Trésors des Dentelles


En mai 2017, nous fêtions les 10 ans de l’association des Geocacheurs de Provence, chasseurs de trésors avec GPS ; à cette occasion, l’événement Apérocache Provence 2017 à Pernes-les-Fontaines rassemblait les anciens geocacheurs et de nombreux nouveaux. ilagaris a accepté de poser 18 caches dans les Dentelles de Montmirail ; c’est un circuit de randonnée varié qui allie avec talent le sport, les points de vue, et le geocaching pour ceux qui aiment jouer. Les caches sont préfixées [AP10] et numérotées de 1 à 18. Deux groupes de joueurs partent à l’aventure ce dimanche matin. Notre groupe est accompagné d’Eric, le concepteur des caches.

Album photo

Partie un peu en retard pour une paire de chaussettes oubliées…, je rejoins le groupe sur le lieu de la première cache déjà trouvée par l’équipe.

Trésor des dentelles #1, ilagaris

Ciel bleu, genêts en fleur, piste facile : voilà qui commence bien.
Nous sommes entre Beaumes de Venise et Gigondas réputés pour leur AOC et leur côte du Rhône mais aussi pour leur muscat.

Trésor des dentelles #2, ilagaris

Nous longeons donc les vignes plantées sur les coteaux ensoleillés tournés vers Montmirail, à presque 300 m d’altitude.

Trésor des dentelles #3, ilagaris

Quand on quitte la piste, le sentier du Grand Vallat plutôt humide nous oblige à jouer les équilibristes pour ne pas se mouiller les pieds. Nous rejoignons le GR de Pays du Tour des Dentelles de Montmirail.

Trésor des dentelles #4, ilagaris

Au lieu-dit « Mon Rêve », nous le quittons à nouveau pour le Grand Vallat, dénomination classique du plus grand ruisseau du coin, avant de poursuivre sur un sentier en sous-bois particulièrement humide.

Trésor des dentelles #5, ilagaris

Quelle belle fleur mauve ! Avant d’être les plantes ornementales qui décorent nos jardins depuis le XVIIe, les pois de senteur étaient des fleurs sauvages. On en fait même aujourd’hui des bouquets de mariés composés d’une quarantaine de tiges de couleurs différentes dans les tons pastels.

Au carrefour matérialisé par une grosse pierre plate, nous retrouvons le GR de pays. C’est là qu’un choix se pose : qui montera la pente raide, caillouteuse et dégradée qui mène à la tour sarrasine ?
Datant du XIIe siècle, elle est un ancien poste de garde. De là haut, à 410 m d’altitude, la vue au sud s’étend sur les Alpilles au fond, la vallée de l’Ouvèze à l’ouest, et plus prés sur les carrés de vignes de Beaumes de Venise. La cache, qui se mérite, a déjà récolté pas mal de points favoris.

Trésor des dentelles #6, ilagaris

Une courte pause, une belle piste, un regard en arrière pour apercevoir, haut perchée, la tour. Avez-vous remarqué que de nombreuses tours sans âge sont appelées « sarrasines » ? Certes Charlemagne se serait arrêté à Notre Dame d’Aubugne avant d’attaquer les Sarrasins. Le nom serait-il souvenir de leur passage comme en témoignent d’autres toponymes tels que Dentelles sarrasines, chambre du Turc ?

Dans un virage de la piste en pleine forêt, l’équipe de chercheurs s’affaire, sûre de ses talents. Le propriétaire de la cache, l’air narquois, nous regarde sans rien dire. Les geocacheurs observent, fouillent, grattent, s’échangent des coups d’œil et des suggestions, puis commencent à douter de leurs talents ;  non ce n’est pas possible que la cache ait disparu. Amusée, je prends quelques photos des chercheurs. Et quand après plusieurs minutes de recherche infructueuse, l’une d’entre nous brandit l’objet de convoitise, nous nous esclaffons de rire en félicitant le poseur.

Trésor des dentelles #7, ilagaris

La tour est toujours visible au loin ; bientôt nous longeons les vignes qui courent vers l’horizon. Une vieillle brouette à feu rouillée servant au brûlage des sarments a été abandonnée dans les vignes. Posée sur des rails, elle laisse entrevoir l’ouverture destinée à l’allumage.

Les fumées occasionnent cependant une gêne pour le voisinage et s’avèrent très chargées en particules fines. Dans certaines régions, le brûlage est interdit ; des études visent à recycler les sarments sous forme de compost, ou pour alimenter une chaudière individuelle.

Trésor des dentelles #8, ilagaris

A la fin novembre, c’est le moment d’une activité qui consiste à brûler les bois dans des charrettes (brûlots ou brouettes à feu), au fur et à mesure de la taille.

Autrefois, brûler les sarments de vignes avait au moins deux usages :

  • en cuisine :
    Pour bien déguster la poularde, il faut la mettre à la rôtissoire […] devant une claire flamme de sarments ; elle rôtit ainsi lentement pendant quatre heures, […]. Aucune chair n’est plus fine ni plus savoureuse.
  • en médecine :
    On a vu des succès merveilleux d’un remède très simple même dans les différents états des panaris […] Le remède consiste à mettre tremper la partie affligée dans une lessive chaude de cendres de sarment ; cette lessive […] fait couler en-dehors toute l’humeur : il ne reste plus qu’à appliquer les onguents ordinaires […] Dictionnaire de l’industrie ou Collection raisonnée des procédés utiles dans les sciences et les arts,…. Tome cinquième, par une Société de gens de lettres [dirigée par H.-G. Duchesne], Paris, chez Rémont libraire, 1795

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Les garrigues de Gordes, au pays de la pierre sèche


Au départ de Saint-Pantaléon, Yves nous emmène sur la commune de Gordes que tout le monde connait pour son village de bories, ensemble de constructions anciennes en pierre sèche, c’est à dire sans liant. Mais aujourd’hui, ce sera une découverte plus secrète, avec tout autant de cabanes en pierre sèche, mais abandonnées le plus souvent sans être interdites d’accès.

Le lien vers l’album

Nous partons de Saint-Pantaléon, la plus petite commune du Vaucluse, 216 habitants sur moins de 1 km2 ; c’est sans doute la raison pour laquelle l’application Google Photo a localisé par erreur son église à Gordes !
L’église romane de Saint-Pantaléon citée depuis le début du XIe siècle, nous attire par sa taille, sa forme singulière (triple absidiole saillante et voûtée) et ses tombes monolithes creusées dans le rocher qui se cachent à l’arrière du monument ; l’inscription funéraire dédiée à Lecto et creusée dans la pierre, pourrait faire remonter le lieu de culte au VIe siècle ou postérieurement. Les tombes rupestres datent du XIe ou du XIIe siècle, et plusieurs d’entre elles, ont la taille de jeunes enfants. En effet l’église Saint-Pantaléon ferait partie des « sanctuaires à répit », dans lesquels des enfants morts-nés reprendraient vie le temps de leur baptême. Eglise et rocher contigu sont classés par arrêté du 13 juin 1907. A l’intérieur un tableau du XVIe représente la décapitation de Saint-Pantaléon.

[Pantaléon de Nicomédie] était médecin à la cour de l’empereur Maximien, et fort apprécié pour ses connaissances et ses talents.
Converti au christianisme, il s’opposa aux prêtres d’Esculape, et soigna les malades au nom du Christ.
Malgré sa popularité auprès des populations, il fut dénoncé. Il échappa à 6 tentatives d’exécution, mais comme il refusait de renier sa foi, il fut torturé longuement et finit décapité.
[…] Il fut canonisé plus tard à Rome avec le nom italien de Pantaleone. Il fut alors déclaré patron des médecins. Pantaléon de Nicolmédie, selon wikipedia.

En route pour les garrigues de Gordes. Nous passons près de la barre rocheuse des Firmins dans laquelle une maison a été construite, partiellement dans la roche. Cachée derrière les arbres, une cabane de pierre sèche en forme de ruche d’abeille, forme symbole du parc du Luberon.

Un mur de soutènement gondole sous la pression de la terre qui gonfle. Une borne composée de pierres empilées devait situer l’entrée d’une maison aujourd’hui disparue : peut-être un des piliers du portail ?

Dans le clos de Denante, on trouve un vaste ensemble de constructions de pierre sèche. La famille Denante, originaire de Gordes, est éparpillée sur tout son territoire. Elle comptait aussi bien des personnes comme François de Nantes de la noblesse du Comtat venaissin que des cultivateurs. Sur plus de 12 ha, au début du XIXe, poussaient ici vergers et vignes, d’où l’abondance de cabanes servant de remises à outils ou d’abris. Il y en a tant que nous avons cru à un véritable hameau !
Un apié (pour abriter des ruches) dans un mur exposé au sud puis une ancienne bastide cossue (XVIIe ?) avec ses encadrements de portes et fenêtres en pierre de taille ; les fenêtres du 1er étage ont été bouchées sans doute à la révolution. On pénétrait dans la propriété par un portail qui annonçait déjà le standing du lieu. Mais où se trouvaient les cuves vinaires, compléments des cultures de vigne ? peut-être dans le sous-sol de cette vieille maison ?

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Crête de Lure, jas de Mathieu


Claude nous emmène sur sa montagne préférée : la montagne de Lure si belle et tranquille, et pourtant si méconnue. La crête ondule constamment, engendrant des cumuls de dénivelée qui peuvent devenir conséquents.

Les photos de la crête de Lure et du jas de Mathieu

La météo aujourd’hui à cet endroit
Avec la température ressentie

Pour marcher sur le toit du monde (expression de Giono), nous partons du pas de la Graille1 (1597 m), à l’est du sommet de Lure ; c’est un col qui permet de passer d’un versant à l’autre : côté nord vers Noyers sur Jabron et son ambiance alpine, côté sud vers Saint-Etienne les Orgues et la Durance.

Les belles tulipes australes aux couleurs jaune et orangé, sont plus rares que les tulipes sauvages de couleur unie ; les narcisses et l’orchis complètent le tableau printanier. Au loin, nous voyons le sentier sinuer et monter avec quelques rares arbres. Au niveau du croisement avec le sentier qui mène au cairn 2000 – que nous irons voir tout à l’heure – plusieurs lignes de collines se succèdent ; dans le bois de la Fayée2, on ne voit que la piste qui mène dans la vallée du Jabron ; au loin, je reconnais le pic de Bure et sa surface plane enneigée.

La tulipe australe, […] d’une vingtaine de centimètres de haut, et ne diffère extérieurement de sa cousine que par la présence de sépales rouges autour des pétales, qui donnent à la fleur un aspect « flammé » du plus bel effet, un peu comme sur certaines grosses tulipes vendues dans le commerce. Site antiopa

Après le pas de la croix, nous entrons dans une zone boisée de sapins ; l’extrémité du feuillage des arbres est de couleur jaune : sont-ils malades ?
Du pas de Jean Richaud, on peut accéder à Valbelle côté nord et à Châteauneuf Val Saint-Donat côté sud. Je me suis demandée qui était ce Jean Richaud ; un érudit du XIXe ? le notaire royal de Manosque ? ou simplement un berger de Valbelle qui a ouvert le passage pour relier les pâturages de Lure à son jas côté nord ? les Richaud sont si nombreux qu’un hameau porte leur nom !
Un fraisier sauvage se cache dans les herbes. Au loin, côté Sisteron, on dirait qu’une montagne a été fracturée en quatre morceaux en son centre ; après de longues recherches cartographiques je pense qu’il s’agit de la montagne de la Baume et des rochers Saint-Michel.

Dans une clairière ensoleillée, je repère une borne de transhumance à sa dimension et son chapeau de peinture rouge, telle que celle trouvée à la Gueide à Eguilles : c’est sans doute le balisage d’une voie de transhumance menant au jas en contre-bas.
Le cirque de Valbelle, vaste cuvette rocheuse, dresse sa façade de pierre verticale : impressionnante ! D’un point de vue géologique, c’est un anticlinal, pli d’une couche géologique en forme de dôme.

[…] l’anticlinal de Valbelle est un pli assez ample […], dont la voûte comme l’axe plongent vers l’est.
On assiste là à la terminaison par amortissement du mouvement chevauchant par lequel les chaînons des Baronnies méridionales ont été entraînés sous ceux de la Provence septentrionale. D’après geol-alp

Je me retourne : le sommet de Lure semble bien loin avec ses relais émetteurs du monde moderne ; parfois appelé signal de Lure, il rappelle qu’il fut l’un des points géodésiques ayant servi à établir pour la première fois la carte du Royaume de France.

Elle s’avéra 20% plus petite qu’imaginé. Louis XlV aurait dit avec humour à Cassini qui venait de la mesurer : Je vous ai subventionné et vous avez plus réduit mon territoire que l’ensemble des guerres de conquête de mes ennemis.
Les ingénieurs envoyés par Cassini lll et lV vinrent dessiner depuis le sommet de la montagne de Lure des éléments de la première carte de France voulue par Louis XV et achevée sous la Révolution. Selon moimessouliers.free.fr, Claude

Le sentier qui menait au jas de Mathieu n’est plus visible mais nous avons ses coordonnées ; nous suivons tant bien que mal Claude qui sinue entre les arbres avec agilité. Bientôt un repère orange scotché sur un arbre matérialise enfin un chemin envahi par les herbes et couverts de pierres plates ; c’est celui que nous cherchions.

Le jas de Mathieu est en bon état et toujours occasionnellement habité : on y trouve un toit, un puits et un évier, et même un lit ! nous nous installons pour le pique-nique.
Ce coin de la montagne de Lure garde en mémoire l’importance du pastoralisme grâce aux nombreux jas et cabanes de pierre sèche : jas d’Aubert, jas de Siran, de Nordon, jas des glacières, borie de Mathieu,…
Je pars en quête de l’écharpe que Marie-Françoise a perdue en cours de route, pas très loin, elle en est sûre. Le tracé de l’aller enregistré sur mon GPS me permet de faire en sens inverse notre parcours : ainsi, je la retrouve sans difficulté. Mais rappelez-vous que sans repères, cela peut être difficile !

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