Tête du marquis et vallon des Sepas


Contrairement à la plupart des randonneurs qui stationnent à Vauvenargues, ce n’est pas du côté de Sainte-Victoire que je pars mais côté opposé du côté de la Tête du Marquis : parcours moins connu mais qui offrira, je l’espère, de beaux points de vue sur la montagne mythique des Provençaux.

Le GR9Le château de VauvenarguesLe GR 9 grimpe à l’assaut du plateau et n’a rien de facile : passages rocheux, pas nécessitant un peu d’attention ; le château de Vauvenargues joue à cache cache entre les bosquets. Le tracé du GR ayant un peu changé à proximité du plateau, guettez bien les traces rouges et blanches.

Mur de pierre sècheAncienne charbonnièresortie du GR9 sur le plateau

Progressivement le couvert forestier se raréfie, les rochers parsèment le sol : nous arrivons sur le plateau après avoir croisé des vestiges d’activités d’autrefois : un mur de pierre, une ancienne charbonnière, des ruines de cabane.

Crête sous les nuagesAu carrefour de quatre pistes, celle qui mène à Saint-Marc, large et facile, traverse le plateau désert ; passant sous le mamelon de la Tête du Marquis, elle offre une vue moutonnée sur la Sainte-Victoire : crête et nuages se confondent ; Monolithe de pierre ?de curieux monolithes de pierre sont plantés dans les champs : délimitaient-ils autrefois des champs ? Le lac de Bimontles 4×4 des chasseurs stationnent près d’une fenêtre ouverte sur le lac de Bimont. Serai-je obligée de changer mon itinéraire pour éviter de me trouver dans un vallon dans lequel les chasseurs rabattent le sanglier ?

Les chasseursJe délaisse la longue piste du plateau pour prendre celle qui mène aux ruines du jas de la Keyrié, ruines que je ne trouverai pas. Une battue étant annoncée, je quitte la direction du Terme1 de Judas ; j’emprunte le vallon des Sepas, d’abord accueillant et clairement visible. Progressivement, il se rétrécit, dévoile quelques champignons : celui de la première photo ressemble à une amanite rougissante, conique avec des  squames blanches sur le chapeau. Bientôt le sentier titube sous Champignon conique à pelures blanchesun couvert végétal plus sombre, plus sauvage et plus inquiétant ; Champignonsles sangliers ont fouillé la terre à plusieurs endroits. Alors que je croyais les éviter, je commence à craindre de les rencontrer, dévalant le vallon à toute vitesse alors que je le monte à vitesse d’escargot.

J’accélère le pas, pressée d’en sortir : finalement, Sortie du vallon des Sepasje me trouve coincée dans les broussailles d’une forêt touffue où le bois mort craque sous mes pas et où les branches basses m’agressent ; plus de sentier ; j’avance et recule, change de direction plusieurs fois ; quelques mètres seulement me séparent d’une vraie piste ;  stress ; c’est mon GPS qui me sauvera grâce à l’itinéraire préparé avant de partir. Face à la trouée de la sortie providentielle du vallon, je m’assois pour reprendre mon souffle.

Sainte-Victoire et la Croix de ProvenceIl y a encore un sommet à passer à 625 m d’altitude ; sur l’autre versant, le sentier rejoint le carrefour de pistes : Saint-Marc – Venelles – Terme de Judas d’un côté / GR9 Jura Côte d’Azur – le petit Sambuc – Jouques de l’autre. Je redescends par le GR9 : quel contraste avec les pistes plates et linéaires du plateau de la Keyrié !

Une randonnée inédite au dénivelé cumulé assez important donc de difficulté moyenne ; mieux vaut ne pas la faire seul en hiver à moins d’aimer l’aventure !

teteMarquis_itineraireImage de l’itinéraire 14km100, 241m dénivelée (+ 827, -827), 4h45 déplacement (4h au total)

1Terme : borne limite de territoire ; ici, il s’agit du point limite des communes de Peyrolles, Vauvenargues et Venelles.
Le dieu romain Terme, de la famille des Faunes et des Sylvains, était le protecteur des bornes que l’on met dans les champs, et le vengeur des usurpations. Le dieu Terme fut d’abord représenté sous la figure d’une grosse pierre quadrangulaire ou d’une souche ; plus tard on lui donna une tête humaine placée sur une borne pyramidale ; mais il était toujours sans bras et sans pieds, afin, dit-on, qu’il ne pût changer de place. Extrait du dicoperso

Les sauts du Cabri à partir du Caïre de Sarrasin


Les sauts du Cabri : le point de vue du randonneur, c’est que c’est drôlement difficile de l’atteindre par les gorges du Carami à partir de Tourves. Des gorges profondes, de plus en plus étroites et encombrées de blocs rocheux. Le point de vue de l’ethnologue, c’est aujourd’hui que nous allons le découvrir en partant du plateau au-dessus des gorges. L’eau sera donc notre thématique. C’est Philippe Hameau de l’ASER Centre Var, qui nous guide.

La Caire de Sarrasin a son pendant sur l’autre rive du Carami : la Caire de Piourian, avec une ancienne mine de bauxite de chaque côté. Pourquoi l’IGN en a-t-elle fait un substantif féminin alors que la préfecture en fait un substantif masculin ? écrit « Caïré » sur le cadastre napoléonien, ce toponyme ne m’aide pas à en trouver l’origine. Mireille, qui prend des cours de provençal, et Laurence m’ont proposé « du côté de  » : du côté de Sarrasin et du côté de Piourian, et ça me convient bien. Jean Nicod affirme que cela désigne les lapiaz, fissures calcaires résultant de l’infiltration de l’eau.

Malgré l’exploitation de la bauxite et les travaux d’irrigation, l’environnement n’est guère urbanisé. Aller au Carami, c’est donc aller au delà de l’espace villageois […] pour pénétrer dans un autre contexte spatial […] très différent du premier et où les règles sont autres.

le plateau vu des bords du CaramiGous du casqueComme les jeunes du village, nous longeons la rivière en passant par les « gous »1 auxquels ils ont donné des noms : le gous bleu à la confluence du Petit Gaudin et du Carami, le gous du casque dominé par une petite falaise de 4m de haut dans lequel on aurait trouvé un casque militaire, allemand peut-être ; ici pas de trou à moins que l’on admette qu’il est constitué chaque été par la construction d’un barrage de galets et de branches.

Gous du mariageLe sentier continue ; les falaises s’élèvent sur les deux rives ; le Carami s’engouffre dans une vasque semi circulaire de 5m de diamètre. La coutume veut que l’on fasse ricocher un galet sur la surface de l’eau pour le faire entrer dans la fente du rocher. le nombre de ricochets indique le nombre d’années séparant le lanceur de son mariage ! c’est donc le gous du mariage.
Selon les géologues, quand la Sainte-Baume s’est soulevée, la pente de la rivière s’est accrue, sapant progressivement les parois et la voûte du tunnel.

Lancer un caillou dans un trou, vous l’avez sûrement déjà vu comme par exemple dans un oratoire. Durant les pélerinages à Notre Dame de Paracol, la coutume est de jeter un caillou dans la niche de chaque oratoire. Si l’on vise juste, on a des chances que les voeux soient exaucés… Chapelles de Provence, E.Bousquet-Duquesne, Editions Ouest-France, 2009

tête de tortue (photo A. Touvier)Une grande tortuePlus nous avançons plus les rochers de chaque côté s’élèvent et plus l’impression de chaos rocheux se renforce. Des figures fantastiques semblent surgir du Carami. Ici une grande tortue, là un visage humain. La progression devient plus difficile.

Cabris (photo A. Touvier)tombera, tombera pas ? photo A TouvierLe saut du Cabri est un endroit spectaculaire, où le Carami incise les calcaires du plateau. En levant la tête sur la crête rocheuse, on peut comprendre pourquoi il s’appelle ainsi : merci André d’avoir capté les sauts des cabris en haut des barres rocheuses.

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L’ubac du Grand Cabriès


Qui connait l’ubac du Grand Cabriès du côté du Tholonet ? A partir du parking du Toscan, tout le monde se dirige habituellement vers la Sainte-Victoire mais personne ne se retourne vers cette colline au sud qui se nomme le Grand Cabriès. Ayant un rendez-vous à midi, ce matin tôt je me prépare donc une petite boucle pour le découvrir ; elle part du Tholonet, passe à Beaurecueil en empruntant un petit bout du GR 2013.
Un véhicule passe sur le parking du Toscan où je suis seule à me garer ; il repasse une minute plus tard, quitte à nouveau le secteur et revient ; m’inquiétant de son manège sur un parking connu pour les vols dans les voitures, je le surveille un certain temps avant de me mettre en route.

le canal de ProvencePiste forestière Grand CabrièsJe suis surprise de découvrir un siphon, et un canal qui zigzague parallèlement au sentier sans être signalé sur la carte ; il vient du barrage de Bimont, passe par l’aqueduc de Doudon puis se dirige vers Marseille ; les oiseaux bruyants s’envolent à mon approche, pas de chasseur.

La piste monte jusqu’à un modeste sommet, laissant parfois entrevoir entre les arbres un petit bout de la Sainte-Victoire. Aperçu de la croix entre deux arbres de l'ubac du grand CabrièsLa cheminée de l'usine de GardanneRien de spectaculaire ; une pinède qui ressemble à celle d’en face avec une piste parfois ravinée par les pluies. Je rejoins la route bordée de nombreuses et belles propriétés privées d’où la cheminée de Gardanne émerge fièrement.

Vignes et montagne Sainte-VictoireoratoireAprès la Bouscatière, c’est la voie aurélienne, une longue route fréquentée surtout par les riverains, qui se maintient à une altitude de 210m environ, passe devant des haras à droite : à partir de là, c’est le GR 2013 balisé rouge-jaune ; un GR 2013oratoire à gauche, la rivière de Bayeux, les vignes du château Bonnaud, Champ de vigneset une vue complète sur Sainte-Victoire jusqu’à l’entrée de Beaurecueil. Il est même possible de photographier la montagne en évitant les disgracieuses lignes à haute tension.

Les Costes Chaudes depuis BeaurecueilVue sur la Sainte-Victoire depuis Beaurecueil

A la D58k (carrefour avec la croix et la fontaine), fini la tranquillité : avec le beau temps, les automobilistes sont de sortie et il n’y a pas de trottoir. Je vous suggère de longer le champ de gauche à peu près jusqu’au moulin plutôt que de marcher sur la route.

Chateau Beaurecueil entrée (Google earth)cartes-postales-photos-Le-Chateau-de-Beaurecueil-BEAURECUEIL-13100-13-13012001-maxiAu carrefour suivant sur la droite, le château de Beaurecueil et sa belle terrasse ; j’en avais entendu parler lorsque j’avais lu Une petite commune du pays d’Aix : BeaurecueilJean Ganne, 1999 ; il est désormais un résidence de retraite de l’Office national des Anciens Combattants ; mais que d’histoires il a connu !

On sait que le fief fut racheté en 1548 par Pierre de Cormis, parlementaire aixois. Il avait deux châteaux dont il prit grand soin : celui de Roques-Hautes et celui de Beaurecueil dans lequel, en 1648,  vivaient 14 adultes et 4 enfants ; Beaurecueil avait alors 101 habitants dont la moitié avait signé un bail emphytéotique avec le seigneur pour mettre en valeur des terres incultes. Le plus célèbre emphytéote est sans nul doute l’abbé Aubert qui a réalisé les travaux pharaoniques du prieuré de Sainte-Victoire. Il possédait une maison à Roques-Hautes.

Le château de Beaurecueil est reconstruit par Louis De Cormis en 1654. Vers la fin du XVIIè, le seigneur, militaire, n’est plus présent à Beaurecueil. En 1715, il vend son domaine à Joachim Claude Laugier. En 1777, il vend le domaine à Pierre d’Aillaud de Vitrolles. Puis Gallifet, du Tholonet, récupère à nouveau le domaine. A la révolution, ses biens sont vendus en tant que biens nationaux, le marquis ayant émigré. J.L.M. Arlatan le rachète puis le revend à la fille aînée de Gallifet (racheter le bien de son père, un comble tout de même !) qui le revend à J.M. Vachier en 1849. Le château de Beaurecueil est vendu en 1853 à l’abbé Fissiaux, premier secrétaire général de la congrégation Saint-Pierre es-Liens. Il y installe une colonie agricole pénitentiaire, une ferme modèle qui accueillera jusqu’à 250 détenus. Il a reçu la médaille vermeil pour l’ensemble de ses produits en 1857 au concours agricole.

De l’origine, il ne reste que la première tour datant du xve siècle, un parc ombragé de vieux platanes dont la grille imposante fait face à l’église du village.

Entrée de la ferme de BeaurecueilLa cour de la Ferme de BeaurecueilLa Ferme de Beaurecueil, qui abrite aujourd’hui les salariés du Grand Site Sainte-Victoire, est un bâtiment dont la rénovation a été sélectionnée dans l’appel à projet région PACA « 100 rénovations exemplaires ». Depuis mai 2013, le CPIE du Pays d’Aix (Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement) et le Syndicat Mixte du Grand Site Sainte-Victoire ont monté un projet d’animation sur les bonnes pratiques de la rénovation énergétique autour de ce bâtiment : « Les rendez-vous de la réhabilitation durable ».

A côté le restaurant la table de Beaurecueil : la fille de René Bergès, l’illustre chef triplement étoilé du Relais Sainte Victoire, s’est mariée à un cuisinier, Ronan Duffait. […] Sa fille et son gendre poursuivent la saga dans cette ancienne ferme du 19è siècle rénovée.

A nouveau je retrouve les dangers de la D46 qui rejoint la route du Tholonet ; c’est cette dernière qui me fera le plus peur car, à part marcher dans le fossé, il n’y a ni trottoir ni espace piéton le long de la route Cézanne toujours fréquentée par beau temps ; pour ceux qui ont le temps, mieux vaut emprunter le sentier de randonnée dans le vallon du Marbre démarrant au parking de l’Aurigon.

Les terres rouges du ToscanPeu avant de retrouver le parking du Toscan, j’observe les ondulations grassouillettes des argiles rouges caractéristiques de cette partie de la montagne Sainte-Victoire. Les élèves de l’école de Beaurecueil écrivent :

Il y a 160 millions d’années, notre région était couverte par une mer profonde et froide. Au fond, de la boue s’est déposée. Elle s’est transformée en roche dure et rouge : la marne.

Une balade familiale avec plus de routes bitumées que de pistes et sentiers : mieux vaut le savoir.
ubac gd cabries_trace_panoImage de l’itinéraire 8km180, 2h15 au total, 2h déplacement, dénivelée 100m (+264 -264)

càbri : chèvre ; cabrié : chevrier