Intitulée « Le télégraphe », cette randonnée cependant n’en montre que la base envahie par pierres et végétation, même pas un panneau d’information. Je l’appellerais plutôt « Balcon sur la mer et vue sur nos montagnes ». La commune de départ se situe à Ceyreste (13) et non Céreste (04) qu’on ne peut plus confondre depuis que la seconde s’appelle Céreste-en-Lubéron par décret du 18 octobre 2023.
Nous, Majo, Anne et moi, allons parcourir cette rando PR16 dans le sens inverse du topoguide Les Bouches-du-Rhône… à pied – 42 circuits dont 10 adaptés à la marche nordique, FFR, coll. Topoguides, FFR 2021.
Le parking du Grand Caunet1 est presque plein ; les membres d’un club de rando s’apprêtent à partir tandis que nous cherchons, ne connaissant pas les lieux, les premières marques de balisage. Direction sud par le GR 51. Dans le premier champ de vignes à droite, un puits, un abreuvoir et une martelière : sur le cadastre napoléonien de 1811, on voit bien qu’il servait à l’irrigation du champ jusqu’au bord de la route, et à abreuver le troupeau de dame Fontblanche.
A la citerne DFCI, nous délaissons le GR pour la piste jaune. Ce qui frappe, ce sont les nombreux pins d’Alep, pas de chênes ici. Au premier grand carrefour de pistes formant un triangle découvert, nous continuons vers le sud sur des dalles rocheuses en strates qui serviront à monter des murs de pierre sèche. D’un point de vue géologique, nous sommes au 3e étage du Crétacé supérieur soit entre 89,8 et 86,3 Ma. Sur notre gauche le Fainéant, affluent du ruisseau de La Salle qui semble être l’auteur d’un fort ravinement des grès.
Au croisement 6 du topoguide, nous conversons avec deux chasseurs ; Majo leur demande si on peut voir la mer ; il nous indique un petit détour mais nous ne la verrons pas. Un autre chasseur nous incite à rester sur la piste alors que le balisage nous emmène sur un étroit sentier parallèle à la piste ; discussion sur l’intérêt de celui-ci qui longe la piste sur plus de 300m…
Dès qu’on remonte vers le nord (au point 4 du topoguide), à la citerne de La Louisiane, la Grande Candelle pointe son nez derrière les arbres ; pour contourner le vallon de Saint-Antoine la piste effectue un grand virage en épingle ; c’est enfin deux virages plus loin qu’apparait la mer que Majo cherche depuis un certain temps : la baie de La Ciotat, le bec de l’Aigle et même l’Ile Verte.
Commence alors la dernière longue mais progressive montée sur une piste sans difficulté vers le sommet (467m) du télégraphe inventé par Claude Chappe. Seule la base est au sol, rien n’indique qu’il s’agissait d’une tour de transmission de signaux visuels.
J’ai vu plusieurs tours en ruine mais la seule commune qui ait fait un effort c’est Lançon grâce à l’initiative d’une association Les amis du vieux Lançon (La ferme de Coudounèou et le télégraphe de Chappe) : le bâtiment a été reconstruit, les bras bloqués, un panneau d’information posé au sol.
Maillon d’une chaîne sémaphorique de cent stations dans le prolongement de la ligne Paris-Lyon ouverte en 1804, la tour […] transmettait de Paris à Toulon un message en vingt minutes. Les stations voisines étaient installées à Orgon, Lamanon, Vitrolles, les Pennes, Saint-Marcel, Aubagne, Roquefort et Ceyreste [ndlr : au delà par des stations dans le Var].
La Marseillaise, 26/07/2017
Claude Chappe n’a guère été soutenu par le gouvernement de l’époque ; en 1793 il est autorisé à vérifier son expérience de télégraphie optique ; le 15 août1794, le premier message est transmis pour annoncer la reprise du Quesnoy aux Autrichiens. En 1821 il est question de l’extension jusqu’à Toulon qui ne sera effective qu’en décembre 1822 (c’est sans doute pour cela que le télégraphe de Ceyreste ne figure pas sur le plan du cadastre napoléonien de 1811). En 1844 il existe 533 stations mais c’est le début du télégraphe électrique… et la fin du télégraphe visuel.
Heureusement l’intérêt est ailleurs, sur le large point de vue côté Nord : Sainte-Baume avec sa falaise verticale caractéristique au Pic de Bertagne, point culminant de notre département, les dents de Roque-Forcade. Aux jumelles, on y voit même le radar boule de l’aviation civile.
Côté Est le mont Faron, au sud la mer. A l’ouest : en théorie, c’est la direction du mont Canigou à 273 km, dans les Pyrénées mais plus sûrement les monts Puget et Carpiagne.
Pour ceux qui penseraient qu’apercevoir le Canigou depuis les environs de Marseille est une galéjade, lire Le Canigou depuis Allauch. C’est au soleil couchant que la ‘magie’ opère et ceci à deux moments de l’année, autour du 8 Février et du 2 Novembre. A ces dates, le soleil se couche exactement derrière les hauts sommets (2785m), ce qui produit un intense contre-jour permettant d’apercevoir la chaîne qui jusque-là était absorbée par l’atmosphère.
Image de l’itinéraire 7km600 129m dénivelée (+263,-263) 2h30 (3h au total). Télécharger la trace
1Caunet : au XVIIIe s’écrivait petit ou grand, s’écrivait Caoumet ; peut-être du provençal caume, caumeto : petit plateau rocheux
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C’est sûr que le « télégraphe » de Ceyreste est décevant, d’autant que la proximité de la station moderne n’aide pas à mettre les ruines en valeur. C’est dommage qu’il n’y ait pas de panneau explicatif, car l’histoire complète des lignes Chappe est intéressante à plus d’un titre (voir : http://www.telegraphe-chappe.com/ ). Par exemple, elle ne se termine pas en 1845-50 en France mais en 1856 en Crimée et en 1859-60 en Algérie …
En ce qui concerne le circuit on peut remplacer le tour vers le Sud-Ouest par un tour vers l’Est sur lequel on peut rencontrer quelques fours à cade en plus ou moins bon état (ou plus ou moins restaurés) et de superbes vues sur la baie de Saint-Cyr.
Et merci pour votre site, si varié et intéressant.
[ndlr] Merci pour les compléments d’information !