par l’eau du sol. Les concrétions se produisent quand une masse considérable de ciment précipite autour d’un noyau souvent organique, tel qu’une feuille, une dent, un morceau de coquillage ou fossile. Elles sont habituellement composées de calcite […]. Le mot concrétion est dérivé du latin con – ensemble – et cresco signifiant grandir. Etant plus fermement cimentées que dans le grès qui les entourent, les concrétions s’érodent sous de multiples formes décrites comme des boulets de canon [cannon ball], des citrouilles,… Comme ces minéraux [contenus dans l’eau souterraine] précipitent, ils remplissent les espaces poreux entre les grains de sédiment, les cimentant ensemble. Essai de traduction d’un document de geofacts n°4, Ohio department of natural resources
Au loin, le campanile élancé de la chapelle Saint-Symphorien, « se détache, chaudement coloré par le soleil, sur le vert sombre des pentes du Lubéron… » (Fernand Sauve). Il ressemble plutôt à une tour de guet, ce qu’il fut certainement, de par sa position le long de la route de Marseille et en bordure de vallon.
Le cabanon planté dans les cultures, tourne le dos au sentier : il s’élève fièrement vers le ciel, construit avec l’application d’un maître de la pierre sèche. Des poutres de bois témoignent d’un ancien plancher tandis que des ouvertures ont été creusées aux angles transformant le cabanon en poste de chasse.
Les impressionnantes falaises ont abrité les habitants de la préhistoire. Au fond l’Aiguebrun le long duquel autrefois, trois moulins à technique horizontale, tournaient au bénéfice du seigneur de Buoux sous l’ancien régime. « En 1718, Elzéar Audibert de Moulin-Clos fournit 27 charges de grains et doit assurer une réserve de 50 quintaux de foin ». Au début du XXè siècle, les écrevisses de l’Aiguebrun faisaient encore la réputation de Buoux.
La boucle se termine en longeant les champs de lavande et des aménagements en terrasse au pied des falaises où l’eau s’écoule lentement le long des parois. Au loin se devine le fort de Buoux de l’autre côté de la rivière. Je redescends par la calade derrière l’église jusqu’au lavoir à l’eau étrangement verdâtre… Quitter la prairie boueuse et glissante servant de parking, s’avèrera particulièrement sportif, et pas que pour moi ! Embourbement quasi garanti.
Villages du Luberon Auribeau, Bonnieux, Buoux, Castellet, Saignon, Sivergues, René Bruni, Coll. Le Temps Retrouvé, Equinoxe, 1992
Esconfines 5km250 2h 96m dénivelée
1esconfines : les confins
2architrave : Partie inférieure de l’entablement qui porte directement sur les chapiteaux des colonnes ou des pilastres
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Bonjour,
Où se trouve la citerne svp ?
C’est un tour que je fais souvent mais je ne l’ai jamais vue…
[ndlr] la citerne est positionnée sur la carte de l’itinéraire en fin d’article
magnifiques ces boulets de canons !