Les cascades de Puy-Saint-Vincent


Deuxième jour : matinée avec les abeilles à la Maison du Miel à Puy Saint-Vincent. Juliana nous reçoit, déjà bien occupée dans la boutique. Comme j’ai parrainé une de ses ruches, j’ai droit à une visite du rucher tout proche en tenue de protection blanche, chaussettes au-dessus du pantalon car les abeilles adorent les chevilles ! C’est Jérémy qui explique avec des mots simples ;  il a enfumé les abeilles (selon les études, la fumée trompe et cache l’odeur des gardiennes qui se tiennent aux portes de la ruche) ; personne n’est effrayé d’être parmi elles : elles sont plutôt calmes ; au retour des ruches, il extrait en direct le miel et nous le fait goûter.
Juliana doit détenir un secret de fabrication car je n’ai jamais dégusté autant de miel que depuis que je connais celui de lavande (avec un yaourt au lait de chèvre ou sur une tartine beurrée). Ici pas d’importation des pays de l’est, pas de mélange de divers pays de l’U.E., du bio alpin. Elle le brasse longuement, il n’a donc pas la couleur habituelle du miel de lavande : je le trouve très fin au goût.
Le petit musée pédagogique à côté de la boutique est bien illustré et plait beaucoup : on y apprend qu’une abeille exerce plusieurs métiers au cours de sa vie et qu’elle fabrique plusieurs produits : nectar, propolis, cire, gelée royale.
Une ruche : 1 reine, 40 000 ouvrières, 3 000 mâles. Quelle famille !

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Avec le vent et la température ressentie

Après le repas en commun avec les apiculteurs et les parrains, sur les conseils de Juliana, nous décidons d’aller voir la cascade de Narreyroux : une étoile sur la carte IGN, au sud-ouest de Puy-Saint-Vincent ; pour s’épargner le trajet à pied jusqu’au hameau de Narreyroux, il nous faut donc emprunter une route étroite et sinueuse qualifiée de ‘brise-essieux sur 4km’, c’est tout dire : c’est là qu’on voit ceux qui savent conduire. Nous avons changé le programme du jour : il va donc falloir guetter les panneaux directionnels.

Nous stationnons le long de la route (1770 m d’altitude) qui se termine bientôt en cul de sac. Au  pont de Narreyroux, je consulte le panneau : pas d’indication de cascade. Nous continuons le sentier bien tracé en longeant le torrent fougueux et bruyant à notre gauche. Les prés sont d’un vert intense, les sapins hauts et nombreux. Quelques taches de couleur – les œillets roses, les marguerites blanches – dans les prés fleuris de jaune : voilà le décor de carte postale pour une photo de Majo assise sur un rocher.

Une mélitée aux ailes en damier déploie ses ailes tranquillement sur les rhinantes à fleurs jaunes (anthères poilues en forme de rein, extrémité de la corolle violacée visible au zoom sur certaines photos). Derrière Majo une première cascade semble sautiller de strate en strate. Une deuxième cascade sur la droite tombe d’encore plus haut.
La troisième que l’on ne verra que plus tard, descend en crabe le toboggan de pierres décrit Majo. Ce sont les Pissettes du ruisseau des Lauses, alimentées par plusieurs sources situées entre 2500 et 2800 m d’altitude. La cascade descend sans doute sur plusieurs centaines de mètres et alimente le torrent si bruyant que parfois on ne s’entend pas.

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Briançon : le fort des Têtes par le parc de la Schappe et le pont d’Asfeld


Installées pour 6 jours à Briançon, Majo et moi, les bagages tout juste déposés dans l’appartement loué en centre ville, nous partons pour une petite boucle sur les hauteurs du parc de la Schappe, à la découverte des fortifications de la place de Briançon qui ne manquent pas : le changement de tracé de la frontière entraîne, entre 1724 et 1734, la construction d’un système de forts permanents autour de la ville.

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La rando commence dans le parc de la Schappe, la schappe désignant les déchets de la soie : 14 kg de déchets pour 12 kg de soie. La longue usine sans fenêtre est impressionnante. J’ai du mal à imaginer Briançon en ville industrielle et pourtant, pendant 90 années, de 1842 à 1932, l’usine de la Schappe a dominé le paysage économique et social de Briançon. Inaugurée en 1863 par les frères Chancel elle traitait les déchets de la soie.

Une fois filée, la schappe était le plus souvent utilisée comme trame dans les tissus unis et façonnés.  Deux groupes d’opération étaient faites à Briançon : la première concerne les cocons.
Il y a tout d’abord une macération des déchets […]
Le nappage a pour but d’ouvrir les cocons et de paralléliser les fibres afin de les mettre en nappe. Le cardage les démêle. Enfin, le peignage permet de séparer les fibres courtes des fibres longues. Le produit passe ensuite à l’étaleur-nappeur qui transforme le ruban obtenu en une nappe. Celle-ci sera  examinée à l’épluchage, […] Le travail consiste à retirer les éléments étrangers qui subsistent dans la soie, essentiellement des cheveux. Laissez vous conter l’usine de la Schappe

Vu la taille du bâtiment, nul doute que beaucoup d’ouvriers y ont travaillé : en 1845, ils sont 40, jusqu’à 700 en 1864. On a fait appel aux habitants des villages avoisinants et à l’immigration italienne. Mais la concurrence japonaise offre ses produits à des prix trois fois moins élevés qu’en Europe. L’entreprise licencie son personnel le 24 mai 1932.

Mal balisé, le sentier passe au-dessus de l’ancien aqueduc qui fournissait l’énergie nécessaire au fonctionnement des nombreuses machines. Un panneau nous renvoie vers la droite, à l’opposé de la direction du fort des Têtes. Nous décidons de monter à l’intuition : vers le haut et vers la gauche. Le sentier étroit et raide en croise plein d’autres et nous fait suer, au sens propre ; en descente, la terre poudreuse favorise sans doute les glissades. Les hauts arbres des bois nous protègent de la chaleur.

Quand nous débarquons sur un léger replat en bordure de falaise, je m’inquiète fortement : deux chaînes s’enchaînent au dessus du vide. Pas prévu. Forcément c’est une via ferrata. Finalement, après un dernier passage caillouteux et raide, nous retrouvons le sentier balisé, un petit ruisseau qui glougloute, des fleurs des champs. Histoire de se rassurer, nous questionnons un groupe qui arrive dans l’autre sens : A la communication Y (comme si tout le monde savait ce que c’était…), contourner le fort en suivant le mur de fortification nous explique-t-il.

D’après la description de la toiture de lauzes en V et les 200 m de longueur du bâtiment, nous repérons facilement la communication Y bastionnée (1732-1734) dont le but était d’empêcher l’invasion ennemie par le vallon de Fontchristiane et permettre la circulation des hommes et marchandises entre le fort des Têtes (1450 m) et celui de Randouillet (1604 m) grâce à une large galerie couverte.  Photos sur le site fortiffsere.fr. Des travaux de rénovation sont en cours : on ne peut la visiter librement. Autrefois, on y accédait par un chemin central et un pont levis. Je trouve que, vus en 3D, la galerie et son accès dessinent en effet une lettre Y aux bras élargis.

Ce bâtiment original cache une citerne d’eau de 55 m3 approvisionnée par des sources captées dans le vallon. En cas de tentative d’approche des forts, les soldats ennemis se trouvaient bloqués en amont comme en aval de l’ouvrage par une série de fossés et chemins couverts encadrés de demi-bastions. Il est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des fortifications de Vauban depuis 2008. Wikipedia

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** Patrimoine manosquin : les mines d’eau de la Thomassine


Jour de grand vent ; je cherche donc un lieu de randonnée à l’abri du mistral : j’ai choisi Manosque et la Thomassine1, que je connais pour avoir animé une journée  geocaching avec le Parc naturel régional du Luberon lors de la journée des  fruits et saveurs d’autrefois le 03/12/2017 ; mais ce jour là, je n’avais pas eu le temps de découvrir les lieux.

Le chemin de la Thomassine est long et étroit, attention au croisement de véhicules ; la maison de la biodiversité est toujours fermée (elle réouvrira le 17 juin) un bout de temps après le déconfinement ; je me gare donc sur un petit espace avant la barrière DFCI. Sur  le chemin qui mène à la maison, on entend déjà le bruit de l’eau qui ne manque pas.

Cachée dans la végétation à gauche, peu après avoir passé la barrière, c’est d’abord une drôle de tour à section carrée qui m’interroge : serait-ce le siphon permettant de passer sur l’autre rive du ravin de Joannis ? (point 17 décrit dans le topoguide Les Balcons de Manosque, en vente au siège de l’association Comité du Patrimoine Manosquin (CPM) ou à l’office du tourisme).

Courte variante : dans le virage en épingle, au pont de bois, pénétrez dans la végétation luxuriante, qui reçoit le trop-plein de la mine d’eau juste au-dessus. La prêle s’y sent bien !
Puis revenez en arrière pour un court parcours fléché qui invite à découvrir la patrimoine des mines d’eau. C’est cette partie qu’il faut suivre si vous manquez de temps. Cette manière ancienne de récupérer l’eau souterraine a été redécouverte par plusieurs études récentes, et fera l’objet d’une prochaine édition des Alpes de Lumière. J’ai vu celle de la Rouguière à Riez (04) et en ai découvert d’autres au travers de photos (lire le travail d’inventaire de Lucas Martin et Vincent Meyer, chercheurs qui m’ont aimablement apporté leur aide dans la rédaction de plusieurs articles) ou vidéo (La Gaude).

Pour qu’il y ait une mine d’eau (ou galerie drainante, ou toun en provençal), l’eau qui s’infiltre dans le sous-sol doit être piégée entre une couche géologique imperméable et une autre perméable, avec une pente des terrains qui favorisent l’écoulement. La technique consiste à creuser à flanc de coteau une galerie horizontale permettant la sortie de l’eau grâce à la seule gravité. Pour acheminer l’eau jusqu’au point de stockage, des ponts-aqueducs et conduites sont construites. Pour améliorer la productivité, les ramifications avaient pour fonction de multiplier les zones d’infiltration pour capter et drainer des sources de faible débit dans un environnement proche de la surface. Des regards d’entretien sont prévus pour la construction puis l’entretien.
Pour les conserver longtemps en l’état, les parois sont consolidées, surtout en terrain instable ; les mines doivent être entretenues : les racines des arbres abîment les mines, les concrétions ou les particules en suspension peuvent les boucher.

Le sentier longe un champ d’oliviers puis oblique sur la droite ; sur la gauche, mais disparue aujourd’hui, avait été bâtie la ferme de Chateau-Briant alimentée au XVIIe par une mine d’eau sur le ravin des Tours, eau acheminée par des tuyaux de fonte fin XIXe ; elle coule encore abondamment à même le sol ; de couleur légèrement rougeâtre, elle contient peut-être une forte teneur en fer, à moins que ce ne soit dû à sa nature légèrement sulfureuse. Sa porte étant ouverte, je peux voir comment la galerie a été creusée.

[2/40 luberon] La mine de Château-Briant, pedago. Informations historiques et géologiques dans la fiche.

Ce site [la Thomassine] compte trois mines d’eau :
– La Thomassine dont le premier captage pour alimenter la ville remonte à 1554 appelée alors source des Maurels ou Maureaux ou Moreaux, augmenté d’une deuxième branche en 1770 et reprise en 1928,
– Château Briant,[…]
– Saint Antoine au XXe siècle, 1928.
L’eau de La Thomassine fut dirigée vers la ville par un caniveau semblable à celui de la source de Gaude en passant par le « Pas de Laugier ». Un petit jalon appaumé borde encore son passage. […] Elle se raccordait à l’eau de Gaude avant Le Soubeyran [la porte du Soubeyran]. CPM

 

Le sentier continue en montant légèrement jusqu’au puits de la mine de Thomassine. Comme pour les aqueducs romains, des puits d’aération puis d’entretien sont construits le long du chemin de l’eau.

Variante mine d’eau de la Thomassine : rejoindre la piste balisée par la droite, contourner la clairière où sont installées quelques ruches : l’association des apiculteurs amateurs y maintient l’apiculture familiale, informe et forme le public.
Avant le parking visiteurs de la Maison de la biodiversité, côté gauche, vous apercevrez la rigole par où s’écoule l’eau de la mine : la mine de la Thomassine, datée du premier captage 1517 et de ses deux branches, est juste en-dessous, dans la propriété. Itinéraire et photos sur Wikiloc par Chris04220. Non loin de là, l’aqueduc de Joannis fera l’objet d’une prochaine visite, et l’article thématique sera complété.

Revenez jusqu’au puits ; par la gauche cette fois, le sentier va grimper progressivement sur la colline, dans la garrigue, ponctuée parfois de petits poteaux de bois fléchés de vert. En contre-bas, dans le ravin des Tours, je me demande à quelle construction appartiennent ces grosses pierres éparpillées. Un peu plus haut, dans une clairière, une citerne enterrée et un abreuvoir alimentés par une source.

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