De l’ermitage orthodoxe St-Jean à la voile de Facibelle


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Nous sommes à nouveau dans les Alpes-de-Haute-Provence où aucun arrêté d’interdiction de circuler dans les massifs n’a été pris pour l’été, contrairement aux Bouches-du-Rhône. Les premières randonnées nous ont convaincus de continuer nos découvertes. Départ juste après le tunnel de Pérouré, peu avant 18h  : c’est la présence des boites aux lettres de la chapelle, en bordure de la D900, qui nous confirment le départ du sentier. Le Bès tourmenté circule entre les nombreuses couches rocheuses inclinées. L’indication d’un sanctuaire attise notre curiosité.

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herman de vries a accepté avec enthousiasme d’implanter Le Sanctuaire de la nature en ces lieux. Situé en altitude sur le site de roche-rousse, le dispositif du sanctuaire enserre avec des piques en fer forgé dont les pointes sont dorées à l’or fin, une ancienne maison forestière en ruine, habitée par de vieux buis, des rosiers et des arbustes. Comme une guérison, dit Herman de Vries, comme en ville où la nature retrouve sa place dans la moindre parcelle de terrain vague. Que gagnons-nous à faire un sanctuaire avec une grille plaquée d’or ? On ne gagne rien, mais il n’est pas nécessaire de toujours gagner quelque chose sur la nature. Avec cette attitude, je veux réintégrer dans cette nature la notion du sacré pour un moment de réflexion.
Peu après le sanctuaire, à l’entrée d’un bois que nous n’avons pas hésité à qualifier de sacré, tout comme herman de vries, une pique sur laquelle le mot « silence » est gravé en lettres d’or. Cette inscription fait partie du projet traces (CAIRN) ; elles sont gravées dans la pierre à des endroits choisis par l’artiste dans la Réserve Géologique. Ces traces fonctionnent comme les notes de bas de page du paysage. Avec le mot silence commence la méditation. Nous y avons vu un lien avec l’ermitage orthodoxe.

Un centre d’art, le Centre d’Art Informel et de Recherche sur la Nature (CAIRN), regroupant le musée et la réserve a été créé pour développer une programmation tournée vers l’art contemporain : Andy Goldsworthy par exemple a réalisé une œuvre dans le refuge d’art du vieil Esclangon (voir Et si le vélodrome n’était pas à Marseille ?).

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Cet « ambulo ergo sum » peint sur un rocher, nous a bien surpris également : sans mouvement nous n’existons plus (formule empruntée à Gassendi, philosophe et mathématicien, né près de Digne en 1592). herman de vries veut nous donner la possibilité de réfléchir sur notre propre démarche dans l’instant…

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Après quelques avertissements incitant au silence, nous parvenons à la chapelle orthodoxe St-Jean bien cachée en haut de la montagne, dans la verdure. Coquette avec sa coupole à bulbe rouge, elle nous incite à pénétrer par la porte entrouverte. Une coupole sur le nef de l’église symbolise le ciel au-dessus de la terre (voir lexique orthodoxe). Les clochers à bulbe sont caractéristiques de l’architecture religieuse russe. Au sommet, la croix orthodoxe à huit branches : la transversale supérieure, c’est l’écriteau qui portait l’inscription « Jésus de Nazareth Roi des Juifs ». La transversale médiane, c’est la pièce de bois où furent cloués les mains du Christ. Quant à la transversale inférieure qui correspond à la pièce de bois où furent fixés les pieds, elle est disposée en biais car elle évoque les deux larrons crucifiés avec le Christ : le mauvais larron la tire vers le bas (L’Enfer) tandis que le bon larron la tire vers le haut (le Ciel).

Principales caractéristiques d’une église orthodoxe :
– l’absence de statues et de sculptures et l’importance des icônes,
– l’iconostase : c’est une haute cloison qui sépare le sanctuaire où se trouve l’autel de la nef où se trouvent les fidèles,
– l’absence d’orgues.
Extrait du site Russie sur Seine
Derrière le drapé blanc placé devant la porte, vit un ermite orthodoxe que nous ne voulons pas déranger. De quoi vit-il ? pas de trace de culture ni d’élevage, 1h30 pour rejoindre la départementale, peu d’habitations et aucun commerce dans les environs…

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Le balisage jaune continue : nous décidons de le suivre bien que ne sachant pas trop où il nous conduira. Un sentier balisé a quelque chose de rassurant : il mène toujours à bon port. Il est à peine visible dans les bois, il circule parfois sur des dalles rocheuses, parfois en sous-bois, toujours en zig-zag s’éloignant de notre point de départ, et descendant rapidement dans le vallon. Où sommes-nous ? Quand au loin je reconnais la lame de Facibelle, après en avoir douté au moins une dizaine de fois, je comprends que je suis au cœur du vélodrome, cette fameuse curiosité géologique que nous avions en vision panoramique deux semaines auparavant (voir Et si le vélodrome n’était pas à Marseille ?). Je ne le reconnais pas et j’en suis décontenancée. De loin, la lame semblait fine, frêle et gonflée comme une voile au vent. De près, c’est un amas de gros rochers grossièrement posés les uns sur les autres et qui tiennent on ne sait trop comment, miracle d’équilibre mis en relief par l’érosion. Peu après, c’est un passage à gué avec une superbe marmite sur le cours de l’Adret.
Retour en suivant la direction de la passerelle sur le Bès. Nous descendons encore et encore jusque dans un sous-bois si sombre qu’on croirait la nuit tombée. La passerelle est en vérité un pont suspendu tenu par des câbles métalliques. Pour traverser le torrent, il faut jouer à Indiana Jones. Pas d’autre solution. Et croyez moi, plus on avance plus elle bouge !

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Le retour vers le parking se fait sur la route départementale à bonne allure. Quand nous parvenons au tunnel de Pérouré, nos regards se fixent sur un objet insolite : une sorte de grande nasse suspendue au-dessus du torrent. Toutes nos hypothèses progressivement s’écroulent. Il n’en reste qu’une : que ce soit une œuvre d’art contemporain comme il en existe tant dans le territoire de la réserve. Je pensais à une œuvre de Hubert Duprat qui avait prévu de laisser une trace lui aussi mais il s’agit d’une chrysalide ou nasse de pêcheur, œuvre d’un workshop. L’objectif de cet atelier est la production et l’installation, par les étudiants de l’école, d’une œuvre d’art qui restera en place sur la VIAPAC [via per l’arte contenporanéo = voie pour  l’art contemporain] pendant deux années. Pour suivre au jour le jour le workshop de Digne, par le texte et la photo, voyez le blog des étudiants. »  Extrait du site de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes.

Une balade pleine de surprises avec parfois l’impression d’un parcours aventureux. Boucle sanctuaire de la nature – St-Jean – voile de Facibelle – passerelle de 7.100km, dénivelée 457m, 3h

Le chemin des évêques à Lurs


img_8315r.JPGBordée de quinze stations du rosaire (1864), la curieuse Promenade des Évêques (boucle de 5.300km, 1h30, dénivelée 74m) mène du château à la chapelle Notre-Dame-de-Vie… mais n’a jamais vu un évêque ! img_8313r.jpgimg_1264r.JPGLes évêques de Sisteron ont été propriétaires du village, où ils avaient leur résidence d’été, et y sont princes de LursAlix de Forcalquier cède la moitié du château aux évêques en 1110 ; Tiburge d’Orange rend la seconde moitié du château dans les années 1125-1145. Il est ensuite pris lors des trois sièges qu’il subit au cours des guerres de religion.

La météo aujourd’hui à cet endroit
Avec la température ressentie

img_1265r.JPGIMG_8317r.JPGIMG_8318r.JPGA l’extrémité du chemin se dresse une chapelle bâtie en 1552 sur le lieu d’un oratoire dédié alors à Notre-Dame de la Boyssière. Consacrée à Notre-Dame-de-Vie, elle fut malmenée pendant les guerres de religion, reconstruite en 1662, puis dotée vers 1866 d’un clocher-mur et d’un porche à deux colonnes. Elle ressemble à un temple grec.

Jusque dans les années 1950, passait à côté le câble qui convoyait, par bennes suspendues, le produit des mines de Sigonce jusqu’à la gare de Lurs ; le bon fonctionnement des poulies accrochées aux poteaux métalliques nécessitait un poste de graisseur de câble, et le passage du câble sur la crête, à hauteur d’homme, permettait aux Lursiens de déposer dans les bennes des bouteilles de vin pour l’ouvrier de la station d’arrivée. Pays de Lure, Forcalquier, Manosque, Patrick Ollivier-Elliott, Edisud, 2000

La boucle continue dans les bois. Le premier carrefour de la Baume et  le second vers Ganagobie sont bien balisés. A part quelques lézards, je ne rencontre âme qui vive en chemin et cela me semble long. Avec des enfants, cela pourrait se limiter à une partie de geocaching : la multi-cache de Serge Robert Lurs’cache. Quelques coquelicots égaient les champs d’oliviers. L’arrivée à Lurs, près de boulangerie, s’effectue le long d’un interminable mur de pierres : la dernière partie du chemin est presque totalement envahie par les herbes. J’en déduis que peu de randonneurs ont dû l’effectuer totalement.

img_8339r.JPGIl est l’heure du repas. Je choisis le petit bistrot de Lurs, dont la terrasse donne sur l’immense panorama des Préalpes de Digne ; « un terme impropre, les préalpes », nous a signalé le géologue de la réserve géologique lors de sa conférence du 31 mai à Volonne ; il préfère celui de massifs subalpins, partie méridionale la plus externe de la chaîne des Alpes. Allemands, anglais, espagnols, s’y sont donnés rendez-vous. L’accueil est simple et le repas délicieux.

Avant de repartir, je jette un oeil sur la tour de l’Horloge coiffée d’un campanile abritant la plus vieille cloche de la région (1499) et sur le banc à droite sur lequel attendaient les journaliers en quête de travail.

Si le nom de Lurs vous évoque quelques souvenirs, peut-être est ce dû à l’affaire Dominici survenue en 1952 ou aux rencontres Internationales de Lure à Lurs (site de publication des rencontres) ?

Les Alpes de Haute Provence à pied, 36 promenades randonnées, collectif, Collection topoguide, FFRP

Ganagobie


Voilà une randonnée riche de découvertes qui m’incitera à re-découvrir les Alpes de Haute Provence où j’ai vécu plusieurs années. Classée facile (7km, 3h, dénivelée 316m – départ pont Bernard, arrivée au parking visiteurs), la randonnée à Ganagobie1 a été organisée lors de la fête régionale de la randonnée 2008 à Volonne. Notre guide en profite pour nous présenter un petit bout du GR653D réhabilité par les baliseurs, et qui était autrefois le chemin de St-Jacques et de Rome :

Bienvenue sur les chemins de Compostelle

img_8181.gifimg_8191r.JPGAprès une petite halte au minuscule village de Ganagobie, nous entamons la montée vers le plateau. Petit crochet vers la maison écologique qui tourne sur son socle grâce à des roulements à billes (plus de 1000 billes !), et qui ressemble plutôt à une soucoupe.

La sphère est le volume qui a le moins de surface de contact entre l’intérieur et l’extérieur, d’où moins de pertes énergétiques l’hiver, et moins d’apport de chaleur l’été.  img_8187r.JPGEn orientant les parties vitrées et les panneaux solaires face au soleil durant toute la journée, on récupère un maximum d’énergie. Et inversement, en positionnant automatiquement la face non vitrée vers le soleil, créant une sorte de bouclier thermique, la fraîcheur est maintenue dans le dôme. « Les grosses gaines d’aluminium qui partent du sommet serviront l’hiver à aspirer l’air chaud qui s’accumulera au sommet de la voûte pour le réinjecter en bas du dôme. L’été, en inversant le flux, elles permettront d’injecter de l’air frais au sommet pour provoquer un brassage de l’air interne. » Du liège expansé sert d’isolant au sol et sur les murs. Toute la périphérie, considérée comme non habitable, peut être utilisée comme rangements. Grâce aux matériaux dont elle est composée et surtout à son système de rotation automatisé, c’est une maison particulièrement écologique. Sa structure en bois lui permet de parfaitement s’intégrer dans la nature. Et elle résisterait même aux séismes ! Guillaume a construit sa soucoupe dans les oliviers : les étapes de construction

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Sous les rochers, nous découvrons des grottes, des sources, une citerne, et un ancien lavoir taillé dans la pierre. Nous passons devant le cimetière des moines, où de sobres croix sont rigoureusement alignées. Les moines bénédictins de l’abbaye de Hautecombe (Haute-Savoie) ont rejoint la communauté de Ganagobie depuis 1992. Leur abbaye, qui est en cours de restauration pour plusieurs années, accueillera des retraitants.

Gaston Dominici, sur la fin de sa vie, devint l’ami d’un moine bénédictin du monastère de Ganagobie lequel reçut sa confession qu’il ne trahit jamais. Gaston Dominici décéda en 1965, sans qu’on sache jamais son degré d’implication dans le triple meurtre de la famille Drummond. (extrait du site wikipedia)

Site officiel de l’abbaye notre dame de Ganagobie

Les horaires des messes à notre dame de Ganagobie

Le portail de l’église romane attire mon attention tant les sculptures de pierre sont réalistes jusque dans le détail. Le Christ est entouré des 4 évangélistes.  D’une main, il bénit, de l’autre il tient la bible. Les animaux sont les symboles des évangélistes. Ce serait l’œuvre d’un seul artisan au XIIè siècle. Si on entre dans l’église, par un escalier latéral, on accède à une tribune élevée où se trouve l’autel de saint Transi ; c’est là que les paysans apportaient les enfants mal en point et imploraient le saint sauveur d’enfants (voir le document du site Balades pour la tête et les jambes). Tout le monde s’accorde pour dire que c’est une des plus belles œuvres romanes de Haute-Provence. Après une période de richesse aux XIIe et XIIIe siècle grâce aux donations des comtes de Forcalquier, d’affaiblissement puis de renouveau, de saccages et destruction, elle renait après la seconde guerre mondiale.

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En bordure de falaise où nous marchons sur des dalles calcaires qui montent et descendent sans arrêt, de nombreux sentiers offrent de courtes mais intéressantes promenades : côté ouest, la carrière de meules2 nous laissera tous perplexes. Pratiquement personne ne savait que cela avait existé. Les meules sont taillées sur place et notre guide ne sait pas comment elles étaient décollées du sol. Un petit tour sur internet au Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes, et quelques indications aimablement fournies par Alain Belmont (promis, si en chassant le trésor je découvre une carrière inédite, je vous la signale…), vont me permettre de décoder le site :

  • La période d’exploitation attestée : Moyen Age – Epoque Moderne ;
  • Type de meules produites : meules monolithes à grain ;
  • Production : 80 meules ;
  • Aire de diffusion de la production : régionale.

A l’ouest du plateau et au nord de l’allée de Forcalquier, les dalles de molasse à éléments grossiers ont été entamées sur 3 aires distinctes. Les plus petites regroupent 6 et 12 alvéoles d’extraction, la plus grande une soixantaine. L’extraction s’est faite sur le plan horizontal et sur deux à trois niveaux superposés, à l’aide de fossés annulaires à profil en U. Les ébauches abandonnées mesurent 1,20 m de diamètre pour 20 à 40 cm d’épaisseur, les alvéoles d’extraction 1,50 à 1,80 m de diamètre. Auteur de la fiche : Alain Belmont.

Atlas des meulières de France et d’Europe

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