Sur les traces de l’ancien canal du Verdon depuis Puyricard


L’avantage du canal c’est qu’il n’y a pas beaucoup de dénivelée ; le site est proche de mon domicile, donc dans le cercle de 20 km du deuxième confinement. La plupart du temps, je suis partie du cimetière paysager du grand Saint-Jean qui a beaucoup de places de parking. A l’intérieur du cimetière, les chiens doivent être tenus en laisse ; il est interdit de photographier et de filmer.

En face, l’immense propriété du Seuil achetée vers 1670 à Charles d’Estienne, sieur de Saint-Jean de la Salle ; l’abbé P.-J.-M. Roustan, Notice historique sur Puyricard, Aix, 1857, dit qu’elle a été agrandie en 1671 par Antoine de Michaelis, consul d’Aix, qui fit construire le château.
Comme nous sommes en zone péri-urbaine, il y a forcément de la marche sur route ; au départ du cimetière, j’ai pris une sente parallèle à la route sur quelques dizaines de mètres jusqu’aux services d’entretien des jardins ; au niveau du Petit Seuil1 où poussent des oliviers sur la gauche, j’ai marché le long du champ. Pour rejoindre le canal, il reste une route peu fréquentée.

La réalisation d’un cimetière fut donc envisagée dès 1975. Le domaine du Grand Saint Jean, légué par la famille d’Estienne de Saint Jean à la Ville, fut retenu comme site d’accueil et 45 ha sur les 200 que comptait le domaine du Grand Saint Jean furent réservés à cet usage. […] Des voiturettes électriques permettent d’assurer le transport des personnes âgées ainsi que des personnes à mobilité réduite. Le cimetière est régulièrement utilisé comme décor de tournage pour des séries télévisées. Selon le site de la mairie

Quand j’arrive au niveau de l’ancien canal du Verdon (bon à savoir : possibilité pour une voiture de se garer sur le bas-côté droit), je suis étonnée de le voir en eau. Construit de 1866 à 1875 pour amener l’eau du Verdon à Aix-en-Provence, il est désaffecté depuis 1969. Les techniciens qui y travaillent sont surpris de mes interrogations :  c’est le canal de la Trévaresse, s’il n’y avait pas d’eau, les riverains ne seraient pas contents !  me disent-ils en souriant. La prise d’eau de cette branche se trouve à la Campane à Venelles d’où un autre canal de dérivation sert à remplir le barrage de Bimont. Le Canal de La Trévaresse, ouvrage plus ancien que le Canal de Provence, a donc été modernisé et intégré à l’infrastructure, et garde donc un rôle essentiel pour l’alimentation des réseaux au nord et à l’ouest. Cette branche comporte un canal de 10 km de long, neuf réserves, cinq stations de pompage et un surpresseur.

Une série de seuils en bec de canard est destiné à diminuer le temps de transit entre le bassin de régulation et la réserve de la Barounette. De plus, afin de ne ne pas vider le canal (temps de remise en eau très important) il est nécessaire de maintenir un débit minimum de 30 l/s. Yann Viala, Intégration d’une commande multivariable pour la régulation des canaux d’irrigation. Application à la branche d’Aix Nord du Canal de Provence. Automatique / Robotique. ENGREF (AgroParisTech), 2004

Pauline Rio, Pauline Rio, Analyse diagnostic de l’agriculture dans la région de la Trévaresse (mémoire), AgroParisTech, SCP, 2014

Me voilà le long du canal ; au début, à droite des vignes, à gauche des bois ; le canal à section rectangulaire est protégé par des dalles de pierre horizontales posées sur des pierres verticales ; à Venelles, la section du canal du Verdon avait la forme d’un trapèze plus ou moins évasé, cela avait une incidence sur le débit. De temps à autre, des grilles placées tête-bêche, l’une reposant sur une berge, l’autre sur la berge opposée, sont installées dans l’eau du canal. Pour retenir les branches qui tomberaient dans le canal, pour ralentir le débit ou… ? Merci à Bernard Sabatier du Service de valorisation du patrimoine historique de la SCP pour la réponse :  Les grilles sur la photo 564 sont là pour permettre aux animaux qui seraient tombés dans le canal de pouvoir ressortir seuls. 

Le canal rejoint la route de Rognes qu’il me faut traverser. Mais de l’autre côté une grille en barre le passage ; je sais que certains ont trouvé le moyen de passer mais j’ai choisi de continuer sur le chemin du Seuil (privé mais non interdit – voir ci-contre) qui passe sous le canal ; sur la gauche le domaine de Collavery, petit producteur viticole à Saint-Cannat, dont les vins se vendent au Cellier d’Eguilles ; je rejoindrai la berge 250 m plus loin. Le canal du Verdon zigzague parfois en virages serrés car il fonctionnait par gravité et devait suivre une pente régulière ; de nos jours, le canal de la Trévaresse fonctionne par aspersion. Vous verrez même une ancienne martellière que l’on faisait fonctionner à la main pour irriguer les terres au moment de son tour d’eau.
Variante 1 : ne pas remonter sur le canal mais continuer le chemin jusqu’au portail du petit domaine du Cros à Saint-Cannat :  construite en 1739, cette bastide servait au XIXes. de relais de chevaux à la famille Double, des armateurs marseillais  selon le Guide Hachette des vins ; par un bon sentier montant à droite, rejoindre la petite passerelle métallique sur le canal.

Au niveau de ce ponceau, je grimpe dans la colline qui passe à côté des ruines de la Maison Blanche. Cette ferme était une des six fermes incluses dans le vaste domaine de la Trévaresse de 850 ha au début du XXe siècle, domaine qui fut vendu aux enchères forcées en 1934.
En haut, j’arrive au niveau de l’antenne et de la route qui mène à l’Etape, Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) installée dans le domaine de la Trévaresse et qui n’accueille que des hommes en difficulté. En 1946, ce centre, issu d’une rencontre entre le Père Aune et Jean Didier, accueillait des détenus. L’Etape fait partie d’un dispositif national d’insertion assuré par une dotation de l’Etat. L’Etape, Rognes

J’ai reçu des numéros, j’en ai fait des hommes. Ceux-ci sont divisés en cinq équipes. Toutes portent le nom d’un héros de la Résistance tombé dans la lutte contre l’allemand. […] Beaucoup resteront ici jusqu’à leur mort. […] Le père Aune, extrait de Ce soir, 28 mars 1946

Au  carrefour avec la route de Rognes, il y a un oratoire dont la construction ressemble fort à celle de Sainte-Philomène à Charleval (à voir dans les collines de Charleval) : pierres de taille, à base carrée, une niche séparée de la base par une corniche, rehaussé de trois marches.
Qui me dira de quel saint il s’agit ?
8/12/2024 : j’ai enfin trouvé ! il s’agit de Saint-Dominique, fondateur de l’ordre des frères Prêcheurs (Dominicains) ; la torche enflammée fait référence à une vision de sa mère qui vit un chien tenant en sa gueule une torche enflammée, alors qu’elle était enceinte de lui. https://www.maintenantunehistoire.fr/la-belle-histoire-de-saint-dominique/ la petite construction […] a été érigée en 1950 par les soins du R.P. Aune, dominicain directeur-fondateur de la maison de redressement des prisonniers de !’Etape ( .. . ). […] La bénédiction par le Père Aune eut lieu le 15 octobre 1950 devant un public nombreux. Le félibre Bruno Durand y lut un poème de sa composition. Les oratoires de Rognes, Michel Barbier, LES AMIS DU VIEUX ROGNES ANNALES 24 (2000)

-> Pour information : la piste menant à l’Etape (chemin de Collet Redon), et la DFCI TR100 sur la crête de la Trévaresse au niveau de la propriété du château du Seuil, sont des voies privées interdites à la circulation même piétonne. 

Je traverse prudemment la route et vais suivre un sentier bossu qui longe la route ; ainsi, je peux retrouver le canal de la Trévaresse au carrefour de la D543 et du chemin de Collavery. C’est là qu’un cycliste manifestement ennuyé, regarde son téléphone pour essayer de trouver un chemin, et non une route, pour Rognes. Nous consultons la carte IGN Iphigénie pour n’en trouver qu’un qui s’arrête à l’oratoire ; ensuite c’est la route ; il fera demi tour…

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La Thomassine sur les chemins de la Résistance


La Thomassine, Manosque : j’y suis allée plusieurs fois mais il y a toujours quelque chose à apprendre. Plus possible de se garer sur le parking de la maison de la biodiversité fermée, je me gare donc sur le côté : heureusement, il n’y a personne d’autre.

La météo ce jour à manosque/04 :
Avec le vent et la température ressentie

Lors de mes premiers pas, je suis accueillie par le bruit d’un vieux klaxon enroué, genre trompette à air ; pas de véhicule des années 30 donc il s’agit bien d’un oiseau. Le geai des chênes peut-être.

Ses vocalisations consistent surtout en cris rauques, traînés, enroués, chuintants, voire soufflés, et il est aussi capable de pots-pourris variés, surtout lors des rassemblements printaniers. La femelle émet alors des sons rythmiques et cliquetants, qui rappellent les castagnettes. Dans le secteur du nid, l’oiseau fredonne un babil très doux, riche en sons modulés. Comme d’autres corvidés, le geai est doué pour les imitations. Il reproduit les cris de quantité d’autres oiseaux, et certains bruits de machines et de klaxons de voiture figurent même à son répertoire ! Encyclopédie Larousse

Les bizarreries continuent : quel est cet animal qui siffle comme une marmotte ?  ce n’est pas les Hautes-Alpes, serait-ce encore un autre animal imitateur ?

Première partie dans le domaine de la Thomassine dont je vous ai déjà parlé : l’âne a trop chaud, la mine d’eau ici cache son secret. Jusqu’à la citerne enterrée, le sentier est bien repéré. Ensuite c’est à vue qu’il faut se diriger dans la prairie en forte pente, direction N.-E 30° car il n’y a guère de repère visuel. Si l’aventure ne vous tente pas, l’option est de continuer la piste forestière qui décrit une large boucle vers l’ouest et passe à côté de la ruine des Tours.

La montée dans la prairie est plutôt raide ; sur la gauche, des ruines, vestiges d’un bâtiment à plusieurs étages, ont la forme élancée de tours entourées de pins : la bâtisse Les Tours (cadastre napoléonien section B 1ère feuille) a servi d’abri pour les maquisards. Dans l’écorce d’un arbre, une toile d’araignée en tube avec la particularité d’une collerette bien visible entourant le trou, pas très fréquent : une segestria ?

Je quitte la partie à découvert pour entrer en sous-bois ; quelques modestes cairns de pierre, peu de temps avant de rejoindre le chemin de Saint-Martin-les-Eaux (St-Martin Renacus autrefois) à Manosque, jalonnent la fin de ce parcours hors piste. Je retrouve la piste LUB V12. Une soixantaine de mètres plus loin, un sentier balisé – Résistance Pellegrin 300m Comité du Patrimoine manosquin – mène à la ferme Pellegrin.

A l’entrée du chemin le panneau d’information délavé et presque illisible, qui m’avait tant impressionnée en 2009 (Lire Les sentiers de Bellevue) : j’entre dans la zone de stockage souterrain d’hydrocarbures liquides et gazeux ; si j’entends un sifflement de réacteur d’avion, je dois m’éloigner le plus vite possible. Au nord, les deux bassins de rétention contenant la saumure nécessaire aux mouvements de stockage et de déstockage des hydrocarbures.
Explication dans Saint-Martin Les Eaux.

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Du château de la Barben à la chapelle de Sufferchoix


Juin 2021 : le parking ci-dessous est désormais privé (propriété du nouvel acquéreur du château et du spectacle Rocher Mistral) ; se garer sur le parking du zoo

Départ du parking près du château de La Barben, château que je n’ai jamais visité, me contentant d’un arrêt au zoo juste avant. Le parking du départ de la randonnée se trouve après le zoo et le pont du château sur la Touloubre ; quand j’y suis retournée deux semaines plus tard, le parking était marqué ‘privé’. Ce changement précède sans doute les travaux d’aménagement pour le projet de parc d’attractions ‘le Rocher Mistral’. Le nouveau propriétaire Vianney d’Alançon compte développer des spectacles vivants inspirés de l’histoire du site et d’œuvres d’écrivains et poètes comme Frédéric Mistral, Alphonse Daudet, Jean Giono, Marcel Pagnol. Comme au Puy du Fou, il fera appel à des bénévoles pour les spectacles.

Projet Rocher Mistral sur le journal 20-minutes

La météo ce jour à la-barben/13 :
Avec le vent et la température ressentie

Notre randonnée débute le long du Lavaldenan, une rivière bordée de hauts arbres garantissant la fraicheur ; les abords sont dominés par les classiques chênes pubescents et chênes verts mais plutôt de grande taille. En 1813, le Lavaldenan s’appelait le Vabre : comment est-on passé de l’un à l’autre ? A mi-distance entre deux boucles de la rivière, une petite mais massive construction carrée attise notre curiosité. Ce pourrait être un abri  rustique pour garde assermenté – il en existe encore un à la Barben ou un poste de chasse.

La montée jusqu’au quartier de l’Homme Mort commence raide sur le rocher ; au premier carrefour de pistes, nous continuons vers le nord puis, sur le plateau, en sous-bois, nous prenons le sentier sous la chapelle de Sufferchoix, notre objectif. Bien avant de la voir en grand, on reconnait au loin sa forme ronde et son clocher en forme de pyramide. Dans cet endroit bien isolé, curieuse découverte que cette chapelle moderne, construite sur une butte, dans une ancienne propriété rurale ;  c’est une propriété privée mais toutefois l’autorisation de visiter la chapelle est accordée facilement auprès de la direction .

Selon les périodes, sur les cartes, j’ai trouvé Sufrechon, Sufrachoix ou Sufrechoix, Sufrechoy, Sufferchoix. Peut-on rapprocher ce toponyme du provençal soufrachou (=souffreteux) ou du bailli de Suffren, né dans la commune limitrophe de Saint-Cannat ? au début du XIXe cet ancien domaine rural appartenait à la famille d’André Balthasard Ricard ; à sa mort, le domaine est démantelé entre tous les héritiers (Jérôme, Gilles, Adélaïde fille de Gilles, Louis, Gaspard, André, Jean-Baptiste) ; Gaspard obtient le premier étage d’une maison, Jérôme l’étage d’une seconde, Gilles les deux étages d’une troisième. A côté du bâtiment rural, l’écurie, à côté d’un autre une cour murée et un four qui, d’après le plan, devait se trouver dans la tour ronde devenue pigeonnier. Dans ce contexte le domaine ne pouvait garder longtemps sa vocation agricole.
Depuis 1980, c’est le Foyer de Charité de Marseille qui s’y est installé ; de nombreuses constructions autour du noyau ancien ont transformé le domaine rural en lieu de retraite spirituelle, éloignée de la civilisation et dans le calme de la nature environnante.

La mission principale des Foyers de Charité est de participer à la nouvelle évangélisation par la prédication de retraites spirituelles ouvertes à tous.

Les foyers de la charité au bord de l’implosion

[L’oratoire de la Vierge Marie] date de 1986 et se situe à Sufferchoix. Il fut dessiné par Pierre Gazhanes, construit par Jean Boyer et quelques bénévoles des Amis du Vieux Lambesc. Fait de pierres sèches, sa toiture ressemble à un ancien four à pain. Route des oratoires. Juste en face de l’oratoire sur la petite route allant vers Lambesc se trouve un ancien puits dont l’eau alimente toujours le foyer… Manou a trouvé un ancien rouleau servant à dépiquer1 le grain, bien loin de l’aire de battage qui se trouvait derrière la chapelle. Photos dans la bulle de Manou

Autour de la maison, une vaste étendue de pinèdes et de garrigue offre de nombreux sentiers pour la promenade ou la détente, dans un calme absolu… sauf quand passe le TGV, 20 m en dessous du foyer.

Pour le retour, André propose un sentier qui passe sur l’ancien domaine de chasse des seigneurs de Forbin.

Ils sont propriétaires du château de la Barben depuis le XVe siècle. C’est la femme de Claude Melchior de Forbin la Barben – pour un mariage de raison, il était allé la chercher dans les Alpes-Maritimes – qui hérite des terres en 1854 : elle s’appelait Marie Pauline Véronique du Creps de Saint-Césaire (cadastre napoléonien état de section B). Généalogie de la famille Forbin.

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