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** La chapelle Saint-Donat le Bas et le mystérieux couvent des Crottes : une randonnée d’exception !


Une randonnée mémorable ! non seulement pour les deux chapelles Saint-Donat mais aussi à cause du contexte particulier qui a provoqué quelques surprises : il avait plu pendant plusieurs jours auparavant, je n’avais pas étudié en détail le parcours qui traversait à gué plusieurs ruisseaux… le parking est celui de la mairie de Chateauneuf Val Saint-Donat.

Départ vers le sud par la route D951 qui traverse le village. Après les Jas, le premier ruisseau charrie une eau légèrement boueuse ; le ruisseau suivant a inondé les champs ; de chaque côté de l’ancienne voie romaine, des flaques d’eau se sont formées ; grâce au pavage de la chaussée, on identifie bien la voie royale qui réutilise la (supposée) via domitia ; la forme bombée de sa surface favorise l’écoulement des eaux. Les techniques de construction des voies romaines sont simples : une large tranchée dans laquelle les romains superposent plusieurs couches de matériaux (une première couche de fond de gros cailloux, une couche intermédiaire constituée de cailloux de taille moyenne, une troisième couche composée de petits cailloux, de gravier ou de sable. Extrait du collège Gaston Lefavrais) ; après la colline de marnes noires, apparaît le pont de pierres presque invisible sous la végétation. Un autre pont de pierre a bien souffert : je l’ai contourné, observant avec inquiétude le trou béant sur le côté de la chaussée.

Au carrefour avec la voie royale, j’emprunte le chemin de Saint-Jacques, balisé avec la célèbre coquille Saint-Jacques. Le sentier se déroule le long du flanc ouest de La Louvière1. C’est un morceau de l’étape 5 du chemin de Saint-Jacques Peypin-Peyruis (20km). Pour éviter un large lacet sur sentier boueux, je traverse les bois à angle droit pour retrouver la descente vers le ravin du Vèze2.

Après le sous-bois aux tons d’automne, je dois traverser à gué un ruisseau étroit  mais un peu profond, entre des berges de terre écroulées ; malgré mes efforts pour éviter d’avoir les pieds mouillés, je ressors avec les chaussures pleines d’eau que je vide aussitôt passée ; le gué suivant est plus large et plus houleux : après quelques hésitations, je le traverse en diagonale, pas très rassurée ; quand surgit brusquement la chapelle Saint-Donat sur son piton rocheux, ravie, je souffle en longeant le champ. Le nom de Saint-Donat rappelle celui de l’évêque qui aurait évangélisé la montagne de Lure à la fin du Vè. Il se serait retiré dans un lieu désolé que les uns situent à notre Dame de Lure, d’autres dans la combe de Saint-Donat.

La chapelle Saint-Donat-le-Bas (471m), dans un excellent état de conservation, est pourtant une des églises les plus anciennes du département des Alpes-de-Haute-Provence (XIè siècle). Le mur nord n’est percé d’aucune baie, le mur sud en compte cinq ébrasées vers l’intérieur ; la nef se prolonge par une travée rectangulaire débordant de part et d’autre, ce qui est assez rare en Haute-Provence ; les moulurations seraient d’origine carolingienne. Grandeur, esthétique et sobriété.
Petite remarque : on devrait plutôt dire Saint-Donat le Majeur car Saint-Donat-le-Bas, mesurant à peine 8 m sur 3,50 m et antérieure à la grande, était une petite chapelle dont les ruines se trouvent en contre-bas du torrent.
La Haute-Provence monumentale et artistique, Raymond Collier, Digne, 1986

Abside

Alpes de Haute Provence.com

Après le pique-nique face à la chapelle, je reprends le chemin du retour derrière celle-ci, en bordure du torrent du Thoron. L’abbé Andrieu raconte qu’au XIXèà la saison des pluies, des sources [les Sorgues] jaillissent par centaine le long du Mardaric, en aval et en amont de la chapelle, un peu partout : sur le chemin, dans le lit du torrent, sur ses bords et au-dessus, jusqu’à une certaine hauteur. Mais, pour que le phénomène se produise, il faut des pluies excessives […]. Surgie de je ne sais où, une cascade y chute en deux gerbes bruyantes. C’est probablement ce phénomène rare que j’ai vécu en direct. On dit même que dans ce cas, l’eau s’engouffre dans une source souterraine cachée dans les profondeurs du torrent.

Le gué du torrent est plus large que les précédents et je ne sais pas trop à quel endroit le traverser ; pour y parvenir, je m’aide de mon bâton de randonnée. D’autres promeneurs y renonceront et chercheront à traverser ailleurs : il est toujours possible de reprendre le même chemin qu’à l’aller où les passages sont plus ‘guéables’.
Le Mardaric reçoit les eaux  de plusieurs rivières, toutes en crue aujourd’hui, et c’est lui maintenant que je dois traverser ; honnêtement il me fait peur par son débit et la vitesse de son courant. Je songe un moment à rebrousser chemin ; j’étudie avec attention l’endroit qui me parait offrir le moins de risques. Je prévois de traverser là où les rochers ne provoquent pas trop de remous ; je renonce d’avance à ne pas être trempée jusqu’aux genoux ; j’utiliserai mon bâton de randonnée comme béquille pour résister au courant. Après plusieurs minutes de réflexion, je me lance ; arrivée aux deux-tiers du parcours, je me sens chavirée lorsque je lève un pied pour avancer ; ‘ne pas lever les pieds trop haut au-dessus des rochers profonds mais glisser’, telle est ma tactique ; je perds l’équilibre mais m’accroche pendant plusieurs secondes à mon bâton coincé entre deux rochers, ne déplaçant qu’un soutien à la fois. J’ai vaincu le Mardaric mais mon cœur bat la chamade. Le danger était réel.

Ne prenez pas le risque de traverser le Mardaric à cet endroit après plusieurs jours de pluie ! peut-être aurais-je pu passer (500m à l’est par la route), là où débouche un sentier en pointillé sur la carte IGN, et où le Mardaric est plus étroit : un ancien pont le traversait, au lieu-dit lou Pont dei mounjès (le pont des moines).
A mon retour, j’ai lu cet article  Comment traverser les cours d’eau ? : j’aurais dû traverser à 45° vers l’aval, j’aurais pu mieux me servir de ma perche. Ce que je retiens :

a. Deux ou trois chenaux sont habituellement plus faciles à traverser qu’un bras principal.
b. […]
c. Pour traverser le cours d’eau, suivez une trajectoire de 45° vers l’aval par rapport au courant.
Les situations suivantes présentent des dangers potentiels et sont à éviter si possible :
a. Repérez un endroit sur l’autre rive où vous pourrez vous déplacer avec sûreté et aisance.
b. Les rochers indiquent souvent la présence de dangereux rapides ou de canyons.
c. […]
d. […] Habituellement, les rochers submergés sont très glissants et peuvent facilement vous faire perdre l’équilibre. Cependant, un rocher qui émerge de l’eau atténue la force du courant et pourra vous aider à traverser en vous offrant un point d’appui.
5. La profondeur d’un cours d’eau guéable ne devrait pas vous décourager tant que vous avez pied. En fait, les eaux profondes sont souvent plus calmes et par conséquent moins dangereuses que les eaux peu profondes au courant rapide.
Pour passer à gué, munissez-vous d’une perche solide ; […] plantez-la fermement à côté de vous, en amont, contre le courant. […] Posez fermement les pieds à chaque pas et déplacez la perche en l’avançant un peu ; Continuez d’avancer en plaçant le pied au-dessous de la perche.
[…]

Ces émotions n’ont pas terni celle de découvrir Saint-Donat-le-Haut, annoncé par un petit cairn au bord du chemin que vous pouvez facilement dépasser sans le repérer  ; ‘le Haut’ parce que ce monument religieux est situé dans le fond d’une dépression [doline] de cinq-six mètres de profondeur, mais en altitude par rapport à celui de tout à l’heure (519m env). Situé sur la colline de l’Eouvière1, les historiens du XIXè le surnomment Couvent des Crottes3. On entre dans le trou sombre par des marches détériorées, découvrant en premier une tour ronde et son escalier en colimaçon ; dans le fond, un mur bien appareillé côté rocher, puis au fond, deux mystérieuses entrées creusées dans une grotte. Sur la droite, la forme semi-arrondie des absidioles. L’église construite au XIIè dans le prolongement de la petite grotte du saint, devait servir de crypte à une église haute totalement disparue. En face, un tunnel et des rails, creusé par l’abbé Andrieu vers 1880 pour amener le matériel et évacuer les déblais de sa fouille.
En contournant la doline par le haut, une petite descente vers l’ouest du site, vous amène au bord du tunnel où les rails s’arrêtent brusquement au-dessus du vide. L’endroit est vraiment mystérieux, le silence est presque stressant.
Rien ne vient confirmer vraiment que ce fut ‘le trou de l’ermite’ Saint-Donat même si la lecture de sa biographie autoriserait cette hypothèse ; il aurait été enterré là  par deux de ses compagnons, eux-mêmes suivis sans doute par une communauté monastique. L’église est datée en tous cas de la même époque que la chapelle Saint-Donat le Bas.

Le débris le plus considérable est celui où l’on voit plusieurs marches d’un escalier en limaçon fort étroit et, à l’extérieur, la naissance d’une voûte. Un autre morceau de maçonnerie montre quelques assises de pierres disposées en feuille de fougère, et rappelant l’opus spicatum des Romains. Tandis que toutes les vieilles chapelles dont nous avons parlé plus haut étaient parfaitement orientées, celle du couvent était tournée vers le Nord. Ses murs latéraux devaient reposer l’un, sur le bord du rocher, ainsi que l’ensemble du chevet et l’autre, sur la plus haute voûte des substructions. Quel était ce couvent ? Qui l’a fondé ? Quels moines l’habitaient ? Etait-ce un monastère proprement dit, ou une maison hospitalière ? […] Les premiers travaux ont amené la découverte de nombreuses tombes, de plusieurs bas-reliefs et autres ornements d’architecture, qui remontent, d’après d’éminents archéologues, au XIè siècle. Histoire de Montfort, abbé Andrieu, Digne : Barbaroux, Chaspoul et Constans, 1884
Allibert C (Abbé)Manuel d’histoire locale, avec une préf. de M. G. Fagniez, membre de l’Institut, Avignon, Aubanel, 1913
Histoire de Montfort (Basses Alpes), M. l’abbé Andrieu et Note sur l’ancien monastère de Saint-Donat, en ligne sur la B.N.F.
La Monographie de la commune de Montfort (Basses-Alpes), B. Maurel, instituteur, manuscrit inédit de 1899 ; il reprend sur le plan historique, les éléments cités par l’abbé Andrieu.
Chapelle rupestre de Saint-Donat, chroniques souterraines de P. Courbon

Vidéo de la crypte, par foulonjm

Diaporama de Yves en Provence

Diaporama, excellentes photos de foulonjm

Je reprends le chemin du retour : les sentiers sont toujours aussi détrempés. Après les Fournieux, la terre glaise colle aux chaussures et ça devient lourd à porter. Dans la dernière ligne droite de la route, je peux laver mes chaussures de randonnée et mon bâton, tant les flaques d’eau sont nombreuses ! Fatiguée mais ravie de ma randonnée, je m’offrirai un peu de réconfort au bistrot de pays sur la place de la mairie.

Jamais je n’ai vu autant d’eau circuler en surface. Les champs étaient inondés, les chemins dégoulinants se confondaient parfois avec les petits ruisseaux, les flots des rivières furieuses entraînaient tout sur leur passage. A ne pas faire après plusieurs jours de pluie !

Images de l’itinéraire aller et de l’itinéraire retour ; 11km730, 3h30 dépl. (+pique-nique et visites), 177m dénivelée (600m cumulées). Les deux itinéraires se croisent mais on peut facilement en concocter d’autres.

Télécharger la trace brute (avec traversée risquée Mardaric)

1Louvière : R. Collier, l’abbé Andrieu et les anciennes cartes parlent d’Eouvière (bois de chênes blancs), une mauvaise transcription de l’IGN).
2Pas du Vèze : de vejhe, osier commun
3crottes : rien à voir avec les crottes qui se dit peto ou petoulo ; en provençal croto = cave construite ou naturelle. Petite grotte.

©copyright randomania.fr

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7 réflexions au sujet de « ** La chapelle Saint-Donat le Bas et le mystérieux couvent des Crottes : une randonnée d’exception ! »

  1. Bonjour,
    Avez vous la trace gps ?
    Site très intéressant
    Merci
    [ndlr] envoi par mail perso

  2. Cela fait 15 ans que je connais ce site, qui était jusque là préservé. Je m’y suis rendue hier et y ai croisé 5 groupes de promeneurs en l’espace de 2 heures. En ce promenant autour du site on trouve des lingettes et papiers plastiques. En discutant avec les gens ils ont trouvé le parcours de rando sur un site internet. Je pense que vous croyiez bien faire. C est comme si vous envoyiez des milliers de personnes dans les grottes de Lascaux sans que ces dernières soit protégées. La mairie de Montfort devra finir par interdire l’accès à ce rythme là.
    [ndlr] Je regrette vivement de tels comportements mais ne puis les empêcher…

  3. Grâce à vous, nous avons découvert un lieu plein de mystères et de sérénité. Merci de nous avoir permis cette rencontre avec le couvent des crottes

  4. Beau trajet et belle façon de raconter cette randonnée !

    Pour compléter ce billet, rien de tel qu’un passage en revue du matériel indispensable quand on part (surtout pour plusieurs jours) en randonnée :
    http://guidedesurvie.net/materiel/
    Cet article pourrait rentrer dans l’article dans un sous-titre « rando et matériel » ? Juste une petite suggestion… 🙂

  5. Belle balade… un peu mouillée.

    Pas trop loin d’Aix nous irons y faire un tour à la première occasion… quand l’eau sera partie bien sûr.

    Pouvez-vous m’envoyer le tracé GPS si vous l’avez ?

    Amicalement
    Daniel

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