On y accède facilement par un sentier partant de Luminy par le col de Sugiton et qui descend régulièrement jusqu’à la calanque. Facile au début, c’est le point de départ familial pour le belvédère Saint-Michel et la calanque de Sugiton. Aussi fréquenté qu’une avenue en ville. De nombreux panneaux d’information ponctuent cet itinéraire de découverte. La première trace d’élevage de moutons et de chèvres dans les calanques remonte à 1364 et se perpétue jusqu’en 1960 ; le jas du col de Sugiton, bergerie déjà ruinée en 1830, en est le témoin. Au dessus de lui, les ruines d’une ancienne carrière d’où l’on devait extraire de la pierre de taille.
Je reconnais le cap Morgiou, où je me suis rendue le mois dernier, et la calanque de Morgiou qui le borde. Là où nous voyons aujourd’hui un torpilleur, nos grands-parents voyaient un cygne… Quelques pins d’Alep isolés parviennent encore à vivre, parfois enracinés dans la falaise. La descente jusqu’à la calanque de l’Oeil de Verre devient plus escarpée et nous devons avancer avec prudence. La température est printanière. Au fond de la calanque des Pierres Tombées – dont le nom vient du fait justement que de nombreuses pierres instables sont tombées au fond de l’eau – malgré l’accident de 2006 et l’interdiction d’y accéder, de nombreux nudistes profitent des derniers rayons du soleil. La première cache Hommage à Gaston 1 au-dessus de la calanque de l’Oeil de Verre1 (ou Saint-Jean de Dieu2) est rapidement trouvée grâce à la photo communiquée par Baba13.
Gaston Rébuffat, né le 7 mars 1921 à Marseille, découvre l’escalade dans les Calanques, puis à 16 ans il découvre la haute montagne, les Alpes et le massif du Mont-Blanc. En 1942, Gaston Rébuffat réussit son brevet de guide de haute montagne malgré son jeune âge. En 1944, il devient instructeur à l’École Nationale d’Alpinisme, ainsi qu’à l’École militaire de haute montagne. En juin 1945, Gaston Rébuffat intègre avec une dispense d’âge, la prestigieuse Compagnie des guides de Chamonix. Il devient alors le troisième « étranger » de la Compagnie, après Roger Frison-Roche et Édouard Frendo. Ecrivain, scénariste, photographe, il reste une icône pour de nombreux passionnés de la montagne. Un an avant sa mort, en 1984, il est décoré Officier de la Légion d’honneur. Trois exemples d’exploits sportifs : Première ascension de l’arête Sud-Ouest intégrale de l’aiguille des Pélerins (1943), Expédition française à l’Annapurna (1950), Première ascension de la face Sud de l’Aiguille du Midi (1956). Source wikipédia, signes de piste, Les calanques… à pied, collection Topo guide, 2007, FFRandonnée / Comité Départemental du Tourisme
La remontée jusque sur le plateau du Devenson est classée *** sentier difficile pour randonneurs alpinistes. Je n’ai rien d’une alpiniste mais j’ai déjà utilisé chaînes et crochets (photo du pas de l’Oeil de verre équipé extraite du livre Sentiers du littoral méditerranéen, Pierre Garcin, Nicolas Lacroix, Glénat, 2008). La montée est raide. Le pas de l’Oeil de Verre a été rééquipé en chaînes et crochets après qu’ils aient été supprimés en 2006 par l’O.N.F. à cause de la dangerosité du lieu ; le préfet finalement a ordonné que soit rétabli cet accès historique. Premier passage sans aide sur une grande plaque rocheuse inclinée où il vaut mieux se coucher le long de la roche ; deuxième passage avec une longue chaîne métallique : je n’ai même pas pensé à regarder cet oeil de verre collé dans la roche (photo de l’oeil à droite Ti’Mars…) ! A la descente ce pas de 10m de haut à la verticale est vertigineux.
Sans que l’on sache vraiment pourquoi cette calanque fut appelée l’Oeil de Verre, quelques membres appartenant aux Excursionnistes marseillais résolurent de lui donner une raison d’être. A partir de la lentille d’une ancienne lanterne, camouflée habilement par de la peinture, ils en firent un oeil énorme qu’ils fixèrent, avec de l’eau et du ciment, sur le passage le plus visible, le 13 novembre 1904. Descriptif randonnée de l’oeil de verre, d’après le site Eskapad.info
Nous enchainons sur des crochets permettant de rejoindre à l’horizontale le point d’appui suivant : là, sur 15m, il ne faut surtout pas lâcher les crochets car ça ne pardonnerait pas. Nous continuons la remontée pénible dans le pierrier ; le sentier a été débalisé de gris et il est parfois difficile de savoir par où passer. Sur la gauche, la grande Candelle et son Candelon, qui autrefois ne faisaient qu’un : nous sommes enfermés entre deux hautes parois rocheuses. Après le Val Vierge, couleur karstique effondré en plusieurs gradins, nous arrivons dans la cheminée du diable, étroite et presque verticale où il faut obligatoirement s’aider des mains. Quand nous arrivons presque en haut, déjà bien fatigués, face au dernier pas, nous hésitons. Les prises sont grosses, éloignées et glissantes. Comment faire quand on n’a pas d’équipement ?
Informations sur les tracés au départ de l’Oeil de Verre (juin 2008)
Après deux tentatives différentes, nous décidons de rebrousser chemin. Nous songeons un moment à emprunter l’autre cheminée du C.A.F. (club alpin français) mais la chaîne a été enlevée et ne sera pas remplacée : elle s’apparente donc maintenant à une voie d’escalade et bénéficiera d’un marquage spécifique en 2008. Nous ne sommes pas les seuls à avoir trouvé difficile cette remontée, si on en juge par ce message lu sur un forum : « Surtout en haut, dans la cheminée du diable, j’ai dû faire de l’escalade pour la première fois de ma vie, en m’agrippant des deux mains et en prenant garde de ne pas perdre la moitié de mon équipement ». Nous renonçons donc à Hommage à Gaston 2 de Baba13.
En bas de la cheminée, plusieurs personnes nous ont vu redescendre et attendent notre verdict. Un couple y renoncera également, un autre franchira l’obstacle. Avant de redescendre par le pas de l’Oeil que nous redoutons à cause de la fatigue, je déjeune sans appétit. Finalement, tout se passera aisément et, conformément aux incessantes injonctions de mon coéquipier, je ne lâcherai jamais ni la chaîne, ni le crochet. Peu après la calanque, nous nous arrêtons pour boire le café. C’est un régal après cette épreuve. Nous croisons plusieurs personnes en maillot de bain, le micro climat des calanques sans doute : nous sommes le 9 novembre.
Après de multiples arrêts sur le chemin, tant j’ai le coeur qui bat vite sous cette incroyable chaleur d’automne, au col de Sugiton, les muscles sont un peu douloureux mais une forme physique relative est revenue. Nous montons jusqu’au belvédère du crêt Saint-Michel pour une dernière Balade dans Marseille : le belvédère, de Rabatau. Pour qui n’a jamais vu les calanques, et même pour tous les autres, c’est un point de vue à ne pas manquer, la promenade la plus facile pour découvrir les calanques en famille. On croirait que tout le monde s’y est donné rendez-vous : jeunes, moins jeunes, touristes, marseillais, randonneurs ou non sportifs, enfants, on se bouscule là haut.
La calanque de Sugiton est un site tectonique de grande valeur et protégé ; comme dans d’autres calanques (Sormiou, Morgiou, En-Vau), une source sous-marine s’y déverse et peut être explorée par plongée.
1 L’œil de verre doit peut-être son nom à une grande cavité brune à l’intérieur de laquelle se trouverait une roche cristalline qui, le soir, reflèteraient les rayons du soleil couchant. Selon wikipédia, « oeil » pourrait être une déformation du provençal aygue (=eau) et verre, une déformation du provençal veyre (=voir).
2 Mais pourquoi donc cette calanque est-elle nommée également calanque Saint-Jean de Dieu ? je n’ai trouvé nulle part justification de cette origine mais je peux formuler une hypothèse. En France, les noms de lieux-dits ont été enregistrés par le cadastre et les cartes d’état-major consitutés au XIXème siècle puis par la commission de toponymie de l’IGN. Au XVIIIème siècle, sur la carte de Cassini, les calanques n’avaient pas encore de nom. Sur le cadastre napoléonien (1819) non plus. Je le trouve sur un plan des fjords aux éditions Piazza (autour de 1900). C’est donc bien entre 1820 et 1900 que ce nom lui est attribué. « Les noms de lieux désignent un endroit tout en décrivant une particularité qui l’identifie : caractéristiques naturelles ou d’activités humaines, voire à partir de croyances des habitants » (Petit dictionnaire des Lieux-dits en Provence, P. Blanchet, Librairie contemporaine, 2003) ;
En lisant l’histoire de l’Ordre hospitalier Saint Jean de Dieu, je vois qu’en 1852, le Père Magallon acquiert une bastide à Saint-Barthélémy, grâce à l’aide de son ami, saint Eugène de Mazenod, alors évêque de la ville et fonde un asile pour pauvres et vieillards. Sur la façade encore aujourd’hui le symbole moderne de cet ordre est une grenade entr’ouverte surmontée d’une croix. Sachant combien nos ancêtres étaient croyants, n’ont-ils pas vu dans ce trou béant l’image de ce fruit ouvert ? Je suis curieuse de connaître toute autre hypothèse.
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jamais évident ces randonnées dans les calanques et pourtant c’est toujours magnifique
L’accident que vous évoquez n’a pas eu lieu « aux pierres tombées » mais à Sugiton (partie nudiste la plus à l’ouest)
[ndlr] C’est ce qu’a dit la presse mais je ne suis pas certaine que cet accident ait eu lieu à Sugiton.
Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Calanques_de_Marseille#cite_note-3
C’est pour cela que l’accès à la calanque des Pierres Tombées est toujours d’accès interdit.