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Du charnier de Signes à la grotte du Vieux Mounoï, deux lieux chargés d’histoire


IMG_0133.jpgC‘est d’abord par l’Association de Sauvegarde, d’Etude et de Recherche pour le patrimoine culturel et naturel (ASER Centre Var) et son président Philippe Hameau – spécialiste de la préhistoire – que j’ai entendu parler de la grotte du Vieux-Mounoï  fouillée de 1989 à 1993 sur l’adret de la Sainte-Baume. Après l’avoir retrouvée dans le guide des sites préhistoriques Provence-Alpes-Côte d’Azur, F. Boyer, Mémoires millénaires, 2006, j’ai encore eu plus de détermination à la découvrir. Lors de notre première visite, nous avions questionné quelques habitants de Signes pour savoir s’ils savaient comment la trouver. Tous la connaissaient mais personne n’arrivait à nous expliquer où elle se trouvait. Aucune indication sur place et de nombreux chemins où le risque de se perdre n’est pas nul. Il aura fallu deux essais pour la trouver. Elle est retombée dans l’oubli après des années de surfréquentation qui avaient interrompu les fouilles.

Site sur la commune de Signes, histoire, cartes postales anciennes, actualités,…

IMG_0468.JPGMais d’abord un peu de marche ! Le départ sur la départementale D2 n’est pas difficile à trouver : il se fait au niveau du circuit du Castellet, près du monument qui annonce la nécropole nationale de Signes ou charnier de Signes (c’est cette horrible dénomination qui m’a poussée à rechercher les faits), assez bien signalé. La piste forestière fait de larges virages avant d’arriver sur une aire fermée dans laquelle une quarantaine de tombes de marbre portent les noms et surnoms de jeunes soldats abattus par les allemands en 1944. IMG_0474.JPGUn gamin passe sous l’autel en marchant sur le coffret renfermant les ossements des fusillés (coffret déposé là à la demande de Gaston Defferre, alors maire de Marseille) tandis qu’une adolescente fait part de son étonnement à son père qui lui explique l’évènement : « ah bon ? y’a eu la guerre dans notre pays ? ». Pour moi qui étais enseignante il n’y a pas si longtemps, je pense que l’éducation nationale n’a peut-être pas suffisamment joué son rôle…

IMG_0470.JPGIls veulent sauver de l’oubli le charnier de Signes dans le Var, la Provence, 26 août 2008 (extrait ci-dessous). De tous les patronymes cités à la suite de cet article, je connais celui de Louis Martin Bret qui a donné son nom à un collège de Manosque.

  • 1944. IMG_0469.JPGLes actions des Résistants qui attendent depuis des mois le débarquement des forces alliées se multiplient. Un officier français aurait trahi les 38 martyrs du Charnier de Signes, tous issus du Mouvement uni de la résistance, pour quelques milliers d’anciens francs. Incarcérés aux Baumettes, ils furent interrogés et torturés.
  • Le 18 juillet 1944, un jeune garçon, Joseph Call, dont les parents travaillent dans la forêt, aperçoit un car déposer 29 prisonniers encadrés par les Allemands. IMG_0471.JPGUn bûcheron de Cuges, Maurice Percivalle, passant aussi par là, entend au loin La Marseillaise. Il voit les hommes creuser leurs propres tombes. Le 12 août, neuf autres résistants furent fusillés sur le même site. Mais pourquoi ont-ils été emmenés dans ce vallon ?
  • Raymond Aubrac, alors commissaire de la République de la région – premier signataire de la pétition pour la réhabilitation de la Nécropole de Signes – a fait exhumer les corps. « Certains portaient des marques de strangulation, signes de tortures antérieures  ; des corps ont été recouverts de chaux vive. D’autres ont été enterrés vivants« . Les familles ont dû reconnaître les corps mutilés au Pharo où ils furent transportés avant d’être inhumés à Saint-Pierre au cours d’un hommage républicain ; cinq d’entre eux n’ont jamais été identifiés.

IMG_0423.JPGIMG_1373.JPGPlus nous poursuivons le vallon des Martyrs, plus les chemins se multiplient  sans indication hormis ce panneau tombé à terre et qui confirme que nous sommes sur le lieu-dit du Vieux Mounoï.

IMG_0422.JPGIMG_0109.jpgLe Vieux-Mounoï est le lieu-dit d’une ancienne bergerie et son puits, peut-être Mounoï est-il le nom provençal d’une famille ‘Mounier’. Si vous les trouvez vous saurez que vous êtes sur la bonne voie. Le second indice significatif est l’abri de chasseur à la verticale de la ruine. Quand j’ai enfin découvert la grotte bien cachée derrière la végétation, je peux vous assurer que ce fut une réelle émotion, comme un secret  que des initiés auraient accepté de partager avec moi. Il s’agit d’un aven dont une partie de la voûte s’est effondrée.

Elle a servi de bergerie depuis le néolithique (6000 ans avant J.C.) et de décor au film Manon des Sources en 1986, là où Manon découvre la source qui alimente le village des Bastides Blanches.

IMG_0115.jpgNous observons tous les recoins de cette très vaste grotte. Deux petites lucarnes de lumière s’infiltrent au dessus de nos têtes. Elle a trois niveaux. Côté droit, des arbres tordus de chaque côté de l’éboulis, se sont accrochés à la paroi rocheuse.

salle_du_lac2_photo_actarus83.jpg salle_du_lac_photo_actarus83.jpg

Côté gauche, nous pouvons accéder par un étroit goulet glissant non sans risque, à une salle souterraine. L’intrépide Actarus83, qui a sans doute des notions de spéléogie, l’a visitée pour nous ; la méduse au plafond n’est-elle pas remarquable ? Jean-Jacques Oller a eu la gentillesse de mettre à ma disposition quelques photos de cette grotte souterraine, ou sous forme d’animation :

Au milieu une grande salle avec des aménagements de pierres : c’est là que la scène de Pagnol a été tournée. Voir le reportage fait par Tazbahn pour retrouver les lieux du film sur le site panoramas de cinéma.

IMG_0434.JPGIMG_0440.JPGIMG_0441.JPGIMG_0460.JPG

Les plus anciens vestiges du paléolithique supérieur, sont les restes de trois équidés dont un, âgé de 20 à 26 mois, était pratiquement complet ; il devait ressembler à ceux dessinés dans la grotte Cosquer et sont probablement tombés par la lucarne du plafond. Des accumulations de fumiers et de litières périodiquement brûlés  prouvent qu’il s’agissait bien d’une bergerie. Le chêne pubescent pourrait avoir servi de complément alimentaire. IMG_0449.JPGQuelques restes humains, du matériel céramique, lithique ont été mis au jour : les meules de grès et les récipients de stockage prouvent que l’occupation de la grotte était prolongée. L’argile était extraite de la salle la plus basse, le dégraissant prélevé sur les concrétions nombreuses du fait du ruissellement ininterrompu. La céramique était montée avec des colombins de pâte. L’endroit où on effectuait la cuisson n’a pas été retrouvé.

 

IMG_0113.jpgA l’époque gallo romaine les assises d’un muret bâti à sec sont interrompues par un seuil de terre servant de passage ; au XVIIIème siècle, un gros bloc tombé de la voûte sert d’ancrage à un autre mur de pierres sèches. Avant d’entrer dans la zone de parquage, les bêtes passaient une à une entre deux amoncellements de blocs formant un endroit resserré destiné au comptage des moutons et chèvres (lou coumtadou = le compteur, voir les fiches de vocabulaire de l’association prouvençau lengo vivo). Vous trouverez dans le document Eleveurs de moutons et bergers entre Crau et Queyras de l’INRA, une note en bas de page 84 expliquant comment se déroulait le comptage. Pour que les bêtes ne descendent pas dans la partie basse, les bergers en avaient barré l’accès avec des rochers. Des alignements de tuiles canal drainaient l’eau depuis les concrétions jusqu’à des récipients à fonction d’abreuvoirs. La lucarne secondaire était surmontée par une toiture en tuiles pour protéger la grotte des eaux de pluie.

IMG_0131.jpgAu moyen-âge la grotte a été le lieu d’autres pratiques artisanales comme le travail du bois des cervidés pour les manches d’outils. S’il y avait des cerfs c’est que les bois étaient plus denses et les arbres plus hauts qu’aujourd’hui. La rampe d’accès, à droite de l’entrée, servait de structure de combustion : au centre une fosse était remplie de charbon de bois mais tout cela a été bouleversé par les aménagements ultérieurs.

IMG_0128.jpgIl pourrait s’agir de la grotte familièrement dénommée Pétoule1 ; sur le cadastre napoléonien (Archives départementales du Var en ligne, section I 2ème feuille dite de Croquefigue), elle se nomme Baume de Cuque (?), du même nom que le vallon à l’ouest rebaptisé aujourd’hui Vallon des Martyrs, et qu’un lieu-dit Cuque tout proche. Elle est probablement un élément complémentaire d’autres bergeries comme celle du Trébuquet ou celle du Vieux-Mounoï par laquelle vous êtes arrivé. En 1836, lors du recensement de Signes, 15 personnes se déclaraient berger de profession, avec parfois une activité complémentaire. La bergerie Mounoï était plus proche de la route actuelle ; le Vieux-Mounoï est donc une seconde bergerie. Hommes et moutons ont vécu ensemble dans cette grotte pratiquement sans interruption jusqu’à nos jours.

Contigu à la grotte, l’aven n’est ni protégé ni vraiment visible : ne laissez pas vos enfants errer sans surveillance même si leur envie de découverte est forte.

Topoguide pour VTT avec circuit faisant passer au charnier et aux ruines du Vieux-Mounoï

Vieux-Mounoi, image des deux itineraires

Itinéraire 1 par le vallon de martyrs, 5.400km, 1h30 dépl, dénivelée 96m
Itinéraire 2 par le vallon des marseillais (parking différent du premier) : 1km900, 30mn dépl., dénivelée 70m

 

 

A.Cazenave et Ph.Hameau, La grotte Mounoï (Signes, Var), Bulletin Archéologique de Provence n°18, pp. 7-16, 1989
les Bergers du Var, Revue Archéologia, numéro 404, Edition Faton, octobre 2003
Témoignages d’actvité potière à la grotte du Vieux-Mounoï, Philippe Hameau, Revue du Centre Archéologique du Var, Edition du centre archéologique du Var, année 2005

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1Pétoule : en provençal, crottes de chèvres, mouton.

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9 réflexions au sujet de « Du charnier de Signes à la grotte du Vieux Mounoï, deux lieux chargés d’histoire »

  1. Bonjour
    J’ai été faire de la rando et impossible de la trouver cette foutue grotte.
    Quand on arrive a l’abri de chasse, faut-il suivre le sentier de droite indiqué par une flèche blanche sur un gros pin ou pendre à gauche ? ou alors il y a un sentier que je n’ai pas vu juste a coté de l’abri de chasse ?
    Merci ! Tres bon blog de randonnée !

  2. Hello !

    Quand tu arrives à la cabane de chasseur, tourne à droite.
    A partir de là, fouille tous les petits sentiers qui partent sur la gauche.
    (De la cabane, il y a 800m à peu prés)
    Indice : Il y a beaucoup d’arbres… sauf au niveau du gouffre…
    En regardant sur sur la gauche, on voit clairement un dégagement : c’est là.
    La grotte n’est qu’à quelques mètres du sentier.

  3. Bonjour. Je suis sur LA CIOTAT et je monte souvent au Vieux Mounoï. Si vous ne connaissez pas et qu’une visite vous tente ou une decouverte du milieu souterrain… Il y a de nombreuses photos à faire (et oui, on ne ramène que des images du milieu souterrain) et la grotte est accessible aux enfants à partir de 6 ans…
    contact : 06.20.97.61.79 ou mail : jjcoco@sfr.fr

  4. Bonjour,
    Je n’arrive pas à trouver la grotte. A partir de la bergerie en ruine, je suis monté jusqu’au chemin où se trouve l’abri de chasseur, j’ai pris ce chemin à droite, je suis allé à 390 m mais je ne vois pas d’esplanade d’herbe à gauche ni de chemin vers la grotte. La grotte est-elle sur la gauche de ce chemin ou sur la droite ?
    Le point GPS que vous donnez est celui de la bergerie.
    Merci de m’aider.
    Serge
    [ndlr] Vous ne vous êtes pas trompé : il faut bien tourner sur la droite à l’abri de chasseurs ; après vérification sur ma trace, c’est plutôt 250m qu’il faut parcourir à partir de l’abri de chasseurs (5mn environ, 11mn à partir de la bergerie). La grotte est bien sur la gauche. Précisions envoyées par mail perso.

  5. Bonjour !
    ça y est nous l’avons trouvée !
    C’est très émouvant. Merci encore pour votre aide. Pour descendre à l’intérieur j’imagine qu’un guide spéléo est conseillé ? janette.
    [ndlr] soit un spéléo soit quelqu’un qui y est déjà allé et connait suffisamment bien les dangers

  6. Bonjour
    Un autre petit indice svp !l a grotte se trouve-t-elle près de la bergerie ou de l’abri de chasseur ? on a pas mal cherché et pas trouvé….
    merci !!!
    [ndlr] A partir de l’abri de chasseurs, il faut tourner à droite et parcourir environ 250m (vous pouvez compter en nombre de pas ou 5-6 mn à 3km/h !). Sur votre gauche, une petite esplanade d’herbe indique l’entrée du chemin. La grotte est bien cachée sous la végétation.

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