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Sentier du petit patrimoine rural du Paty


Après la visite du manoir hanté de la Pré Fantasti (esperit fantasti en provençal), j’enchaîne avec le sentier du petit patrimoine rural du Paty1 ; la voiture reste garée au parking du Lauron.
Jusqu’au début du XXè, les collines étaient cultivées ou réservées aux troupeaux. C’est à la recherche de ces témoignages que nous partons.

L’ensemble des photos

Le début et la fin de la boucle se rejoignent près d’un mur de soutènement en pierre sèche ; au carrefour vers la première variante, je tombe sur un petit ouvrage en pierre sèche qui ressemble aux guérites ayant servi d’abri aux sentinelles en faction le long du mur de la peste ; puis une belle cabane en pierre sèche située près d’un ancien parc à moutons devant laquelle on devine un jardin ; un grand pierrier témoigne sans doute d’une ancienne construction aujourd’hui écroulée.

Le sentier va maintenant monter dans les bois ; je ne repérerai pas la totalité des curiosités annoncées sur le panneau mais n’y pense plus dès que je suis en vue du lac du Paty.
Espérant pouvoir m’approcher du bord, je descends dans une pente un peu raide mais surprise, un grillage ferme l’accès au barrage. Je remonte, doublée bientôt par un chien fougueux qui rejoint son maître. Sur l’autre rive, trois personnes installées pour une partie de pêche. A l’une des extrémités du lac, la fameuse écluse conçue par le père jésuite Morand pour alimenter les quatre moulins de Caromb, le plus haut ouvrage maçonné de France à l’époque (1773), aussi lourd que la tour Eiffel. Les pierres de taille n’en sont que l’habillage : l’intérieur est en terre et tout-venant, construit comme une restanque ; l’eau entrait dans le mur pour s’écouler ensuite à travers le plafond crépiné de la galerie du bas. Le lac de Paty n’est désormais utilisé que pour les loisirs et la pêche.
En 1999, le service municipal du barrage est créé et assure l’entretien régulier de cette construction particulière, encore unique en France.

Les archives municipales précisent qu’en juin 1762, on décide de faire dresser un devis pour établir cette écluse au Paty, qui retiendrait toutes les eaux de source. […] Le vice-légat, pour l’exécution d’un tel ouvrage, accordera son autorisation à la condition que le père Morand, ingénieur expérimenté, soit l’auteur du projet.
En octobre 1762 […] : Le projet du père Morand prévoyait trois vannes mobiles superposées pour la distribution de l’eau en été, et celle du fond, la plus basse, pour effectuer les vidanges et faire évacuer les boues.
En août 1763, on va poser des affiches dans les villes du Comtat pour la mise aux enchères de l’écluse. On nomme un inspecteur des travaux, payé trente sols par jour.
[…] On fait élever un jas sur la montagne du Paty et on fait mettre aux enchères, à concurrence de cinquante livres, la construction d’un four au-devant du jas.
Les travaux durent deux ans (de 1764 à 1766). En juillet 1764, le travail de l’écluse a commencé et il y a aussitôt contestation avec l’entrepreneur sur la solidité des pierres de taille des revêtements intérieurs et extérieurs. […]
En novembre 1766, l’entrepreneur de l’écluse du Paty réclame une augmentation pour agrandir une guérite et réparer des dégâts causés par les eaux. L’écluse du Paty a été mal construite (juin 1767) et l’eau se perd dans les jointures et fentes de la muraille : le retard de sa construction cause un grand préjudice.
La dépense prévue au devis initial était de 36000 livres, elle atteignit alors le double, soit 60000 francs.
En juin 1768, la communauté intente un procès à l’entrepreneur de l’écluse pour malfaçon des travaux. On décide de surélever l’écluse du Paty, le 19 mars 1769.
En janvier 1772, un chaudronnier spécialiste […] place une «palette» ou «soupape» que l’on peut ouvrir ou fermer aisément par serrure. [..;]
En mai 1773, les consuls vont sur les lieux de l’écluse pour surveiller et hâter les travaux de surélévation du massif, pour alimenter les moulins. […]
En septembre 1784, des vandales forcent la serrure ou palette de l’écluse et l’eau se répand au préjudice de la ville. Le mois suivant, on constate un fort envasement de l’écluse, car on a négligé de réserver un puits (“coup perdu”) à la base de l’ouvrage et l’eau a fortement diminué. […] On dépense 1000 livres à cet indispensable ouvrage.
On élèvera une statue à la mémoire du père Morand. Extrait de l’histoire de Caromb par J. Gallian

Autour du Paty 2 : la grimpette, ilagaris

Pratiquement arrivée au sommet de la randonnée, un paysage noir, tristement consumé par le feu, s’étale devant moi ; les branches noircies et dénudées sont telles des bras maigres qui appelleraient au secours, les arbres sont déracinés. L’incendie n’est pas vieux ; en effet, c’est en août 2016 qu’il s’est déclaré. Dans quelques années, une autre formation végétale constituée de chênes kermès, d’arbustes aux feuilles persistantes et ou coriaces viendra remplacer la forêt primitive de chênes verts dégradée par des incendies.

Le panache de fumée est visible depuis tout le Comtat venaissin. Sept aéronefs (Canadair, Tracker et Dash) sont à pied d’oeuvre dans les airs pour aider le travail des pompiers au sol, déployés en grand nombre et venus de tout le département. Près de 10 hectares sont déjà partis en fumée. La Provence, 27/08/2016

Après ce passage qui me laisse une impression de désolation, j’arrive près de la chapelle du Paty à l’histoire tourmentée. La commune endettée veut percevoir un nouvel impôt sur les cultures alors que les habitants la cultivaient gratuitement depuis des générations ; un procès eut lieu et la cour pontificale trancha en faveur des habitants. Pour remercier la Vierge qu’ils avaient invoquée, les habitants construisirent l’oratoire Notre Dame de la Victoire vers 1750. La source Royer et la galerie drainante de la chapelle irriguaient les cultures : en ouvrant l’œil, vous verrez des traces d’anciens canaux.

Un abbé, M. Monnier de Prailly, jeune et déjà supérieur du petit séminaire […] suggère de construire une chapelle à la place de l’oratoire, et grâce à sa générosité et à celle de la population, la chapelle est bientôt construite (1756). Au moment de la révolution, son éloignement l’a sauvée de la destruction. Selon l’histoire de Caromb par Jean Gallian

Lac du Paty, BOBINES84 (au nord de la chapelle, 300m par le sentier)

En redescendant, dans une trouée de verdure, le château du Barroux se dresse fièrement sur fond de Dentelles : un puissant donjon, épaulé de murailles épaisses, assure au XIIè la protection de la plaine Comtadine. Transformé au XVIè, il devient la plus belle demeure de l’époque.

Un haut cairn annonce un vaste ensemble pastoral restauré autour du jas du Paty : faites-en le tour par le sentier prévu, égarez-vous parfois, plein de constructions sont à découvrir. Des cabanes bien sûr dont une seule est datée de 1862, une autre gravée APARE, du nom de l’association qui a restauré l’ensemble, des enclos, un espace détente avec table et bancs de pierre, un aiguier, un parc à moutons.
Durant l’Ancien Régime, un berger déplaçait son troupeau au gré des ressources disponibles. Placé au sommet d’une petite pyramide de pierre – montjòia autrefois, cairn aujourd’hui – il surveillait son troupeau. Pourquoi tant de cabanes ? pour épierrer afin de cultiver et pour servir d’abri puisqu’on est loin du village.

Le sentier est balisé mais l’une des bornes ayant bougé, j’ai raté le petit sentier qui brusquement vire à droite. La descente dans les bois se poursuit jusqu’au carrefour qui ferme la boucle.

Ensuite c’est le même parcours qu’à l’aller, le long des vignes.

Une randonnée relativement facile, bien documentée par des panneaux et que les curieux auront plaisir à parcourir. A combiner avec le manoir hanté ou de nombreuses variantes que vous trouverez sur internet.

Image de l’itinéraire 5km100, 2h00 déplacement (2h30 au total), 174m dénivelée (+210, -210)
Format .gpx

1paty : du provençal pàti, vaine pâture, quartier affecté au logement des troupeaux
2tout-venant : Granulats bruts, ni triés ni traités

©copyright randomania.fr

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