Le refuge de l’Estrop, le refuge du chant du monde


Démarrons bien :

  • Prononcez « Estro » et non Estrop1
  • Partez en pleine forme, bien équipé, après une bonne nuit de sommeil : c’est une randonnée sportive qui vous attend. Itinéraire de 18km A/R, 900m de dénivelée en montée puis 900m en descente, 6h A/R. J’ai eu une pensée pour Catherine qui fait si souvent des randonnées sportives à la journée… et de si belles photos !
  • Réservez par téléphone votre nuit au refuge pour avoir le temps et la force de monter sur la tête de l’Estrop le lendemain. Il est probable que vous n’aurez pas de réponse immédiate du gardien du refuge car, pour que son téléphone capte les messages, il doit monter sur la crête. Ce qu’il ne fait pas tous les 5 minutes !

La France

img_8502r-224x300.jpgNous sommes dans les Alpes-de-Haute-Provence mais ce sont des coins typiques de montagne qui vous attendent. Prads Haute Bléone, est un village reculé au nord-est de Digne, où ont été découverts récemment quelques fossiles d’ichtyosaures. Nous partons près du lac des Eaux Chaudes, 5km plus loin, lac que nous ne découvrirons qu’au retour : il est si petit et si bien caché que seul un petit bout de bleu apparait en contre-bas aux regards attentifs.

La légende du lac des Eaux Chaudes : il y a bien longtemps, un dénommé Quatorze, treizième enfant d’une famille nombreuse, fainéant et mécréant, se mit à labourer sa terre un vendredi saint.  En ce jour de la Passion, Dieu ne supporta pas l’affront et dans sa colère, engloutit le paysan et ses boeufs en créant ici le lac des Eaux Chaudes. Chaque vendredi saint, les eaux s’agitent : c’est Quatorze qui demande pardon…

Nous sommes sur le GR de pays Tour du Haut-Verdon Nord. img_8469r.jpgimg_8464r.jpgimg_8473r.jpgLes paysages rencontrés se suivent sans se ressembler, les difficultés aussi. ça commence par un un large et long chemin presque plat qui traverse à gué le torrent de Male Vesse, côtoie quelques chalets à la Combe le long de la rivière avant d’entrer dans un sous-bois frais. Nous passons sur une passerelle construite par les gens du village pour traverser la Bléone. Au croisement avec le sentier qui rejoint le hameau de Favière, nous nous demandons déjà si ce ne serait pas plus court de passer par là au retour… ce que nous ne ferons pas.

img_8484r.jpgimg_8481r.jpgimg_0181.jpgQue dire de ce large pierrier qu’il faut traverser ou de celui qu’il faut remonter en glissant à chaque pas ? et ces interminables lacets qu’il faut monter sous le chaud soleil de ce début d’été ? nous entendons  une cascade, parfois nous l’apercevons aussi, comme la cascade de la Piche qui dégringole de toute la hauteur de la falaise verticale.

img_0192.jpgimg_0191.jpgAprès le passage de la vire rocheuse, le sentier étroit traverse un troupeau de moutons. Quelques brebis sont couchées mollement sur le sentier lui-même et refusent de partir à notre approche. Manifestement, elles sont proches de l’agnelage et c’est nous qui devons bouger. Comment font les autres pour ne pas tomber dans les pierres de cette pente raide ? Le berger et son patou ne sont pas loin. « Dans les élevages en extérieur, la brebis qui est prête à donner naissance à un agneau s’écarte du troupeau, ou bien elle s’immobilise et le troupeau la laisse en arrière au fur et à mesure qu’il s’éloigne en broutant. Elle cherche à s’isoler dans un endroit où elle peut construire un « nid », de préférence avec des herbes sèches (fourrage). La température de la brebis chute de 0,5° C dans les 48 heures qui précèdent la mise bas. […] Mais, surtout, la brebis arrête de brouter dans l’heure qui précède l’agnelage. »

img_01971.jpg« Tous les moutons2 ont tendance à se tenir à proximité des autres membres du troupeau, […]. Les agriculteurs exploitent ce comportement pour garder les moutons ensemble sur des pâturages non clos et pour les déplacer facilement. On peut aussi dresser les moutons pour qu’ils restent sur des pâturages bien précis non clôturés sans qu’ils aillent errer librement dans les zones environnantes. Les brebis enseignent ce comportement à leurs agneaux […] « . Extrait de l’encylopédie wikipedia

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Tour de César, du prévôt ou de la Keyrié ?


img_6198r.JPGDéjà deux interprétations différentes pour l’origine de la Keyrié : soit une mauvaise transcription du provençal « Queirie » = qui est de côté (selon le site Geneprovence) ; soit du provençal s’enqueyrar (se battre à coup de pierres), parce que les enfants s’y battaient à coup de pierres, ou même origine que Queyras= grosse pierre carrée…

La météo de ce jour à cet endroit :
Direction du vent et température ressentie

foret_geree_durablement.jpgchevres_keyrie.jpgUn grand classique de la campagne aixoise. La promenade sur le plateau de la Keyrié, sur une large route forestière, est tranquille, pour peu qu’on n’y rencontre pas le berger bourru et img_6206r.JPGquelque peu agressif (il n’est pas toujours comme ça, semble-t-il…) qui vous accuse de gêner le cheminement de ses chèvres et ne veut pas qu’on prenne celles-ci en photo ! ce troupeau entretient le massif, moyen de prévention contre l’incendie, mais aussi un moyen de limiter l’extension du marché foncier. Le long du parcours, plusieurs miradors en bois, pas très hauts : pour la surveillance des troupeaux ou pour la chasse à l’affût ?

Anémone palméeophrys_provincialis.jpgFortement exploités, les chênes verts se présentent sous forme de souches. Des fleurs rares et protégées poussent dans ce coin : l’anémone palmée poilue avec des fleurs jaune vif : disparue en 1970, elle a réapparu en 1999 ; l’Ophrys de Provence, une orchidée que l’on ne rencontre que dans le sud de la France de mars à mai ; dans les parcelles agicoles des tulipes oeil-de-soleil, fleur rouge aux pétales terminés en pointe. Si vous avez la chance d’en voir au printemps,  mangez-les des yeux mais ne les cueillez pas.

img_6201r.JPGNous discutons quelques minutes avec les ouvriers qui restaurent la tour en vue d’en faire une vigie. La porte d’accès à la tour située en hauteur et sans escalier, interdira toute intrusion, à moins que d’amener sa propre échelle comme le feront les garde-forestiers. Cette réhabilitation fait partie du projet territorial du Grand Site Sainte-Victoire. A la regarder de près, je m’aperçois que sa consolidation a été un peu bâclée. Je suppose que plus de 600 ans après sa construction, l’urgence a dû prévaloir puisque c’est la dernière tour de cette époque encore debout. Les possesseurs d’un GPS de randonnée y trouveront une borne IGN Saint-Marc Jaumegarde 01 en granit (43°32’50.2950N, 05°29’18.9638E système RGF93) sur laquelle ils pourront poser leur appareil pour vérifier l’exactitude de leur positionnement. Dans le cas de mon eXplorist  210, la précision est de l’ordre de deux à trois dixièmes de seconde.

Tour cylindrique de 15m de haut, évasée à sa base, elle porte plusieurs noms : la tour de la Keyrié, banale démonination géographique, mais aussi improprement connue sous le nom de tour de César, peut-être à cause d’une  confusion avec la tour qui était au nord, « celle d’Entremont, qu’on dit avoir été bâtie sur les ruines d’une plus ancienne, dont la construction remonterait au temps de César ». Les rues d’Aix ou Recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence, Roux Alpheran, Typographie Aubin, 1846. Mais aussi la tour du prévôt, car en 1383, le chanoine Isnard, prévôt du chapitre d’Aix-en-Provence, l’aurait fait élever pendant les troubles occasionnés par la succession de la Reine Jeanne. Bruno DURAND, Saint-Marc Jaumegarde à travers les âges, Aix-en-Provence, 1964.

Ce dont on est sûr, c’est que c’était une des nombreuses tours de guet à signaux devant prévenir les habitants de l’arrivée d’ennemis venant de la Haute-Provence… ou d’Afrique selon d’autres.  Les gardiens étaient chargés d’allumer de grands feux pour avertir les gens de la campagne du danger, du plus loin qu’ils l’apercevraient. On sonnait les cloches de toutes les églises, et les paysans se retiraient aussitôt dans la ville dont on fermait les portes sur eux.

img_6214r.JPGimg_6210r.JPGAu retour, la Sainte-Victoire me surprend : difficile à reconnaitre car, de ce côté, elle échappe aux clichés touristiques. Est-ce bien la barre du Cengle sur la photo de gauche ?

Une manière de revisiter ce grand classique de la balade familiale, c’est de chercher Keyrié, le trésor caché par l’équipe de geocacheurs audeclar. A peine 5km aller-retour, 46m de dénivelée (tour_cesar_itinéraire) ; si vous trouvez la barrière ouverte, ne vous aventurez pas en voiture, vous risqueriez de la trouver fermée au retour ! On peut partir de Beauregard également par la CD63c puis le chemin noir.

Au printemps ouvrez les yeux !

Sur les traces de la transhumance à Roubion


img_0014r.JPGNon pas 10, non pas 100, non pas 1000 mais 2000 moutons dévalent la pente de la montagne en soulevant de la poussière qui cache le reste du  troupeau et le berger qui les accompagne. Un concert de sonnailles, cesinstruments de musique du bétail en montagne, qui font que l’homme ne s’y sent plus seul, les animaux ne se dispersent, ne sont pas victimes des vipères, et sont plus facilement repérables en plein brouillard, quand leurs propriétaires vont les voir. (Extrait du site Daban, fabriquant de sonnailles)
Derrière mon arbre, je n’ose plus bouger : les moutons passent de chaque côté, en file indienne ininterrompue. Un bouc s’arrête face à moi pour déguster la feuille de « mon » arbre. Il me regarde avec ses yeux noisette exorbités, je l’observe sans bouger ; un pas de côté, il sursaute. Je n’ose plus bouger jusqu’à ce que le troupeau m’ait dépassé. Moment intense.
Télécharger la séquence vidéo (durée 33s, 2.18Mo, format windows media player)

img_0015r.JPGimg_5436r.JPGNous questionnons le jeune berger, souriant et placide, à qui nous signalons quand même que quelques brebis égarées bêlant dans le fond du vallon. Elles suivront plus tard ! nous assure-t-il. Mais une heure après, elles sont encore  là. Les chiens de garde n’ont pas quitté l’essentiel du troupeau ; les chiens de berger sont venus à notre rencontre, le plus jeune recherchant des témoignages d’affection. Dès qu’il en eut reçus de mon compagnon de route, il n’a pas arrêté d’en réclamer. Prudente – c’est déconseillé…, j’ai préféré ne pas le caresser.

img_0008r.JPGAvant la borne 102 en direction du col des Moulines, nous avions lu le S.O.S. montagne accroché sur un arbre : mon sac à dos est plein d’objets de secours mais je n’ai pas de sifflet !

img_5456r.JPGNous continuons à suivre la crête jusqu’au sommet du mont Brussière (1955m), tout en jetant un œil en arrière vers les brebis égarées qui pleurent à vous fendre l’âme (cliquer sur la photo de gauche). Les sentiers sont ceux des moutons que nous pouvons suivre à la trace. Un énorme cairn marque le sommet. Le parc du Mercantour commence à nos pieds. Je m’assois un instant pour savourer la vue à 360° parfaitement dégagée. Le temps est doux en ce 22 septembre : même les deux roubionnaises en quête d’improbables champignons, en sont inquiètes. Habituellement, le froid est déjà là.

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Retour au col de la Couillole « à l’intuition », en zig zag sur les pentes verdoyantes. Il nous faudra descendre dans le vallon, sans savoir si un obstacle incontournable ne se présentera à nos yeux. Ouf ! je vois le sentier du col où un rassemblement de motards s’est installé pour le repas. Nous déjeunerons sur la table qui reste, ravis d’avoir pu partager un moment de forte tradition autour de la transhumance. Le dimanche suivant, ce sera la fête à Roubion : du hameau des Buisses au village, les volontaires pourront accompagner le troupeau.

Retour par Beuil où nous irons voir Maryse pour acheter du fromage de chèvre, frais, très frais même. Nous l’avions goûté à Roubion chez notre logeuse et il nous avait conquis.

Vidéo sur la fête de la transhumance 2006 à Roubion

Notre trace vue dans GoogleEarth (8.240km, dénivelée 290m, 2h30 env)