La chapelle Saint-Philippe et le vieux Mirabeau


Nous partons de Mirabeau1, petit village des Alpes de Haute Provence qui autrefois comptait 14 hameaux dont le Château, où se trouve le château de Mirabeau. Ne pas  confondre avec le Mirabeau du Vaucluse qui a donné son nom au turbulent député des états-généraux, Gabriel Riquetti dont le père, marquis de Mirabeau, avait conquis de nouvelles terres en bordure de la Durance. Notre objectif est de visiter la chapelle Saint-Philippe et tenter de retrouver les vestiges du premier village médiéval aux Usclats.

IMG_5392.JPGbalisage jaune chapelle St-PhilippeLa montée est bien balisée (PR jaune), progressive jusqu’à la chapelle complètement cachée sous les arbres ; nous passons devant la croix de Saint-Philippe, plantée dans un endroit dégagé ; c’est là qu’autrefois les gens des hameaux attendaient le convoi mortuaire avant d’entrer dans l’église. C’est là aussi que le prêtre de la paroisse, les habitants, les marcheurs, accompagnés de la statue du saint portée par deux personnes, font une halte chaque année, au moment du pèlerinage du 1er mai, pour la bénédiction des terres, des maisons et des travailleurs.

image36.jpgimage37.jpgNous poursuivons ; tant que nous ne sommes pas à quelques mètres de la chapelle Saint-Philippe, nous ne la voyons pas, à peine devine-t-on son grand clocher arcades à trois baies. Mais quelle classe ! Construite au Xlè siècle, sur la montagne Saint Philippe, cette chapelle conserve de la construction primitive certains éléments : arc triomphal en pierres de taille, arceaux brisés et abside en cul-de-four. Elle a été fort bien remaniée au XVIIè et restaurée au XIXè. La commune y est sans doute fort attachée depuis longtemps car vers 1839, elle

IMG_5398.JPGsupplie humblement la justice de M le Préfet aux fins qu’il lui plaise de présenter à Sa Majesté la pauvre situation de la dite Chapelle avec prière d’implorer les secours de sa bonne charité […] afin de pouvoir continuer annuellement le premier jour de Mai d’adresser nos vœux à notre bienheureux Saint Philippe […] et afin de le prier de placer Louis-Philippe, notre Roi, sous sa protection.

IMG_5396.JPGLe 27 Octobre 1839 une aide de 150F était accordée par l’État. Et si le roi ne s’était pas prénommé Philippe, cela aurait-il changé quelque chose ? Extrait du site de la commune de Mirabeau : la chapelle Saint-Philippe

IMG_5401.JPGIMG_5402.JPGLa découverte du premier vieux village abandonné, surnommé Ville Vielle déjà en 1778, date où la carte de Cassini a été établie, est un peu plus galère. Je l’ai repéré approximativement avec mon GPS. Après un essai infructueux, nous prenons un sentier à peine visible ; quelques soubassements sont complètement envahis par les chênes ; au delà il faut plutôt escalader les ruines ; on se retrouve dans un endroit sombre, sauvage, coincé entre deux rochers élevés. Sur le rocher de droite, les ruines d’un mur élancé, celui d’un château peut-être ? impossible de continuer. IMG_5406.JPGNous nous frayons un chemin risqué par la gauche dans d’autres ruines et atteignons le sommet de la colline encore repéré par une balise de granit IGN. Du sommet, nous découvrons la vue sur le village et un sentier pour le retour vers la chapelle Saint-Philippe.

IMG_5409.JPGTi’Mars… propose de faire une grande boucle improvisée plutôt qu’un aller-retour tel que préconisé dans Digne les Bains et ses environs à pied, FFRP, office du tourisme, ADRI, FFRP, 2003 pp. 36-37 pour redescendre au village : il voit son tracé sur la carte de son GPS. Nous descendons dans le vallon, passons devant l’ancien second village de la Colle à quelques 400 mètres de la chapelle Saint-Philippe ; quelques maisons abandonnées sont encore debout. Au XVlllè siècle, il comportait encore 19 maisons et 122 habitants.

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En bordure du parc des Ecrins : le lac de la Douche à partir du Casset


Hautes-Alpes : temps idéal pour randonner en été mais que de monde sur ce petit itinéraire menant au lac de la Douche en bordure du parc national des Ecrins ! c’est manifestement le parcours classique et touristique permettant de découvrir un petit lac laiteux après avoir longé l’impétueux Petit Tabuc. Vous pouvez partir du village du Casset – avant ou après un déjeuner chez Finette (pas de site, coordonnées seulement), avant ou après la cache GC112W4 Guisane – le Casset de biboux – ou du pont du Clot du gué (1567 m) ; le Casset est un des hameaux de la commune du Monêtier les Bains.

Sauvetage (illustré) d’un chamois au lac de la Douche en février 2009

IMG_5476.JPGIMG_0017.jpgNous traversons le pont sur le torrent du Petit Tabuc qui se jette dans la Guisane qui elle-même se jette dans la Durance ; il nous faut partager le GR 54 (tour de l’Oisans et des Ecrins) avec quelques cavaliers. La montée se fait en douceur en forêt de mélèzes mais sur un terrain un peu accidenté par pierres et racines.  Plus loin, au niveau du Grand Pré (1683m) et de l’aire de pique-nique, nous traversons la passerelle sur le torrent du glacier du Casset qui vient alimenter sur notre gauche,  le Petit Tabuc.

Le commerce direct de la glace naturelle du glacier : au XIXè siècle, avant l’avènement du réfrigérateur, de mai à septembre, des blocs de glace de ce glacier étaient dégagés par explosion, transportés par mulet (plus tard par téléphérique) jusqu’au pont du Clot du Gué,  où ils étaient découpés en blocs réguliers de 50cm de côté [j’évalue un bloc à 114kg environ, ce qui semble compatible avec ce que pouvait porter un mulet], puis charroyés jusqu’au pont du Casset ; protégés par de la sciure et des branchages, ils étaient alors transportés sur d’importants attelages jusqu’à la gare de Briançon d’où ils rejoignaient en train Marseille et la Provence. Voir le site des Amis du Casset. Au début du XXè siècle, à la Roche des Arnauds, la glace sera fabriquée artificiellement, stockée en hiver et conservée dans des glacières comme dans le sud de la Provence. Voir l’article *** Circuit de la glace dans le Var dans ce blog

La glace naturelle […] persiste assez longtemps sur les marchés face à la glace artificielle produit de l’usine malgré la nette différence de prix (la première se vend 6 à 11 centimes le kg en 1900 à Paris contre 1 centime pour la deuxième ». Extrait de L’artisanat de la glace en Méditerranée occidentale, Ada Acovitsioti-Hameau, supplément au cahier de l’ASER, 2001

glacie du Casset (photo empruntée au site alpes-photos.com)Selon une étude de Gilles Garrite et Philippe Lahousse, le glacier du Casset réagit très vite aux fluctuations climatiques depuis 150 ans. Vers 1925, le front2 du glacier se situe  à 1970m ; à partir de cette date, c’est une longue période de recul. En 1952, l’IGN mesure le front à 2430m, en 1970 à 2450m : c’est un abrupt de glace très instable d’où se détache des pans entiers. Vers 1940-1950, les températures hivernales augmentent et les précipitations diminuent fortement : c’est à ce moment que le glacier se partage en deux branches. « En annonçant un réchauffement drastique du climat au cours des cent prochaines années, les scientifiques laissent planer une véritable menace sur les glaces terrestres ».

Chronique d’une catastrophe annoncée (1985)

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Le circuit du gypse et le rocher de Sainte-Madeleine


Après la balade du matin que nous avons voulu facile, nous décidons sur les conseils d’estoublon, de faire le circuit du gypse préparé par la réserve géologique à Thoard. Il fait chaud ; l’enthousiasme n’est pas débordant mais nous sommes motivés par la découverte du refuge d’art de la chapelle Sainte-Madeleine en bordure de falaise, en haut du rocher, et la carrière de gypse. D’un point du vue géologique, nous trouvons des paysages contrastés, la vallée des Duyes se trouvant autrefois en bordure de la mer qui recouvrait la Haute-Provence et également au pied des montagnes ; le sable accumulé forme le grès que l’on voit aujourd’hui. La limite de chevauchement est soulignée par les affleurements de gypse qui ont servi de ‘savon tectonique’ à la nappe de charriage de Digne. Géologie de la vallée des Duyes

La météo à cet endroit aujourd’hui et à 3 jours
avec le vent

IMG_5442.JPGimage44.jpgLe départ par le GR de pays « grande traversée des préalpes » ou GTPA, se trouve à la Bannette à Thoard, ou sur le parking aménagé un peu plus loin. Il grimpe, grimpe sur les cailloux puis tourne à gauche, longeant des champs pentus dont des champs de lavande plus ou moins abandonnés ; le monument du souvenir des résistants nous rappelle qu’ici deux jeunes ont été assassinés par les allemands lors de la seconde guerre mondiale. L’ADRI a même publié un livre permettant de découvrir tous les chemins de la résistance. Les chemins de la liberté – sur les pas des résistants de Haute-Provence, ADRI – AMRID, ADRI-AMRID, 2004

image48.jpgNous délaissons alors le GR pour grimper sur le rocher de Sainte-Madeleine curiosité géologique dont la nature n’a rien à voir avec les terrains qui l’entourent : il s’agit soit d’un élément arraché à un relief voisin et entraîné ici lors de la mise en place de la nappe de Digne, soit il correspond à un repli de la nappe de Digne (A travers la réserve géologique de Haute-Provence, ADRI/Réserve géologique, ADRI, 2000) ; autrefois les paysans de la vallée de Thoard se servaient de l’ombre projetée par le rocher pour connaitre l’heure. A midi le rocher est totalement éclairé.

Nous passons près de l’antenne et rejoignons la chapelle Sainte-Madeleine devenue refuge d’art, collection hors les murs du musée Gassendi de Digne, datant de 2002. De loin, sa situation ressemble fort à celle de la chapelle Saint-Michel de Cousson : très proche de la falaise. Quand nous nous trouvons face à l’entrée, sans porte, nous reconnaissons tout de suite l’œuvre d’Andy Goldsworthy qui marque de son empreinte toute la Haute-Provence ; un oeuf de pierres plates et bien alignées, à taille humaine, invite à nous y lover ; c’est ce que souhaite l’artiste, ce que nous ferons, comme tant d’autres avant nous. IMG_5450.JPGDeux rais de lumière pénètrent dans la chapelle par de IMG_5461.JPGdiscrètes ouvertures dans la toiture. Alors que nous profitons du silence assis sur le banc, soudain des bruits de moteurs rageurs nous ramènent à la réalité : quatre quads déboulent près de la chapelle. Les visiteurs y jettent un oeil rapide ; au cours d’une brève discussion, nous retenons une bonne adresse : celle du restaurant la Bannette où il vaut mieux réserver. Ils repartent en trombe, abimant le sentier en déterrant même les grosses pierres.

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