De Maussane aux tours de Castillon


30 août : niveau vert, le vent annoncé par la météo a baissé depuis hier, je vais à Maussane sur un circuit préparé de longue date. Le grand parking Agora Alpilles est aménagé le long du GR, non loin de l’ancienne gare, avenue des Alpilles.
Le village prend le nom de Paradou au moment de la Révolution et se recentre autour des moulins à foulon qui « parent » le drap (lou paradou, en provençal) d’où le nouveau nom de la commune qui voit le jour le 23 septembre 1796 soit le 1er vendémiaire de l’an V, après détachement de celle des Baux.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Le parking se trouve en face de l’ancienne gare de Maussane ; [début GR653A Compostelle Arles-Menton] le chemin des Batignolles réutilise cette ancienne voie ferrée Arles-Lamanon activée en 1887, fermée en 1951 au profit du transport routier. La voie devenue piétonne longe de belles propriétés, passe devant des oliveraies et insensiblement arrive sur la commune du Paradou. Au carrefour où se trouve une croix de chemin, le GR653D continue devant le Mas d’Escanin annoncé par une vieille pierre gravée ; sur la gauche, une grange puis un superbe cadre ombragé.

Mentionné comme moulin dès 1623, c’est une grande propriété agricole, un « mas » traditionnel pourvu de son moulin à huile et de son moulin à farine.
Textes de M et D Valadier pour l’Association Archéologique du Paradou – 27 novembre 2012

La Revue de Provence et de Langue d’Oc : artistique, littéraire, scientifique et historique, P. Ruat, Volumes 7 à 10, 1905 évoque le rassemblement des villageois lors des récoltes ou des fêtes,  immortalisé par le poète Charloun Rieu qui y était ouvrier agricole : il tirait la barre du moulin à huile et se livrait à mille travaux champêtres. écrit à sa mort le Journal des débats politiques et littéraires, 16 juin 1930.
Biographie de C. Rieu sur le blog de la généalogiste M.-L. Bicais-Muller

Une branche de peuplier blanc est apporté le matin du château d’Escanin sur un char enguirlandé de fleurs et de verdure. Le cortège rejoint un tertre gazonné au pied de l’ancien hôpital où est présentée la reine en costume d’arlésienne. Les Félibres à tour de rôle lisent leurs œuvres, juchés sur une estrade improvisée. Applaudissements pour Charloun Rieu (1846-1924), Léopold Vidau (1862-1926), Guillaume Laforêt (1877-1937).
D’après Les Baux et Castillon : histoire des communes des Baux, du Paradou, de Maussane et de Mouriès, L. Paulet, Impr. centrale de Provence, 1902

Cette fête existait donc encore fin XIXe. Lors de la fête littéraire on y chante sous les platanes la célèbre mazurka souto li pins (vidéo) de Charloun Rieu, que l’on apprend dans tous les cours de provençal.

Sur le cadastre napoléonien le propriétaire du château d’Escaneng est le maire du Paradou Chassany de Vaumalle, sur lequel je n’ai trouvé strictement aucune information ; sur le forum geneanet, Jean Raymond Castor Chassanis épouse une demoiselle de Vaumalle et se fait appeler Jean Raymond Castor Nismes Chassanis de Vaumalle, sans posséder un quelconque titre de noblesse !

Château d’Escanin, fm34

Un peu plus tard, le domaine est vendu à Louis Etienne Charles Ratyé (°1822 – + 1866 Nîmes). Dans la cour, un monument en forme d’obélisque abrite une statue dans une niche. La grande tour carrée, avec ses airs de ‘Tour Carrée du fort Saint-Jean‘, voudrait passer pour ancienne avec ses pierres lisses et régulières mais elle a probablement été construite fin XIXe ou début XXe siècle, par l’un des héritiers Ratyé vivant au château qui l’aurait élevée pour occuper sa retraite  ; [elle] témoigne seulement de l’admiration d’un membre de cette famille pour Viollet-le-Duc. Textes de M et D Valadier pour l’Association Archéologique du Paradou – 27 novembre 2012

  • Etienne Paul (°Paris 1846,+ ??? )
  • Charles Etienne Ernest (°1851,+1926), lieutenant de vaisseau, basé au port de Toulon, légion d’honneur (bulletin 118 des Amis du Vieil Arles)
  • Jules Etienne Robert (°1854,+1929), viticulteur, légion d’honneur (bulletin 118 des Amis du Vieil Arles)
  • Jean Etienne Charles (°19/03/1863 Lyon -x Léonie Marie J. Vincenot, + 20/09/1946 Paradou), entré dans la marine en 1880, contre-amiral en 1917, vice-amiral en 1921. Maire du Paradou à la mort de C. Rieu en 1935 (Le Petit Marseillais, 21 avril 1935)

Un groupe de douze élèves du Paradou a étudié l’eau ‘au fil de l’Arcoule’ ; il signale la présence d’un vivier dans lequel on élevait des poissons conservés ensuite dans une glacière. Bulletin municipal n°5, 2015.
Quant à la chapelle du XVIIIe, elle cumule deux fonctions au début du XIXe : grange et chapelle…

Les vieux outils, dan13520

Au carrefour des chemins (la Burlande et  Escanin), une croix en fer forgé présente un bon dieu noir. Délaissant l’ancien chemin de Maussane qui passe non loin de ruines romaines et d’une borne de transhumance (voir dans ce blog La branche nord de l’aqueduc de Fontvieille), je continue le long d’un chemin bordé de pins ; des martelières régulent l’eau des roubines.

Le GR tourne à gauche, passe devant l’écurie des Alpilles, longe le canal de la vallée des Baux, devient caillouteux, traverse une forêt de terre rougeâtre. Côté droit, mon regard est attiré par une construction carrée et un mur à l’endroit d’une ancienne mine. [fin GR653A Compostelle Arles-Menton] Le chemin longe la frontière entre Fontvieille et Paradou et passe sous le pont du canal qui laisse fuir quelques gouttes d’eau. Bientôt au mas de la Plantade, je retrouve la route.

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La glacière des Bouissières à Lurs


Depuis un an, nous avions prévu de nous retrouver au bistrot de Lurs, nous, les quatre copines de rando d’Aix. Mais il fallait mériter ce repas : le matin, nous avons marché sur le plateau de Ganagobie, en passant par Ville-Vieille et en longeant la falaise ; la messe à l’abbaye ne nous a pas permis de visiter l’intérieur.

L’après-midi, après le repas au bistrot de pays, il fallait plutôt une promenade digestive : je suggère la glacière des B(o)uissières1.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

L’album photos

Rapide aller-retour sur le chemin des Ecritures, installation proposée par les Rencontres internationales de Lure et réalisé par la communauté de communes Pays de Forcalquier-Montagne de Lure.

  • la bibliothèque,
  • la table de Vox et ses caractères d’imprimerie, tous différents et pourtant avec des liens de parenté qui les unissent. Les polices avec Serif (avec empattements) traditionnelles comme la Times New Roman des traitements de texte ou sans serif (sans empattements) utilisées pour une meilleure lisibilité sur internet ; la famille des didones, l’écriture de luxe (La Georgia et la Bodoni) avec un fort contraste entre les pleins et les déliés et des empattements horizontaux, les réales,..
  • les multiples alphabets présentés chacun sur un plot : alphabet pictographique, phonétique, romain, etc.

Nous cherchons le GR653D, chemin de Saint-Jacques ou voie d’Arles qui part de Montgenèvre ; haut de  2m50, l’oratoire sainte Marie Madeleine sur la traverse du Barri, le matérialise ; le sentier mal entretenu semble traverser le jardin d’une propriété privée : les copines hésitent. Je leur montre le balisage rouge/blanc ; il n’y a pas d’erreur. Le sentier herbeux va descendre, longeant des champs, des oliviers dans un décor campagnard. En se retournant, le village perché de Lurs apparait en entier. Je marche en tête quand j’entends des chiens en liberté aboyer sur les copines qui les ignorent. Pas très rassurant mais ne dit-on pas qu’un chien qui aboie ne mord pas ? A la Casse2, nous retrouverons une petite route revêtue qui continue à descendre.

Nous passons devant un lavoir qui n’a plus d’eau. Deux ilôts d’arbres ont envahi des ruines au milieu du champ. Au carrefour avec le chemin qui mène à le Lauzon, nous prenons la montée dans les bois jusqu’au panneau d’information devant la glacière. Ne figurant pas sur le cadastre napoléonien, elle daterait du milieu du XIXe. Une structure artisanale classique permettant de stocker puis conserver de la glace jusqu’au printemps suivant ; elle sera alors acheminée chez les commerçants, sur les marchés, dans les hôpitaux,…

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** La chapelle Saint-Pons depuis Valbelle


Je me suis laissée embarquer jusqu’à Valbelle (04) dans la vallée du Jabron, non loin de Sisteron ; ce n’est que le matin avant de partir que j’ai regardé quelques photos sur internet et commencé à avoir peur. La randonnée, même si l’on ne va pas au-delà de la chapelle par la vire étroite qui contourne la falaise, me semblait difficile. Trop tard pour reculer…

L’album partagé, l’album de Yves Provence (2012)

Nous partons du hameau des Richaud, où un parking est prévu. C’est André qui nous guide. Petit coup d’œil à la fontaine de 1819, portant au-dessus la date de 1928 (restauration ?) et à gauche une bibliothèque de rue. L’eau de la fontaine était-elle alimentée par la rivière Biaysse qui donnait des pouvoirs de sorcier aux villageois ?…

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Selon l’abbé J-.J.-M. Féraud, Histoire, géographie et statistiques du département des Basses-Alpes, Digne, 1861), les gens de la Tour (la Tour, nom du village avant 1650), hameau au nord des Richaud, sont surnommés sourcié.

A Valbelle, tout le monde était plus ou moins sorcier […] il suffisait, pour le devenir, de boire l’eau de Biaysse, belle source qui coule dans le pays. […] cette fontaine doit sa réputation aux sorciers beaucoup plus que ceux-ci ne lui doivent leur pouvoir. Annales des Basses-Alpes : bulletin de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes : essai de folklore bas-alpin : quelques légendes (suite et fin), Société scientifique et littéraire des Alpes-de-Haute-Provence, T. XIII, 1907-1908

Selon Victor Lieutaud, Les faux témoins de Manosque et les sobriquets topographiques bas-alpins : 9 novembre 1616 [thèse universitaire 1905], ceux de Valbelle sont des cuou rasa : ne me demandez pas pourquoi !

La lucarne d’envol du pigeonnier est intégrée dans le mur de l’habitation, et entourée de carreaux vernissés colorés pour empêcher les rongeurs d’y pénétrer. La tour de l’Horloge ressemble plus à une maison qu’à un bâtiment public. Bientôt le chemin de Marguerite passe dans les champs et la montagne de Lure apparait entre deux montagnes : celle de gauche abrite la chapelle que l’on ne voit pas encore. Nous n’avons pas vu l’oratoire Sainte-Marguerite : dommage car il aurait pu servir de point de repère : 80m après, il faut continuer tout droit et trouver la source captée.
Après le lit d’un ruisseau à sec, nous trouvons les murs d’une cabane à côté d’un champ ; nous obliquons légèrement à droite jusqu’à un cairn de 3 pierres mais le sentier prévu n’existe plus ; après plusieurs minutes de recherche dans le sous-bois sous lequel nous captons mal, nous renonçons pour suivre l’autre. Il mène à un puits et un long abreuvoir puis rejoins, raide, le sentier par lequel nous aurions pu arriver plus rapidement. Croisement avec le GR6.

Aussitôt nous suivons le PR Chapelle Saint-Pons (balisage jaune) ; PR=PRomenade ou Petite Randonnée ; ne vous y fiez pas, c’est un peu plus que cela. Sentier de plus en plus raide, de plus en plus étroit, côtoyant le vide et parfois glissant. A l’altitude 747, il est possible d’apercevoir la chapelle, presque 200m au dessus de la tête ; elle est collée à la paroi rocheuse et semble nous narguer, tant elle paraît proche et pourtant, pendant un long moment encore, inaccessible. Ce n’est qu’à la dernière minute qu’on découvre un étroit escalier de pierre puis le passage par un pont suspendu sur une faille.

… l’abside en cul-de-four et le chevet  […] sont en petit appareil assez régulier ; ce caractère joint aux impostes de l’abside, à méplat soutenu par un chanfrein en forme de cartouche curviligne, incitent à placer à la fin du XIe siècle cette partie de l’édifice. Raymond Collier, La Haute-Provence monumentale et artistique, Digne, 1986

Ce petit sanctuaire rupestre nous reporte à l’aube du christianisme. La chapelle est bâtie partiellement sous un surplomb rocheux qui la protège. L’abside a conservé une couverture de lauzes.

Nous posons les sacs à dos à l’intérieur, près des quelques marches et du bénitier quadrangulaire. Si ce bénitier est bien  un cippe1 renversé (selon la Carte archéologique de la Gaule), la chapelle aurait été bâtie sur un site paléochrétien du Ve siècle.
Au fond de l’abside, sous une ouverture, un autel est constitué par un parallélépipède maçonné. Le petit autel moderne placé devant, ne cadre par avec les lieux. Sur le cahier qui s’y trouve, je laisserai la trace de notre passage.
Au sud de la nef se trouvent une porte et deux fenêtres à claire-voie au travers desquelles on voit les strates de la roche et le travail de la tectonique.

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