Aujourd’hui c’est moi qui ai préparé un circuit de randonnée qui passe par plusieurs fermes abandonnées de l’Arbois, terrain aride et caillouteux. Nous nous garons sur l’énorme parking du parc départemental, un peu avant le château de la Tour d’Arbois. La début de l’itinéraire balisé et documenté par des panneaux, empruntera une partie du circuit du badaïre1 avec la ferme de la Vautubière2, passera par la bergerie de Mion, puis sur un parcours non balisé, traversera le camp américain, et rejoindra le domaine de la Bastide Neuve. Pour la dernière partie, André sera le guide…
L’album photos des fermes de l’Arbois
Ça commence fort par une rude montée dans les cailloux ; des petites gorges ont entaillé le plateau ; le canal de Marseille a une particularité qu’explique André : les bassins de Valoubier et la Garenne, le souterrain qui les rejoint (Hendrik Sturm, du bureau des guides du GR2013 raconte dans sa randonnée sauvage sur le plateau de l’Arbois qu’il la emprunté avec un groupe), font partie d’un ensemble de délimonage comme j’avais pu en voir lors de ma balade à Ponserot. Le château de Saint-Estève-Janson. On devine le long des bassins, à intervalles réguliers, de petits ouvrages (vannes) permettant l’écoulement des eaux de vidange dans l’Arc, par un robinet évacuateur.
Les eaux que le canal envoie dans le premier bassin, celui de Valoubier, remontent d’abord pour pénétrer dans le souterrain […] et, de là, dans le bassin de la Garenne rentrent dans le canal après avoir parcouru ce dernier bassin dans toute sa longueur, en se déversant en nappe mince et fort étendue par-dessus la banquette de la levée de la Garenne. Valoubier Garenne. Promenade sur les bords du canal de Marseille, E. de Saintferréol, impr. de Ballivet (Nîmes), 1854
Rapidement vous aurez une vue dominante qui vous permettra de reconnaitre Sainte-Victoire, l’Etoile, le Luberon. Puis vous arriverez à un espace aménagé, sorte d’observatoire sur le paysage environnant : le rocher (construction métaphorique dont le texte explicatif est déjà presque illisible), les lignes de vie (ligne d’horizon, GR2013, ligne TGV), le génie de l’eau (le canal de Marseille), le champ du vallon en direction de la ferme de la Vautubière.
Nous suivons le chemin de Vautubière qui passe dans le vallon bien humide, avec un passage à gué. Juste avant de monter vers la ferme, nous arrivons à un croisement ; le chemin de gauche traverse le ruisseau sur un beau pont de pierres qui rejoint le chemin de Velaux. Nous montons jusqu’à la petite ferme de Valoubière, en activité jusqu’aux années 1960, admirant en passant le mur de soutènement bâti par les propriétaires. Nous visitons la maison soigneusement construite avec un chaînage d’angle. Un vieux réservoir aujourd’hui rouillé recueillait les eaux de pluie ; les poutres de bois sont à terre, la toiture est effondrée mais les carreaux vernissés de la cuisine sont toujours en place.
Derrière la maison, un enclos partiellement bâti contre le rocher. Le mur porte une voûte de décharge « pleine » pour pallier les zones de faible portance au niveau de la fondation. Devait vivre là un maître de la pierre sèche : maison, mur de soutènement, pont, toutes les constructions sont soignées.
Depuis la terrasse, les marches de l’accès à la source sont encore visibles bien que quelque peu envahies par la végétation ; protégée par un enclos de pierres, c’est cette source sans doute qui permettait de cultiver des céréales. Merci à Emmanuel Api pour la photo de gauche : la source avec de l’eau en 2015. Autour, au début du XIXe, des amandiers, des vignes, pâtures et terres à labour.
Nous revenons sur nos pas, à nouveau séduits par le mur de soutènement de l’esplanade devant la maison qui n’a pas bougé depuis plus de 200 ans.
Les champs autour de la ferme de la Vautubière [écrit sur l’adjucation Valoubière] sont aujourd’hui entretenus par les chasseurs pour nourrir ou abreuver le gibier. Randonnée sauvage
Le chemin de la ferme rejoint celui de Velaux à une borne qui devait marquer le carrefour. Nous descendons dans le vallon de Mion ; le chemin qui longe le ruisseau est inondé ; il nous faut naviguer pour éviter d’avoir les pieds trop mouillés.
Après les deux cabanes de chasse, nous arrivons au hameau de Mion qui garde encore des traces de vie (amandiers, puits). André visite la propriété abandonnée et découvre que le ruisseau a été canalisé grâce à un ouvrage en pierre et un pont avec voûte en claveaux, un peu à a manière des aqueducs romains ; les moutons transhumants qui descendaient de la colline à l’endroit du grand réservoir, s’y désaltéraient probablement avant de poursuivre leur chemin vers Aix.
En vue, la ferme de Mion ; à son approche, sur le côté droit, la maison du garde puis le vallon barré de nombreuses et spectaculaires restanques (au sens premier du terme), murs de retenue en pierre sèche, parementés des deux côtés, barrant le lit du vallon tout en laissant passer l’eau.
Cité dans un acte concernant la Bastide Neuve, la bastide vieille dite de Millon existait avant 1669.
Ce domaine ainsi que celui de la Tour d’Arbois incluant la Vautubière ont été mis aux enchères après expropriation en 1898 (selon le journal Mémorial d’Aix, 1er mai 1898).
Je ne serai pas étonnée que les américains installés dans le camp tout proche en fin de seconde guerre mondiale, soient venus visiter les lieux comme ils l’ont fait à la Bastide Neuve. Lire Une ville américaine dans l’Arbois
La grande bergerie est désormais complètement grillagée ; avant qu’elle ne le soit j’avais pu évaluer ses dimensions : 40 m de long sur 15 m de large soit 600 m2 environ de quoi accueillir 400 à 500 brebis environ (entre 1 et 1.5 m2 par brebis selon la race et l’état ‘allaitante’ ou non) ; sur le cadastre napoléonien, est-ce que ce sont d’anciennes mesures de contenance (arpent carré, perche carrée) ou les nouvelles imposées par l’administration en 1808 (arpent métrique et perche métrique) ?
La correspondance entre anciennes mesures locales – différentes d’une région à l’autre – et nouvelles mesures, ne se trouvent pas sur la première page de l’état de section du cadastre ; la contenance de cette bergerie de Mion (p. 2, m. 25) était-elle bien de 225 m2 ? La seconde aurait donc été construite dans le prolongement de la première au cours du XIXe siècle. Les unités à la fin du XVIIIe
Nous montons sur le plateau par une large piste ; la Sainte-Victoire barrée par une ligne à haute tension revient. Nous cherchons un endroit sympathique pour pique-niquer.
Par le nord du camp américain, nous passons sous la ligne à haute tension et rejoignons la grande route de Tokyo, double voie le long de laquelle se trouvaient les tentes et les sanitaires du camp de transit américain en 1945. Au niveau du centre d’enfouissement des déchets (accès interdit), un sentier sinue sur la gauche puis suit parallèlement la double voie.
Au détour d’une trouée, la grande ruine de la Bastide Neuve apparaît bien blanche sur fond de ciel bleu. Nous passons à côté d’une construction impossible à identifier, d’un poste de chasse – le plateau de l’Arbois est très fréquenté par les chasseurs qui se sont souvent installés dans d’anciennes métairies. Les prés qui entourent la bastide sont bien verts : quel contraste avec le reste du plateau !
Sur une carte ancienne de terroir d’Aix en 1696 qui recense la vingtaine de bastides existantes, certains noms existent toujours : Prignon, la Tour de la Keyrié, Grassy et, à l’endroit de la Bastide Neuve il y a St-Girons, alors propriétaire des lieux.
Le retour était prévu tranquillement le long de la petite route départementale mais André propose un retour le long du canal de Marseille, pour éviter la route ; sur la carte, pas de sentier pour remonter au niveau des antennes près du parking ; malgré une légère inquiétude, je me laisse embarquer…
Bien agréable, rapide et facile, ce parcours sur les berges. Sur la droite, la ferme de la Baume noire, prospère exploitation agricole au XIXe, est bien cachée sous les arbres ; elle se trouve à côté du château qui abrite la garde départementale à cheval depuis 1992.
Quatre fermes, prospères il y a 150 ans, toutes inexploitées aujourd’hui.
Pour finir, un sentier étroit créé par les marcheurs à droite du pont TGV, rejoint en pente douce le chemin par lequel nous sommes arrivés.
Une randonnée un peu longue mais assez facile malgré les pistes caillouteuses ; quelques montées et descentes, quelques points de vue qui vous feront oublier les lignes à haute tension partout.
Image de l’itinéraire 14km630, 4h déplacement (5h25 au total), 115m dénivelée (+311, -311)
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1badaïre (provençal) : le spectateur, le badaud
2vau tubiero : vallon brumeux ?
©copyright randomania.fr
Très belle balade avec malheureusement de nombreuses lignes haute tension .. seul bémol, la longue ligne droite du camp américain un peu pénible.
Concernant la ferme de Mion, les deux parties sont maintenant (balade faite le 27/02/19) entièrement grillagées. Nous n’avons pas trouvé le petit pont malgré nos recherches. Où se situe-t-il ?
La Bastide Neuve est superbe, d’autant plus qu’il y avait un temps magnifique. Attention tout de même dans la dernière pièce à gauche en regardant le bâtiment, le mur de gauche menace de tomber dans sa partie haute : descellement à sa base et forte inclinaison vers l’intérieur…
[ndlr] Le pont se trouve dans le hameau de Mion, au niveau de la petite place (donc avant le réservoir). Merci pour l’information sur le risque d’écroulement.