** La chapelle Saint-Pons depuis Valbelle


Je me suis laissée embarquer jusqu’à Valbelle (04) dans la vallée du Jabron, non loin de Sisteron ; ce n’est que le matin avant de partir que j’ai regardé quelques photos sur internet et commencé à avoir peur. La randonnée, même si l’on ne va pas au-delà de la chapelle par la vire étroite qui contourne la falaise, me semblait difficile. Trop tard pour reculer…

L’album partagé, l’album de Yves Provence (2012)

Nous partons du hameau des Richaud, où un parking est prévu. C’est André qui nous guide. Petit coup d’œil à la fontaine de 1819, portant au-dessus la date de 1928 (restauration ?) et à gauche une bibliothèque de rue. L’eau de la fontaine était-elle alimentée par la rivière Biaysse qui donnait des pouvoirs de sorcier aux villageois ?…

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Selon l’abbé J-.J.-M. Féraud, Histoire, géographie et statistiques du département des Basses-Alpes, Digne, 1861), les gens de la Tour (la Tour, nom du village avant 1650), hameau au nord des Richaud, sont surnommés sourcié.

A Valbelle, tout le monde était plus ou moins sorcier […] il suffisait, pour le devenir, de boire l’eau de Biaysse, belle source qui coule dans le pays. […] cette fontaine doit sa réputation aux sorciers beaucoup plus que ceux-ci ne lui doivent leur pouvoir. Annales des Basses-Alpes : bulletin de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes : essai de folklore bas-alpin : quelques légendes (suite et fin), Société scientifique et littéraire des Alpes-de-Haute-Provence, T. XIII, 1907-1908

Selon Victor Lieutaud, Les faux témoins de Manosque et les sobriquets topographiques bas-alpins : 9 novembre 1616 [thèse universitaire 1905], ceux de Valbelle sont des cuou rasa : ne me demandez pas pourquoi !

La lucarne d’envol du pigeonnier est intégrée dans le mur de l’habitation, et entourée de carreaux vernissés colorés pour empêcher les rongeurs d’y pénétrer. La tour de l’Horloge ressemble plus à une maison qu’à un bâtiment public. Bientôt le chemin de Marguerite passe dans les champs et la montagne de Lure apparait entre deux montagnes : celle de gauche abrite la chapelle que l’on ne voit pas encore. Nous n’avons pas vu l’oratoire Sainte-Marguerite : dommage car il aurait pu servir de point de repère : 80m après, il faut continuer tout droit et trouver la source captée.
Après le lit d’un ruisseau à sec, nous trouvons les murs d’une cabane à côté d’un champ ; nous obliquons légèrement à droite jusqu’à un cairn de 3 pierres mais le sentier prévu n’existe plus ; après plusieurs minutes de recherche dans le sous-bois sous lequel nous captons mal, nous renonçons pour suivre l’autre. Il mène à un puits et un long abreuvoir puis rejoins, raide, le sentier par lequel nous aurions pu arriver plus rapidement. Croisement avec le GR6.

Aussitôt nous suivons le PR Chapelle Saint-Pons (balisage jaune) ; PR=PRomenade ou Petite Randonnée ; ne vous y fiez pas, c’est un peu plus que cela. Sentier de plus en plus raide, de plus en plus étroit, côtoyant le vide et parfois glissant. A l’altitude 747, il est possible d’apercevoir la chapelle, presque 200m au dessus de la tête ; elle est collée à la paroi rocheuse et semble nous narguer, tant elle paraît proche et pourtant, pendant un long moment encore, inaccessible. Ce n’est qu’à la dernière minute qu’on découvre un étroit escalier de pierre puis le passage par un pont suspendu sur une faille.

… l’abside en cul-de-four et le chevet  […] sont en petit appareil assez régulier ; ce caractère joint aux impostes de l’abside, à méplat soutenu par un chanfrein en forme de cartouche curviligne, incitent à placer à la fin du XIe siècle cette partie de l’édifice. Raymond Collier, La Haute-Provence monumentale et artistique, Digne, 1986

Ce petit sanctuaire rupestre nous reporte à l’aube du christianisme. La chapelle est bâtie partiellement sous un surplomb rocheux qui la protège. L’abside a conservé une couverture de lauzes.

Nous posons les sacs à dos à l’intérieur, près des quelques marches et du bénitier quadrangulaire. Si ce bénitier est bien  un cippe1 renversé (selon la Carte archéologique de la Gaule), la chapelle aurait été bâtie sur un site paléochrétien du Ve siècle.
Au fond de l’abside, sous une ouverture, un autel est constitué par un parallélépipède maçonné. Le petit autel moderne placé devant, ne cadre par avec les lieux. Sur le cahier qui s’y trouve, je laisserai la trace de notre passage.
Au sud de la nef se trouvent une porte et deux fenêtres à claire-voie au travers desquelles on voit les strates de la roche et le travail de la tectonique.

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Du vieux village d’Ongles à la chapelle Notre Dame


Majo avait si peur d’arriver en retard, que nous sommes parties tôt et arrivées les premières sur le mini parking près du pont sur la D951. Le froid est mordant. Pendant que le groupe s’équipe, nous cherchons la première cache.

Début sentier de St BARTHELEMY-VIERE d’ONGLES, tatibanon

En route pour le village de Vière1, emplacement initial d’Ongles2 que j’ai visité pour la première fois en 2006 avec l’association Alpes de Lumière ; à l’époque la mise en valeur n’était qu’à l’état de projet : Village médiévial abandonné de Vière ; les travaux seront faits 10 ans plus tard…

Mon album photos, les photos de Yves Provence

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Chemin classique dans un sous-bois de chênes et qui, lentement, mène au vieux village de Vière. Nous longeons un rempart de pierre sèche complètement écroulé vers la fin ce qui rend le chemin propice aux torsions de la cheville.
Nous passons à côté de ce qui ressemble à une haute tour mais qui serait plutôt une maison à deux étages si je me réfère au plan du cadastre népoléonien ; juste en face, un abri de pierre sèche est intégré dans le mur.

Enfin nous arrivons sur le site de l’église saint-Barthélémy dont les dimensions m’ont toujours surprise. Elle fut église paroissiale : l’arc de décharge brisé à double rouleau, le départ de voûte en bon appareil, permettent de penser qu’il y avait un transept et trois chapelles latérales. La chambre des cloches est rajoutée au sommet de la tour au XIIIe ; au XIVe ou XVe s’ajoute la chapelle latérale sud-est ; au XVIIe celle du sud-ouest.  En 1844, nous dit Raymond Collier, ancien archiviste à Digne,  elle était encore debout  ; rien n’a été démoli, rien n’a été reconstruit, juste consolidé par quelques tirants métalliques noyés dans la maçonnerie et que l’on ne voit pas.

Un ensemble complet de photos par Jean-Pierre sur facebook

Nous arrivons par l’esplanade qui n’est autre que l’ancien cimetière dont le mur a été reconstruit : quelques tombes subsistent encore (Olympe Laugier épouse Turin, par exemple). Le bassin monolithe qui nous étonne, ce sont les fonds baptismaux qui se trouvaient dans la chapelle du XVIIe. Pas de trace du vieux château qui se trouvait au sommet à côté de l’église ; pendant que les photographes immortalisent l’instant, que Daniel escalade le reste d’une voûte effondrée, les geocacheurs cherchent.

Eglise St Barthelemy-VIERE, tatibanon

Le site de Vière connait son apogée au XIIIe siècle grâce à l’extension de la ville, au développement économique et au renforcement des ouvrages défensifs. […] Le démantèlement du village est un choc majeur dans l’histoire du vieil Ongles.
Au XVIIe et au XVIIIe siècle, le village s’est recomposé […]. Cependant, le XIXe siècle est marqué par l’abandon définitif de l’habitat. Selon la Fondation du Patrimoine

De là haut, le nouveau village apparaît en entier dans la plaine. Sa traversée réserve plein de surprises : un lavoir de 1898 dont l’emplacement a été offert à la commune par la famille Rouchon ; des décors de jardins pittoresques ; des personnages peints sur des volets bleus. L’église actuelle occupe la place du vestibule et de l’escalier du château construit par Jacques de Lignon. Le sonneur de cloches a été foudroyé en juin 1892 parce qu’il avait voulu sonner les cloches un jour d’orage : peut-être croyait-il pouvoir écarter la foudre comme on le pensait au XVIIe ? L’Écho rochelais 6 juillet 1892. Non repéré par le groupe, dans le château, un musée inattendu :

La Maison d’Histoire et de Mémoire d’Ongles (MHeMO) évoque l’histoire des harkis, ces militaires autochtones d’Algérie qui servaient comme supplétifs aux côtés des français de 1957 à 1962 ; elles  [ces unités] seront chargées de compléter la sécurité territoriale et de participer aux opérations locales au niveau des secteurs ; ces unités porteront la dénomination de Harkas. Site harkis Dordogne
Originaires de Palestro (aujourd’hui Lakhdaria), en Kabylie, ces déracinés avaient été amenés là par leur officier, le lieutenant Yvan Durand, responsable d’une section administrative spécialisée (SAS) en Algérie. Refusant de les abandonner, le militaire avait démissionné et organisé leur évacuation vers la France. La Croix, 25/12/2016
MOUMEN Abderahmen, Ils arrivent demain : Ongles, village d’accueil des familles d’anciens harkis (1962-1971), Ongles, Archives Départementales des Alpes de Haute-Provence, 2008. Document des archives à télécharger

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Mane, au pays de la pierre et des chapelles rurales


Je retrouve Yves après plusieurs semaines d’interruption ; il nous emmène dans les Alpes-de-Haute-Provence, un département que j’apprécie particulièrement. Départ du parking près du moulin – direction qu’il faut suivre – en surplomb du pont de Mane, sur le GR653D – la voie d’Arles des pèlerins de Compostelle – où nous arrivons les dernières, Majo, Domi et moi, contrairement à nos habitudes.

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Les photos de Yves Provence, les photos de Daniel, mes photos, les photos de Domi

Sur le chemin de Chateauneuf, Daniel qui a l’œil aiguisé, au milieu des bois touffus, me désignent deux cabanes de pierre sèche dont on ne voit que le sommet du toit pointu. Au carrefour avec le chemin des Craux1, un chêne large étend ses branches fièrement vers le ciel : un arbre pour sylvothérapie ! Bientôt ce sont les montagnes enneigées vers l’est qui nous offrent leur spectacle : Cheval Blanc, Cucuyon et Couard sur un plan plus proche. Le sentier passe à travers champs, parfois protégé par de petits bosquets d’arbres. Dans une fenêtre triangulaire formée par quelques branches d’arbres, une coupole de l’observatoire de Saint-Michel surgit. Le chemin des Treilles coupe le ravin de l’Eté sur un pont complètement envahi de lierre. Arrivés au panneau Petit Sauvan, les traces de pas des chevaux sont nombreux : le centre équestre n’est pas loin. S’il y a un petit Sauvan, c’est qu’il y a un grand, le château de Sauvan, le petit Trianon de Provence, juste de l’autre côté de la route.

Nous sommes devant la carrière de Porchères qui, je le reconnais, est assez impressionnante par sa hauteur et… les nombreux tags colorés, parfois bien réussis. Son exploitation est arrêtée depuis plus de 30 ans.

En regardant bien on détecte deux périodes d’extraction :

  • une époque lointaine où on extrayait la pierre à la main : le front de taille ancien porte des traces de la lame de l’escoudo2 utilisée ici ;
  • une époque moderne (1966 remise en exploitation par les carrières réunies, Lacoste, Vaucluse) où cela se faisait avec une haveuse3  sans forcément respecter le pendage des couches : certains blocs se sont donc fendus en oblique faisant perdre une bonne moitié de leur volume. La tentative d’exploitation souterraine a échoué.

Une cathédrale d’images sauvages, réinvestie par les jeunes qui y déversent des décibels selon l’expression de Gabriel Conte, Le pays de Forcalquier, son lac, sa mer cinq itinéraires géologiques, C’est-à-dire Editions, 2010

Ces carrières de molasse du miocène appelée pierre de Mane, à grains grossiers, jaune pâle devenant gris foncé à l’air libre sont formées de débris d’organismes comme des coquillages. Monuments construits en pierre de Mane : le Prieuré de Salagon notamment lors de la reprise de l’exploitation en 1966, la cathédrale de Forcalquier et la chapelle de la Visitation, le chemin de fer Apt-Volx aujourd’hui désaffecté, les enrochements pour le barrage de la Laye ; je pourrais ajouter l’autel sculpté dédié à Mars retrouvé à 600 m à l’est du château de Sauvan (Carte archéologique de la Gaule : 04. Alpes-de-Haute-Provence, Géraldine Bérard, Guy Barruol, 1997) ce qui prouverait que les carrières étaient exploitées dans l’antiquité. D’un point de vue quantitatif le potentiel demeure. Selon Schéma départemental des carrières, BRGM, BRGM, 2000
Laurent Vallon, maître maçon de Mane, bien connu des Aixois, a été l’architecte  des plus beaux hôtels du XVIIIe en pierre du Midi.

Nous revenons sur le chemin du jas de Porchères ; le linteau d’une cabane de pierre sèche, cabane pas trop typique de celles de Mane, semble bien fragile. Entre deux fils électriques, la chapelle et au-dessus une ligne de montagnes enneigées dont la crête de Geruen (à droite sur la photo) que je reconnais à ses festons blancs. L’environnement ressemble à celui des Mourres avec des bancs de marnes grises.

Nous traversons la prairie hors sentier pour atteindre la chapelle Saint-Jean de Fuzils dont le nom viendrait des pierres à feu (fusils) que l’on trouvait ici.

Pour en savoir (beaucoup) plus La chapelle Saint-Jean de Fuzils

Devant l’esplanade ensoleillée, le mur de pierre nous accueille le temps du pique-nique. Beaucoup proposent un dessert partagé et Yves distribue le traditionnel rhum arrangé.
Bientôt une dame sort de sa maison juste à côté et nous propose de visiter la chapelle dont la toute première construction pourrait dater du VIIIe siècle. La gardienne des lieux est fière d’évoquer sa restauration par une association, et fière du passage de nombreux pèlerins ; elle racontera sa rencontre mémorable avec Paco dans un long récit qui sent la sincérité.

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