Moustiers (Sainte Marie depuis 1847 pour se différencier des autres Moustiers) est un des plus beaux villages de France, rassemblant plein de lieux charmants et différents : un dédale de ruelles chevauchées de voûtes ou d’arcades, une rivière qui dégringole en cascade, une chapelle haut perchée à laquelle on accède comme autrefois par de nombreuses marches, une étoile dorée suspendue entre deux rochers bien au-dessus de nos têtes, des artisans qui travaillent la faïence comme autrefois, des placettes qui vous accueillent à l’ombre des arbres,… Et je ne vous parle pas des environs : le lac de Sainte-Croix et ses loisirs nautiques, le Verdon et ses randonnées sportives mais inoubliables, la colline de Costebelle devenue une île depuis la mise en eau du lac de Sainte-Croix. Nous passons à l’office du tourisme pour nous informer sur le sentier de la chaîne qui permet d’aller toucher l’ancrage de celle-ci et faire un voeu. Celui qui parvient jusque là haut le mérite bien. Nous sommes prévenus : mieux vaut être en forme, « le parcours est sportif et aérien« , certains passages sont techniques et le final ressemble plutôt à de l’escalade.
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La balade commence par la calade de la montée des (7) oratoires, bien polie par le passage répéré des pèlerins et visiteurs : 262 marches à flanc de colline. Ces sept oratoires ont fait place en 1860 aux quatorze stations du chemin de croix, ornés bien plus tard de décors en faïence réalisés par Mlle Simone Garnier. L’oratoire de Blacas est le plus vieux que j’ai pu rencontrer depuis que je fais de la randonnée ; il date du XIVème siècle et l’étoile à 16 rais ornait les armes de la famille Blacas. Nous visitons la chapelle notre Dame de Beauvoir (autrefois appelée Notre Dame d’Entre-Roches) avec son clocher en tuf et son porche finement sculpté. A l’intérieur, deux grands vases en faïence de Moustiers du XVIIIème, trônent de chaque côté de l’autel. En sortant de la chapelle, le contraste entre les toits du village sous le soleil et l’ombre fraîche, nous surprend : difficile de réusssir la même photo que celle des cartes postales.
Les Moustiérains se rendent chaque année depuis le XVIème siècle en procession le samedi près Pâques, en hommage à Notre-Dame-de-Miséricorde qui sauva la communauté de la peste. Ils ont pris plus tard une forme particulière puisqu’on y amenait les enfants morts-nés, pour les faire ressusciter le temps d’être baptisés. Après quoi, ils pouvaient être inhumés religieusement. Les chapelles reconnues pour ce genre de miracles sont appelées chapelles à répit. Notre Dame de Beauvoir est l’une des rares de ce genre en Provence.
Nous franchissons la seconde porte fortifiée qui mène au ravin de Notre Dame ; la montée est parfois abrupte. De là haut, je mesure la hauteur de cette large crevasse reliée par la célèbre chaine. Hésitations à la croisée des chemins. Petite montée en escalade sur une paroi rocheuse puis dans une cheminée : aucune appréhension de la part des enfants qui descendent avec leurs parents. Sur le plateau, nous cherchons le sentier de la chaîne. Une jeune fille nous double d’un pas léger tandis que nous hésitons dans les éboulis entrecoupés de passages rocheux. Après cette belle descente, il faut escalader maintenant la dernière paroi rocheuse : pas de crochet pour s’aider. Tout là haut, j’en oublie quelques instants que je suis venue chercher la cache Blacas Star de patrick chirac 83. Je domine la plaine ; en observant la chaîne par dessus le ravin, j’en ai presque le vertige (mais comment au Moyen-Age ont-ils donc installé cette chaine entre les deux parois rocheuses ?…) ; une plaque commérative à peine visible nous rappelle la date de la pose de la chaîne, et sans doute le nom de celui qui l’a offert à la ville (1882, Baptistin Moussu ?) ; je n’hésite pas à toucher l’ancrage de taille impressionnante mais je ne vous dévoilerai pas mon voeu ! (photo ci-dessous Ti’Mars…)
A l’origine en argent, reliant les deux rochers surplombant le village, elle s’ornait autrefois de seize rais. Volée à l’époque des guerres de religion, démontée par les révolutionnaires qui y voyaient un symbole religieux, tombée en 1878, restaurée en 1882, tombée dans le ravin il y a 10 ans, redorée et replacée 1 mois plus tard, elle n’a plus que 5 branches. Aujourd’hui longue de 135m, lourde de 150kg, elle porte en son milieu une étoile de 1,25m de diamètre. A cause des intempéries, elle tombe à peu près deux fois par siècle.
Blacasset, fils de Boniface de Blacas et Ayceline de Moustiers fut immortalisé par Frédéric Mistral. Capturé par les infidèles, il avait fait le vœu, s’il était libéré, de tendre cette chaîne et d’y suspendre un ex-voto, étoile à seize branches, emblème de sa famille. Peut-être préfèrerez-vous les autres légendes qui circulent à Moustiers ? La chaîne serait :
- l’exécution d’un voeu municipal après que le village ait été épargné par quelque fléau ;
- le souvenir de deux enfants amoureux qui, chacun d’un sommet, se seraient jetés dans le vide parce que leurs parents étaient seigneurs ennemis ;
- l’évocation des insignes de l’Ordre de l’Etoile créé par Jean le Bon.
Personnellement à cause de la croix originale et des 16 rais que l’on retrouve également sur l’oratoire de Blacas, j’opterai pour la première…
Office de tourisme de Moustiers
Retour par la voie romaine qui permettait de rejoindre Castellane ; elle était dangereuse et provoquait parfois la chute des mulets. « C’est sur ce chemin que le 24 décembre 1746, les miliciens et soldats du capitaine français Danfrène repoussèrent les assauts des pandours1 d’Elizabeth d’Autriche« . Tout en lacets, elle rejoint le village après un parcours dans les pierres, puis en forêt.
En bas de la voie romaine, nous passons le cimetière de la ville pour rejoindre le centre ville où nous passons devant plusieurs ateliers de faïenciers. Il est impossible d’imaginer qu’au XVIIe siècle 50 maîtres faïenciers travaillaient à Moustiers et comptaient des clients célèbres tels Richelieu et Mme de Pompadour. La production est en « camaïeu bleu de grand feu sur émail blanc« . Vers 1761, les frères Ferrat introduisent un beau rouge carmin grâce au « petit feu« . Passée de mode, la faïence ne fait plus vivre et le dernier four s’éteint en 1874. Ce n’est qu’au XXe siècle que Marcel Provence puis Simone Garnier redonnent vie à la cité en créant leur atelier. Les couleurs et les motifs foisonnent désormais, comme ce motif célèbre d’oiseau léger sur mon plat à fromages.
Au final, une boucle sportive avec de multiples découvertes en chemin, une de mes randonnées préférées (merci au geocacheur patrick chirac 83), que je vous conseille vivement. Décidément ce département des Alpes de Haute Provence m’attire de plus en plus…
Le chemin de la chaine, 4.300km, 3h15 avec visite chapelle, dénivelée 296m
1pandour : Soldat d’une milice irrégulière, qui faisait partie de l’armée hongroise ; Homme d’armes à la solde des pachas turcs (d’après wikipédia).
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