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La ferme-grenier de Coudounèu et la tour du télégraphe


Tout a commencé par une observation singulière sur la carte IGN à l’échelle 1/34110 : Ferme-Grenier Fortifiée de Coudouneu ; à l’échelle 1/17055, encore plus curieux, la ferme-grenier devient Vest. archéo. (= vestige archéologique). Aussi quand André qui a déniché ce lieu, me propose d’aller voir, bien que sceptique, j’accepte volontiers : jamais je n’ai entendu parler de ferme-grenier ; restera-t-il quelque chose à voir et identifier ? De toutes façons, il y a a aussi la tour du télégraphe de Chappe récemment restaurée avec ses bras articulés.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Départ et parking le long de la très passante D113 ; prudemment nous avons préféré nous garer dans le sens Lançon-La Fare pour ne pas avoir à traverser la double voie à pied. Nous feignons de ne pas voir les quelques déchets abandonnés près de la barrière et entamons notre douce montée dans le vallon de Coudounèu (coudoun = coings en provençal) à travers champs. Bien pratique cette saignée empruntée par une canalisation de gaz (bornes jaunes) et une de geosel (bleue) qui transporte pétrole ou produits raffinés. Les coquelicots et le lilas d’Espagne – centranthe rouge – les font oublier.

Rapidement parvenus sur les lieux, nous avons une première vision générale du site qui ne laisse pas de doute : il reste des choses à voir de cette ferme-grenier. Situé sur un petit éperon rocheux, entre deux vallons – Coudouneu et Roustan -, nous arrivons sur un plateau incliné précédé de deux remparts, enfin ce qu’il en reste, et rapidement découvrons l’allée centrale bordée à gauche et à droite d’îlots de stockage.

Côté droit, six ilôts indépendants (I-6 à I-1) encore bien délimités, le plus grand étant le premier (I-6 sur le plan de F. Verdin) dans lequel une amphore massaliète a été découverte ; les murs en pierre ont été bâtis directement sur le rocher.  Aucune construction antérieure. Nous sommes donc au Ve siècle avant J.-C. L’ilôt II à notre gauche a souffert de l’érosion : long de 21m, il contenait 9 pièces de largeur avoisinant 2m et s’ouvrant sur la rue. Dans une de ces pièces a été trouvée une gousse d’ail : jusqu’à présent, l’ail cultivé n’était attesté en Europe occidentale qu’au 1er siècle.

Une fois au bout de l’allée, je grimpe sur le rocher et me trouve au-dessus d’un à-pic et d’une arche, reste d’un abri sous roche effondré. Le temps d’une photo, je m’éloigne du danger.

L’escalier donne accès à la partie sommitale (ilot III) ; de 5 marches taillé dans le rocher, il est envahi par les herbes mais pas de difficulté particulière pour atteindre le sol en pente. En haut de l’escalier, immédiatement à droite, les eaux de ruissellement de la toiture étaient recueillies dans un dolium dont l’emplacement visible a été creusé dans le substrat. J’ai bien du mal à croire que 5 autres pièces y avaient été aménagées : ne restent  que des engravures ; au sommet, je retrouve l’arche naturelle et le vide.

La porte se reconnait de loin par les deux logements verticaux qui recevaient les montants d’une structure en bois qui avait sa partie symétrique dans un mur 2m plus loin. Du bois carbonisé a été retrouvé, trace d’un incendie. Passé la porte, on se retrouvait dans une rue et on se dirigeait soit vers l’escalier, soit vers les ilôts.

Nous descendons maintenant vers l’esplanade (zone V) d’où nous avons vue sur l’étang de Berre et la doline de l’Enfourna. L’accès se faisait par l’ouest.

Coudounèu, étude par structure

Coudounèu (Lançon-de-Provence, Bouches-du-Rhône) : une ferme-grenier et son terroir au Ve s. av. J.-C, F. Verdin

Une maquette de ce site est visible au Musée archéologique de Lançon. Plus facile d’imaginer les pièces avec  les murs et la toiture.

Pas de pièce à vocation domestique, pas de fo yer, uniquement des récipients (154 dolia, 136 terre crue) de petit à grand modèle (+300l) : c’est ce qui a conduit à qualifier ce lieu de stockage de ferme-grenier. Les denrées qu’on y a retrouvées : orge polystique, féveroles, millet italien mentionné pour la première fois en Gaule du sud à l’âge du fer, pépins de raisin,..

Nous rejoignons maintenant par des points bleus la tour du télégraphe de Chappe dont les bras sont bloqués ; le sentier caillouteux monte jusqu’à un croisement de sentiers où nous obliquons à gauche ; face au petit bâtiment carré de 2m60 de haut, nous admirons la restauration. A l’initiative de l’association Les amis du vieux Lançon et à la demande de la mairie, l’opérateur historique a participé à la reconstruction du télégraphe : nouveau mécanisme sans la partie commandes. Mis en service en 1821, il communiquait d’un côté avec Vitrolles, de l’autre avec Salon.

Grâce à des lunettes de vue, le télégraphiste relevait de jour et par temps clair le message de la station en amont pour la transmettre à celle en aval. Les bras du télégraphe pouvaient prendre jusqu’à 92 positions limitant le vocabulaire à près de 8 464 mots [ndlr : corrigé]. La Marseillaise, 28/07/2017
En 1844, existaient 534 tours, disséminées sur plus de 5000 km. En 1855, abandon de la dernière ligne de télégraphie aérienne. En 1794, pour transmettre un symbole, entre Paris et Lille, il fallait 9 minutes. Pour qu’un message soit envoyé et reçu, il devait d’abord être codé par le directeur de la station. Les stationnaires relayaient le message observé à la lunette en actionnant le mécanisme et en consignant les signaux transmis sur un registre. La Provence, 14 juin 2015.
Schéma extrait du site http://saintmichelthubeuf-patrimoine.over-blog.com

En regardant au loin, dans notre angle de vision, un monument apparaît, bien insolite dans ce lieu désert ; au travers de la garrigue pas trop hostile, nous arrivons sur le monument scellé sur une étroite dalle rocheuse avec le vide tout proche ; la curiosité l’emporte ; quelques photos plus tard, nous essayons de déchiffrer sans succès ; nous identifions quelques mots « A… Tes… » mortellement blessé le 4 8 1875″, « décédé le même mois à la Fare ». André me précise qu’il s’agit, je le cite, d’ une colonne brisée qui signale un défunt dont la vie a été brisée prématurément.

La première enquête ne donne rien ; pas de décès à cette date. J’y retourne avec la technique d’André : accentuer les creux et mouiller la dalle ; nouvelles photos ; le nom apparait : Albert Testanier ou Testanière. Rien dans le registre de décès de La Fare ; personne de ce nom n’y habite non plus à cette époque. Troisième enquête avec le forum geneanet. Succès : il s’agit de Albert Testanier, décédé le 4 octobre (le 8 signifiant 8e mois de l’ancien calendrier) 1873 à l’âge de 15 ans chez sa grand-mère maternelle ; il habitait Salon. Comme le fait divers n’est pas relaté dans la presse, je ne connais pas les circonstances de son accident. Peut-être, tout simplement, est-il tombé de l’endroit où se trouve le monument commémoratif ?…

Demi-tour jusqu’au croisement de pistes ; la boucle la plus courte, c’est en face mais nous allons faire une boucle un peu plus longue qui passe à côté d’un poste de chasse à la glu, chasse traditionnelle du sud-est que les chasseurs sont allés défendre récemment auprès du gouvernement. Par deux ordonnances de référé, le Conseil d’Etat valide l’interdiction de la chasse à la glu mais refuse de suspendre la chasse aux oiseaux sauvages (22/09/2020)…

Sentier désert jusqu’aux abords du vallon de Melé – écrit ainsi sur le cadastre napoléonien – où des pièges contre les nuisibles viennent d’être posés ; un cabanon abandonné et sa citerne puis il faut chercher sur la droite la saignée herbeuse de la canalisation de gaz qui ramène au parking, ou  rejoindre la route et la longer prudemment, de l’autre côté de la glissière si c’est possible.

Sur un parcours aussi court, avouez que c’est rare de trouver autant de points d’intérêt : flore, archéologie de l’Age du fer, monuments du petit patrimoine. Je ne vous propose pas d’autres boucles dans le même secteur car beaucoup de sentiers mènent à des propriétés privées comme celui du Jas d’Alisson. Par contre, pour une rando d’une journée, vous pouvez reprendre la voiture pour le Vieux Lançon.

Image de l’itinéraire 3km770, 1h30 déplacement (2h au total), 1m dénivelée (+106, -106). Télécharger la trace

©copyright randomania.fr

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2 réflexions au sujet de « La ferme-grenier de Coudounèu et la tour du télégraphe »

  1. Habitant la Fare les oliviers, nous avons décidé hier de nous ballader dans ce secteur et c’est avec surprise que nous avons découvert tout ce dont vous parlez dans cette rubrique ( sans l’avoir lue auparavant) . Il faut rajouter la vue en direction de l’etang magnifique dans ses couleurs d’automne ( si on fait abstraction des cheminées des usines.. )
    Jolie ballade.

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