Voici une seconde version de ma visite au vieux Redortiers, autrefois dernier village au sud du Dauphiné.
Anecdote : un certain Bouscarle, vers les années 1950, en abattant un hêtre mort, retrouva en son cœur une croix enserrée dans le fil du bois. Il y vit une manifestation surnaturelle ; ce n’était que la marque de la frontière entre le Dauphiné et la Provence datant de 1630…)
La première randonnée, Du Contadour au vieux Redortiers, pays de Giono, passait aux Graves, second lieu d’accueil des amis de Giono, mais sans GPS, l’itinéraire – vert sur la carte en bas de page – est difficile à trouver.
Si jamais vous passez par chez moi […] je vous montrerai un spectacle étrange : une région de collines et de plateaux où dorment sept à huit petits villages absolument déserts. L’herbe pousse dans les ruelles, les toitures s’enfoncent, les orties fourrent les fenêtres basses. Un grand silence les enferme […] tous les habitants de ces villages ont été mangés par Marseille. Lettre de Giono à Lucien Jacques, 1922
Les photos de Yves Provence
Promenade en Provence, dans l’univers de Jean Giono, site de Michèle Reymes qui connait tout de Giono, sa biographie, ses livres, ses films,…
Il fait très froid ce matin, le mistral balaie le plateau en rafales et quelques tas de neige nous rappellent que la température est proche de 0° et celle ressentie proche de -5°. Pour les canadiens, cela correspond à un refroidissement éolien de -7, sans risque pour la santé. Alors, allons-y ! Les marcheurs, à part Majo qui a toujours chaud, se sont chaudement habillés d’un coupe-vent, d’une écharpe et de gants.

Nous passons devant le moulin de Giono qui a conservé son mur à arcades, avec en arrière-plan un plateau de Contadour désormais reboisé.
2-1 Hommage à Jean Giono (le moulin), Gandalf13 adoptée par YvesProvence
Nous ne sommes partis qu’après avoir acheté tous ensemble une maison, une citerne et un hectare de terre autour. Là est désormais notre habitation d’espoir. Jean Giono, préface, Les vraies richesses
A travers champs, nous rejoignons un sentier d’exploitation nommé Oreille et Père-Grand sur google map, de l’autre côté de la D5, sans même remarquer que nous sommes à quelques pas de la maison des Graves qui accueillit les Contadouriens quand le moulin devint trop petit. C’est près de la propriété du pacifiste Giono que le résistant Martin Bret cacha les réfractaires au STO dès février 1943. Fin 1944, ils sont une cinquantaine bientôt dispersés aux Fraches et à l’Héritier. ADRI/AMRID, les chemins de la Liberté sur les pas des résistants de Haute-Provence, Gallimard, 2004
Si vous avez l’impression que le sentier se perd, rappelez-vous qu’il longe la route.
Nous côtoyons des champs de sauge sclarée mais personne dans le groupe ne peut le confirmer ; c’est une plante aromatique dont on extrait une huile essentielle reconnue pour ses vertus analgésique, anti-inflammatoire, antioxydante, antimicrobienne et riche en oméga 3. En cuisine on peut la mettre dans la soupe. Plantes aromatiques
Puis ce sont les champs de lavande à perte de vue avec côté sud-ouest le signal de Saint-Pierre et peut-être même le Mourre-Nègre du Grand Luberon. Le sentier descend jusqu’à la distillerie de lavande de la Boutonnelle, maison d’hôtes où l’on vend également de la crème de marrons. Nous cheminons sur la route très tranquille jusqu’à la cache d’où nous apercevons les ruines du vieux village de Redortiers.
2-2 Hommage à Jean Giono (Vue sur Redortiers), Gandalf13 adoptée par YvesProvence
Nous quittons la route par la gauche et en une large boucle en descente retrouvons le GR de pays dans le vallon de la Baume. Variante : rejoindre les Sartrons, l’école de Redortiers, complètement isolée où la femme de Giono enseigna quelque temps en 1918 ; une des scènes de Crésus est filmée dans cette école, celle où Jules redescend voir son ancienne institutrice :
mademoiselle Delphine, ça serait au sujet du zéro. […] Comment ça se multiplie ? […]

Nous remontons le vallon sur une piste empruntée deux fois par le même 4×4, jusqu’au lavoir-fontaine si différent des autres, avec sa voûte asymétrique et ses deux espaces séparés par un bas muret de pierres ; sur le côté gauche, l’abreuvoir pour les chevaux, les moutons transhumants qui s’acheminaient vers les pelouses des Fraches et de Carlet ; au fond de cet édifice ponctué de touffes de fougères capillaires, plusieurs fontaines pour remplir jarres et bonbonnes, et une ouverture carrée taillée dans le rocher d’où rien ne coule ; à quoi servait-elle ? en marchant jusque là sur les pierres humides, je découvre une canalisation orientée est-ouest abritée dans une galerie derrière le mur du fond du lavoir ; selon moi, il alimentait le lavoir à partir de l’eau du vallon de Brenc2 désormais à sec, venant des Roustourons (encore visible sur la carte IGN de 1950). Aujourd’hui seule l’abondante Riaille3 alimente la fontaine. Sur le côté droit, le lavoir avec ses pierres à lavoir inclinées vers le second bassin. Voûte asymétrique pour le style ou erreur de construction ?…
2-3 Hommage à Giono (le lavoir), Gandalf13 adoptée par YvesProvence
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