Du Verdon à l’ancienne draille des troupeaux


Pour ‘inventer’ cette randonnée, j’avais plusieurs contraintes : peu de dénivelée et une descente en pente douce pour ménager mes adducteurs, aller à contre-courant des vacanciers de retour de vacances. J’ai donc décidé de remonter vers les Alpes de Haute-Provence, tenter de longer le Verdon de Vinon-sur-Verdon à Gréoux-les-Bains et retourner par la draille1 des troupeaux de la Crau. Le problème c’était qu’aucun sentier continu ne reliait Vinon à Gréoux sur la carte IGN.
Je me suis garée sur le parking du centre commercial mais j’aurais pu me garer sur le parking du Verdon en bas de l’impasse de la scierie.

le VerdonLe long du Verdon à VinonTout a bien commencé : la promenade le long de la rivière est pendant longtemps praticable ; balade ombragée au bord de l’eau, une rivière assez calme avec quelques aménagements hydrauliques ; plus je m’avance, moins elle ressemble à une promenade touristique ; je dois par deux fois traverser à gué : une première fois sur une maigre branche d’arbre, une seconde fois sur Premier passage à guédeuxième passage à gué sur un chenal du VerdonRochers écroulés un vieux pneu immergé mais rien de vraiment critique. J’entre alors dans une zone peu fréquentée qui donne parfois l’impression qu’un cataclysme est passé par là : des rochers écroulés, des arbres tombés. J’arrive finalement au bout d’un sentier qui frôle dangereusement le vide au dessus de la rivière puis se termine dans un recoin sauvage et ombragé qui ferait sûrement le plaisir des pêcheurs de truites ; demi-tour pour prendre un sentier qui remonte vers la route en évitant judicieusement la propriété privée.

La route est fort fréquentée et c’est une partie qui m’inquiète un peu. Je redescends vers le Verdon par un sentier bien visible qui débouche dans un champ de maïs que je contourne puis, ravie, retrouve le Verdon… jusqu’au panneau ‘propriété privée, domaine des Iscles’ (ils auraient pu le mettre avant, leur panneau d’interdiction !). Demi-tour. Impossible de continuer jusqu’à Gréoux en longeant le Verdon.

Domaine de Lineau (aqueduc derrière les arbres)Ne voulant pas me payer la route sans aménagement piéton, je décide donc de rejoindre le domaine de Lineau – autrefois un château et une ferme – et emprunte une toute nouvelle voie forestière que je devrai terminer à vue (direction Est) à travers bois et broussailles : elle rejoint l’autre piste forestière de Lineau (que vous pouvez emprunter également juste avant le portail du château), et ses traditionnels galets. Depuis la butte, sous la ligne à haute tension, se profile le village de Gréoux. La drailleLa piste croise ensuite la draille des troupeaux d’Arles, le sentier emprunté autrefois par les moutons de la région d’Arles pour rejoindre les Alpes, notamment l’Embrunais et l’Ubaye, une belle draille bien large, bien différente de celle que j’avais empruntée à Eguilles.

Les drailles étaient bornées de pierres plantées par couples, de part et d’autre, tous les quatre ou cinq cent mètres, des tas de pierres délimitant le tracé afin que les troupeaux puissent également les emprunter de nuit. Ces routes étaient des voies publiques donc inaliénables. Elles étaient entretenues à l’aide des redevances versées aux communes par […] les propriétaires [capitalistes] des troupeaux arlésiens.
Au fil des siècles, ces routes pastorales furent difficiles à maintenir contre les empiétements de plus en plus grands des riverains, qui en contestaient notamment la largeur, et l’envie croissante des communes de les récupérer. […] Cela donna lieu à de multiples affrontements, que des réglementations ponctuelles ne parvenaient pas à éviter. […] Les transhumants, lassés d’une lutte sans fin et sans résultat, abandonnèrent dans le courant du XIXe siècle ces routes traditionnelles pour emprunter celles de la vallée. Extrait du site la routo
Jusqu’aux années 50, l’organisation des alpages était fort différente de l’organisation actuelle. Le bayle, chef des bergers, était accompagné de plusieurs bergers.
Le bayle […] « gardait » ses montagnes et en assurait la gestion quelle que soit la provenance des bêtes. […]. Cette pratique du couple bayle-bergers a peu à peu disparu, à la fois pour des raisons économiques mais aussi pour des raisons techniques : l’évolution des systèmes et des techniques d’élevage a conduit à une simplification des modes de conduite des troupeaux et des alpages, […] Association d’anthropologie méditerranéenne

Un peu de conifères le long de la drailleDans un « mémoire de la route de l’abeillier2 qui va dépaitre pendant l’été à la montagne de Larche et celle de Josiers […], en l’année 1752, parti le 14 juin de la même année, composée de 10402 bêtes, on passe par Salon Meyrargues, [ndlr : Vinon], Gréoux, Digne, Seyne, Barcelonnette, ou on arrive le 28 juin. Dépense 974 livres 87 deniers, 8 sols.
Il fallait donc 2 semaines de marche à pied pour rejoindre le nord des Alpes de Haute-Provence depuis Arles.

BorneBorne  limite 50Le long de cette importante draille des troupeaux, il y a plusieurs bornes portant des numéros ; elles délimitent la voie de transhumance mais ne sont pas des bornes de transhumance. le poteau de TelleLe poteau de Telle, au bout du plateau de Valensole, est un carrefour pour les troupeaux transhumants. Une carraire permettait alors de descendre droit sur la Bégude puis Estoublon.
Statut juridique d’une carraire, OFME

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Circuit de la Grande Mountade


C‘est à la lecture de ce résumé : Circuit classique, varié et très agréable. C’est sur la croupe de la colline de la grande Mountade1 […] que l’on revient par une piste qui longe le mur de la Peste d’où la vue est saisissante jusqu’au carrefour des Lauzas que j’ai décidé de faire cette randonnée classée niveau 3 ‘pour bons randonneurs’. Guide du pays des Sorgues, Corinne et Alexis Lucchesi, Equinoxe, 2003.

La météo à cet endroit
avec le vent et à 3 jours

Rocher creusé par l'eau au début du vallon de la Font de l'OuleChemin caillouteux et blocs rocheux caractéristiquesJe suis partie tard de Lagnes ; plus de place au parking de la Combe, en bas du vallon de la Font de l’Oule2 ; je dois donc me rabattre sur un espace plus au sud sur la D100a, qualifiée de route touristique, au niveau du lieu-dit la Valette. Il va falloir passer de 148m à 618m d’altitude de façon continue, par le vallon de la Font de l’Oule qui est un double GR (le 6 et le 97). Cette montée dans les cailloux n’est pas toujours distrayante ; Mur de soutènement au pas du Sautetbordée de gros rochers à la taille spectaculaire et de nombreuses grottes façonnées par l’eau,  elle longe ensuite un imposant mur de soutènement au pas du Sautet.

Enfin c’est le site ombragé de la Font de l’Oule et son chêne séculaire qui étend ses branches comme pour accueillir les randonneurs. Aucune trace d’écoulement n’est visible aujourd’hui : la font de l'OuleL'abri de la Font de l'Ouleles flancs et le fond du vallon sont désormais couverts d’éboulis. Et pourtant il y avait de la vie autrefois puisque des tessons de la fin de l’âge du bronze y ont été retrouvés. L’abri sous roche est aménagé pour recevoir les eaux d’infiltration. Derrière la falaise rocheuse à gauche du chemin, l’invisible et célèbre exsurgence bouillonne avec impétuosité. La partie karstique à l’est de celle-ci constitue un vaste impluvium en profondeur qui l’alimente par une faille menant directement à Fontaine-de-Vaucluse.
Pierrier après la vallon des pierresObservatoire rustique avec échelleJe monte et monte encore, passe devant plusieurs pierriers juste après la combe des pierres (je comprends pourquoi ce nom !). Sur la droite un poste d’observation sommairement constitué d’une échelle de bois et d’une plate-forme de planches. On ne va pas jusqu’à l’antenne du mourre de la belle Etoile mais on redescend dès que l’on croise la piste de la Pourraque3.

Vue depuis lauzas SudPanoramique face au LuberonA partir de là, c’est une piste large et facile qui descend progressivement jusqu’à la Peithe. Elle coupe rapidement le mur de la peste sur le plateau des Lauzas puis le côtoie à plus ou moins longue distance ; un GR de pays (jaune-rouge), lui, longe le mur au plus près. Du plateau, s’étalent largement les monts de Vaucluse puis la plaine de Cabrières et le Luberon.

guéritele mur de la peste assez bas à cet endroitCette ligne sanitaire de 25km entre la France et le Comtat a été décidée en février 1721 pour tenter d’empêcher la grande peste de 1720 de se diffuser dans toute la Provence. Le comtat accepte de construire une muraille de pierre sèche de Monieux à la combe de Cabrières. Il est prévu d’une hauteur de 6 pieds (1.94m) et d’une largeur de 2 pieds (0.64m). Le dispositif est complété par des barrières permettant le contrôle des voies principales. GR de pays longeant le mur écrouléCorps de garde partiellement écrouléChaque communauté doit fournir un certain nombre de travailleurs de moins de 60 ans, volontaires ou tirés au sort, et qui amènent leurs outils. Devant la lenteur des travaux, l’organisation de la construction change : chaque communauté doit construire un bout du mur. Les soldats comtadins la gardent.

Guérite face au murAujourd’hui le mur n’atteint jamais la hauteur prévue, quelquefois réduit à un tas de cailloux. Des guérites, petite cabane de section demi-circulaire servaient d’abri aux sentinelles en faction. Elles étaient couvertes probablement  de poutres et branchages. Les corps de garde servaient d’abri à de petites unités de 5 ou 6 hommes avec matériel et provisions. Les enclos accolés au mur servaient d’entrepôt de vivre et de fourrage pour les chevaux et les mules. Sur les 6km que je vais suivre presque entièrement entre Lauzas et Bourbourin, guérites (tous les 250 à 300m) et corps de garde (tous les 150 à 200m) se succèdent en ordre serré mais ne sont pas toujours en bon état.

Le GR de pays entre buissons épineux et pierres tombéesLe mur de la peste le long du GR de paysLes pierres de forme massive et irrégulière n’ont pas permis une édification fine et bien assise. Mais ce mur a quand même tenu 270 ans ! La garrigue épineuse, les troncs des arbres coupés, les pierres éparses sur le chemin sont autant de pièges un peu fatigants après la longue montée de l’aller ; la Ligne dans le paysage part à l'assaut des collinesune fois que l’on a repéré les différentes constructions, il n’y a pas forcément beaucoup d’intérêt à suivre le mur sur toute sa longueur ; je l’observerai donc pendant un certain temps puis rejoindrai la piste toute proche. A certains endroits, le mur a été parfaitement restauré par des jeunes bénévoles et mérite alors que vous en suiviez la trace. Sa longue ligne sinueuse se détache dans le paysage. Quel travail cela a représenté pour un si maigre résultat puisque la peste a finalement touché presque toute la Provence ! A l’époque on ne connaissait pas le vecteur de la maladie : la piqûre de la puce d’un rat ou d’un rongeur infecté.

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La croix de Pourcieux et Roquefeuil


La Croix de Pourcieux, modeste mais qui se mérite tout de même : que de la montée ! je me gare près de l’aire de pique-nique par la piste fortement dégradée avec de belles ornières qui ont de quoi abîmer les amortisseurs.

Un sentier bien dégradéUne source, plutôt inattendueEn haut de la colline : un petit point, la croixDès que la piste quitte la route principale, le sentier prend des allures de ravin. Pas plus grande qu’un tiret, la croix se détache sur fond de ciel bleu ; le circuit contourne la colline, passe devant une source inattendue puis atteint l’autre face de la colline, côté sud, mais toujours en montant ; non loin du croisement avec la piste des contrebandiers, une citerne sera le point de repère.

La citerne, point de repère du sentier qui mène à la croixLa croix de Pourcieux face à la Sainte-Victoire (712m)Côté colline, un sentier plus étroit part à l’assaut des hauteurs en zigzaguant et en montant dans un sous-bois ; je crois être arrivée mais il tourne encore ; ce n’est qu’à la dernière minute que la croix se dévoile enfin, deux morceaux de bois taillés, soutenus par une barre métallique sans doute pour résister au vent. Attention aux enfants, nous sommes au bord du précipice ! Le point de vue vaut la peine : la chaîne de la Sainte-Victoire tout entière, les Alpes au loin, le village de Pourcieux à vos pieds. Je m’assois quelques instants sur un rocher pour profiter de la tranquillité du lieu.
GC1197E Deux morceaux de bois, VarVincent

Panoramique depuis la croix de Pourcieux

Le sentier à peine visible qui mène au castrumDans la descente, je croise deux VTT ; l’un d’eux a mis pied à terre et souffle fort. Puis ce sont cinq gros chiens qui s’approchent de moi en aboyant. Seul leur maître, derrière, parviendra à les calmer. Un mur du castrumJe retrouve la piste des contrebandiers qui mène à Roquefeuil (Roquefeuille aujourd’hui), ancien fief partagé entre Pourcieux, Trets et Pourrières qui a toujours appartenu à une branche de la maison d’Agoult, seigneurs d’Ollières. Je souhaite revoir le castrum que j’avais découvert grâce à Serge Robert lors d’une partie de geocaching GCY3YM Roquefeuille – Ruins medieval castle
De loin, je repère un mur en ruine.

Mur d'enceinte du castrum de RoquefeuilSalle voûtée du castrum de RoquefeuilMur en ruine et vue depuis le castrumAu carrefour avec le sentier bleu, un timide sentier de terre parfois glissant, mène rapidement au sommet du rocher ; je tombe rapidement sur le mur d’enceinte, sur une pièce voûtée et quelques vestiges de mur du castrum. Inutile de vous dire que cet habitat en hauteur et difficilement accessible, a été rapidement abandonné pour se déplacer en contre-bas. Du haut du rocher, face au village de Roquefeuil, on ne voit rien des ruines du Jas de Roquefeuil, ni celles de la verrerie qui a fonctionné du XIVè au XVIIIè, ni celle de l’église paroissiale Saint-Barthélémy. Il va falloir aller sur place.

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