Je reprends la rando après une longue période d’interruption : en effet, plusieurs semaines m’ont été nécessaires pour déménager en passant de 78m2 à 60, et retrouver un accès téléphone / internet pour reprendre mes activités.
C’est avec plaisir que je retrouve Majo, Domi, Claude, des habitués d’OVS, et notre guide Yves Provence. Le circuit proposé est différent de celui que j’ai présenté dans La source Mirail et la bastide du bois avec de courtes parties communes (au nord, entre la bastide du Bois et Girard et vers la source Mirail) mais sur le reste du parcours, il est plus aventureux (passage dans le ravin de Bramadou) et plus intéressant. Attention ! l’IGN nomme deux endroits différents du même toponyme : ravin de Bramadou ; il s’agit probablement d’une erreur ; en me basant sur la thèse de Vincent Ollivier qui cite le ravin de Bramadou comme une branche du vallon de Mirail, j’ai donc choisi de rebaptiser l’autre : ravin des Hermitans, celui par lequel nous avons commencé la randonnée. Dernière précision : nous nous sommes rendus à Fontjoyeuse en voiture après la balade mais il était possible par une variante à peine plus longue (+700m) d’inclure ce hameau à partir du lieu-dit la Sarrière.
Peypin a eu deux villages successifs : le plus ancien, aujourd’hui ruiné, au lieu-dit le Castelas, l’actuel fondé en 1506 en même temps que les écarts de Fonzillouse, Notre-Done [ndlr : noté Nostredone sur la carte de Cassini, 1776] et les Roux.
Son développement lent, a été contrarié par l’expédition de 1545 contre les Vaudois du Luberon. Elizabeth Sauze.
Nous sommes prévenus : ça va monter de façon continue. Sentier étroit qui sinue ou semble se perdre dans les bois de chênes. Les coups de fusil crépitent ; sur le chemin des Exibières, nous trouvons même un conteneur dans lequel les chasseurs sont supposés déposer leurs cartouches. L’une d’entre nous les recyclera en geocache ! Nous longeons les vignes, culture classique du Luberon ; nous suivons de près le ruisseau puis nous en éloignons tout en restant dans le ravin des Hermitans qui porte des signes de ravinement ; dans la brume, alors que nous avons rejoint une vraie piste à presque 700m d’altitude, aucun sommet ne sera reconnaissable dans la brume.
Les ruines de la Bastide du Bois, mélange de vestiges anciens et tentatives de reconstructions, n’ont pas beaucoup changé depuis ma dernière visite. La piste large et dégagée se maintient autour de 700m d’altitude. Les chasseurs y circulent avec leur 4×4, cherchant un endroit pour déjeuner. Ils s’installeront en bordure de route, après avoir enfermé leurs chiens qui attendent sagement dans leur cage. Près d’une belle et improbable pelouse d’altitude, nous nous arrêterons sous les pins pour le repas ; le rhum arrangé aux figues d’Yves ne parviendra pas à compenser l’humidité et le froid qui nous obligeront à repartir rapidement.
C’est là que l’aventure commence, dans le ravin de Bramadou, d’abord juste quelques ravinements crayeux blancs à gauche, et un sol légèrement caillouteux. Si on s’approche du bord, on se rend compte que seules quelques racines de pins maintiennent encore en place le bord du sentier qui s’écroulera tôt ou tard. Bientôt le sable gris sous nos pas nous entraîne dans la descente : le rythme ralentit par peur de glisser. De chaque côté, un ravin profond marneux aux pentes dénudées, et entre les deux, un maigre sentier qu’il nous faut prudemment emprunter pour continuer notre chemin. Sous nos pas parfois, des plaques de calcaires. Un petit arrêt pour observer la profondeur du ravinement donne des frissons. Majo a raison : ce paysage détritique ressemble à celui que nous avions vu aux Mées (04).
Il est curieux que le toponyme provençal bramadou (beuglant en parlant des bovins) ait été choisi pour ce lieu car ce sont des chèvres ou des moutons qui vivaient aux alentours dans les jas (bergeries) : le jas de Nicolas, ou celui de Thomas.
Nous avons nettement l’impression de marcher maintenant dans le lit d’un ruisseau alimenté désormais par une émergence temporaire, celle du Miraillon ; parfois à sec, parfois un peu humide, mais toujours praticable. Une variante en ondulations, pour les VTT, double le lit du ruisseau sur la gauche.
Peu avant la source du Mirail, nous découvrons un habitat troglodytique copieusement taggué. Puis nous parvenons à la source par le lit du ruisseau élargi. Le Grand Luberon n’est pas une zone méditerranéenne sèche : de nombreuses exsurgences karstiques viennent alimenter les deux sources du massif : celles du Mirail et des Hermitans. L’eau de la source du Mirail est claire et pure. Le programme de mesure du Schéma Directeur d’Aménagement et Gestion des Eaux qualifie l’état de l’eau souterraine des calcaires du Luberon de ‘bon’ en quantité et qualité.
L’alimentation en eau du vallon […] s’effectue en amont par l’intermédiaire d’un bassin versant « classique » auquel se greffe, […], l’exsurgence karstique du Mirail qui garantit un écoulement permanent. Cette source connaît un débit moyen de 61 l/s […]. La température de l’eau […] se situe entre 15.5°C et 16.2°C (SYLVESTRE, 1977a). Thèse de Vincent Ollivier, Continuités, instabilités et ruptures morphogéniques en Provence depuis la dernière glaciation.Travertinisation, détritisme et incisions sur le piémont sud du Grand Luberon (Vaucluse, France). Relations avec les changements climatiques et l’anthropisation, Université d’Aix-Marseille I, 2006
Une geocache de perdue, une autre retrouvée : La source du Mirail, Yves Provence
En aval de la source Mirail, le torrent qui se nomme Riou, réserve quelques surprises ; il glougloute gaiement, recueillant de plus en plus d’eau ; c’est une véritable zone palustre où se sont accumulés les travertins, qu’il nous faut contourner en passant au-dessus ou en-dessous d’un arbre écroulé… selon la taille du marcheur.
A la sortie du vallon du Riou, nous retrouvons les vignes et au loin le village de Peypin d’Aigues. Au lieu-dit la Sarrière, débute la variante parmi les vignes vers le hameau de Fontjoyeuse, ensemble dense d’anciennes fermes du XVIIè.
Le nom de ce hameau de Fontjoyeuse me laisse perplexe : sur la carte de Cassini, en 1775, il s’appelle Fontgignouse ; d’après l’Encyclopédie méthodique. Géographie-physique. Tome 2, Desmarest Nicolas, Doin Guillaume-Tell, Ferry Claude-Joseph, Huot Jean-Jacques-Nicolas, Bory de Saint-Vincent Jean-Baptiste-Geneviève-Marcellin, Paris, 1803, le nom viendrait du ruisseau de Fontignouse [qui]
disparaît au pied d’un petit coteau, et vis à vis, dans la même direction, au delà du coteau, le même ruisseau se montre subitement et fait tourner un moulin ;
sur le cadastre napoléonien de 1838, se lit Fontzillouse ou Font Gilouse et depuis 1865 environ, Fontjoyeuse. Le seul point commun, c’est Font pour fontaine. Erreur de transcription des géographes ou changement de nom offficiel ?
Le hameau de Fonzillouse est un site de plaine datant de la création de Peypin avec une seule ferme en 1505, 16 maisons en 1614, 17 en 1698 ; elles ont beaucoup de points communs : escalier de pierre, passages couverts, voûte au dessus de la rue,… la seule maison à porche datée (1651) possédait un chai, un séchoir, une magnanerie et une porcherie.
En 2012, le groupe autour de Yves a croisé un habitant du hameau, jeune homme de 80 ans issu d’une fratrie de 6 enfants dont la mère était toujours en vie ! Ce dernier estime que leur longévité est due à la fontaine de Fontjoyeuse. Du coup, certains ont bu de l’eau de la fontaine (construite en 1830), d’autres ont rempli une bouteille. Vous ne trouverez nulle part sur internet la mention de cette fontaine de jouvence : c’est un secret connu des seuls anciens du hameau…
Nous repartons vers le domaine de Saint-Jérôme qui a gardé sa grandeur d’autrefois. M. Claude de Rascas, écuyer de la ville de Pertuis, pour agrandir son domaine de la Rascasse [ndlr : aujourd’hui domaine de Saint-Jérôme], acquiert la source Saint-Giraud, près de Fontchaude. En octobre 1662, il alimente sa fontaine par un aqueduc personnel qui part de cette source. Le nouveau propriétaire du XIXè parvient à obtenir la construction d’un chemin allant de Peypin d’Aigues à sa campagne de Saint-Jérôme.
Yves et moi nous approchons de la grille de la propriété ; une tour émerge, ce qui reste du moulin à vent de la Rascasse du 17e siècle, aujourd’hui en ruine et propriété de Jean du Luxembourg. Sa description en fait un monument unique :
ses dépendances, […] exceptionnellement, comme au moulin de La Rascasse, se présentent sous la forme de neuf niches couvertes avec des arcades. En franchissant cette porte [une ouverture de 2 m de haut sur 1,10 m de large], on se trouve dans une pièce de 2,60 m de diamètre et de 3 m de haut environ. Un escalier en pierres, de dix-sept marches de 1 m de large, permet, autour d’un pilier axial entièrement crépi, d’atteindre la machinerie.
Henri Geist, bilan scientifique 1994, DRAC pense que les niches étaient une manière d’individualiser les récoltes des paysans venus donner leur grain à moudre au moulin du seigneur.
Après avoir longé un grand champ du domaine de Saint-Jérôme, nous rejoignons Peypin d’Aigues.
Après le traditionnel thé chaud, nous décidons d’aller visiter la célèbre crèche de Grambois, qui immortalise les anciens du village représentés par l’artiste Pierre Graille. Elle n’était pas encore installée mais j’y suis retournée quelques jours plus tard. L’artiste y figure deux fois : à vous de le chercher parmi la multitude des villageois représentés, en vous aidant du classeur de photos posé à côté de la crèche.
Pierre Graille (1915, 2014) a appris l’art de l’argile quand il était enfant grâce à l’abbé de ND Limite à Marseille en échange de servir la messe. Arrivé à Grambois en tant que retraité des postes – il était facteur receveur -, il est l’auteur de plusieurs sculptures dans l’église, et de la crèche représentant les habitants en costume traditionnel. En 1965, il reçoit la médaille d’or du meilleur ouvrier de France, remise par le général de Gaulle. Selon Antonini Luc, Ils font le pays d’Aigues, Septèmes-les-Vallons, 2015
Le chêne blanc remarquable, Quercus pubescens, malgré un dynamitage ancien, a toujours une circonférence de 6,80 m pour une hauteur de… 7 mètres ! Vous le trouverez en descendant vers la source Fontvérane et le lavoir en contre-bas. JD a réussi à le mettre en boite grâce à l’option panoramique de son téléphone !
Un parcours intéressant pour les familles un peu sportives ; pour la crèche, n’y allez pas trop tôt avant Noël.
Image de l’itinéraire 15km (trait rouge fin), 4h00 déplacement seul (6h10 au total), 452m dénivelée (+446, -446) avec hameau Fontjoyeuse. Le ravin des Hermitans que j’ai ajouté correspond au ravin de Bramadou de la carte IGN au dessus de la ferme des Hermitans.
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