Grambois, Regarde-Moi-Venir


Trois raisons pour lesquelles j’ai eu envie de participer à cette randonnée proposée sur le site OnVaSortir : l’organisateur, YvesProvence, la convivialité du groupe de marcheurs et le titre de la rando qui m’interpelle « Regarde Moi Venir ». La placeNous avons rendez-vous sur la place de la bibliothèque-bar-boulangerie de Grambois à 10h : il est déjà plein ! Après le mot d’accueil et les consignes habituelles (il en est une que j’aime particulièrement : c’est qu’on s’arrête quand on veut, il suffit de le demander),  nous quittons le village.

Ruine en cheminPremier arrêt à l’oratoire Notre-Dame de Miséricorde de 1851 est situé sur la D33 au niveau de la fourche qui mène à droite vers Mirabeau et à gauche vers Beaumont-de-Pertuis : c’est déjà un chemin ; les discussions vont bon train ; nous traversons la D22 et reprenons un chemin d’exploitation près du Jas de Bertet. Après être pssés à côté d’une source sans nom, nous observons avec intérêt la boîte aux lettres et la sonnette rustiques d’un propriétaire. Boite aux lettres et sonnette rustiquesUn arbre, un arbusteDevant cet arbre, nous nous interrogeons : deux arbres ou un arbre envahi par un arbuste ? de tout côté, des vignes à perte de vue : à mon grand étonnement, le vignoble des Coteaux de Grambois situé au pied du massif du Luberon, réunit aujourd’hui 96 vignerons et couvre 586 ha de vignes.

Regarde moi VenirArrêt aux Chabuis le long des vignes pour la première pause puis arrivée à « Regarde-Moi-Venir » écrit en grandes lettres gothiques sur la façade de la maison. A mon avis, cette importante propriété agricole ne porte ce nom que depuis la Révolution Française (vente aux enchères ?) ; recensée sur la carte de Le poney de Regarde-Moi-VenirCassini vers 1775, elle portait le nom de ‘Clos du Mûrier‘. Le propriétaire, fort gentiment, nous accompagne sur le bon chemin et nous laisse près de son poney au superbe poil ébène brillant et bien brossé. Quand on lui demande l’origine de ce nom « Regarde-Moi-Venir », il évoque avec des doutes les ruines sur la colline au sud-est d’où l’on voit venir les gens. Ces ruines et cette maison se trouvent sur la même parcelle cadastrale portant le nom de « Regarde-Moi-Venir ».

ruines ancienne commanderie 1838Traversée dans la garrigue (photo Claude)Nous continuons maintenant dans un sous-bois humide puis, surprenant, dans une garrigue caillouteuse où embaume fortement le thym ; forcément, certaines en profitent pour faire la cueillette. Où est le sentier ? Ruines sainte-madeleine de RouyèreMur d'enceinteRuines de la porteà peine visible, il circule entre la végétation basse, grimpe et descend, tourne de droite et de gauche puis rejoint une piste bien plus claire. C’est le montant de grimper aux soi-disant ruines des Templiers ; au sommet de la colline, les broussailles ont envahi les ruines ; on manque de se prendre une branche dans l’oeil ; on distingue pourtant une citerne de pierre, quelques caves et peut-être même un petit aqueduc. Sur le côté sud, une salle voûtée en berceau brisé était éclairée par des jours à linteau en plein-cintre. D’après le plan cadastral napoléonien, la propriété a la forme d’un quadrilatère ceint de murs dont nous avons retrouvé quelques vestiges.

Grambois Cassini 1775Je regarde la carte de Cassini et m’aperçoit que la mention des Templiers n’y figure pas. A cet endroit est écrit « Royère » ; une simple recherche internet sur ‘Grambois’ et ‘Royère’ m’amène sur le site des travaux récents d’une chercheuse.  Avant de vous expliquer son point de vue, remarquez sur la carte la mention de Limaye reconnue par la plupart des historiens comme une commanderie des Templiers (Deux preuves : une cense annuelle confirmée en 1128 par Bertrand III, comte de Forcalquier ; une donation de Isnard Amic en 1219 à Pons de Limaye, commandeur) ; quelques uns pensent encore qu’il y a eu confusion entre Limaye et Limans dans les Alpes-de-Haute-Provence. Notre dame de la Cavalerie de Limaye (Bastide des Jourdans) est bien la chapelle des Templiers ; malheureusement, beaucoup de documents d’archives de cette commanderie ont disparu.

Avant que La Bastide des Jourdans  n’existe, en 1225, par la volonté du comte de Provence, Raymond-Bérenger V, Limaye faisait partie du territoire de Grambois […]. Avant cette date, les Templiers ont construit une véritable forteresse, le long d’une voie allant de La Tour d’Aigues à Manosque en passant par Sainte-Tulle, voie oubliée aujourd’hui.
Cette forteresse, […] est dite en 1720, lors d’une visite pastorale de l’archevêque d’Aix, Sainte-Madeleine [de la Rouyère], qui rappelle une léproserie, la lèpre ayant presque disparu à cette époque. Le lieu est dévolu aux Hospitaliers-St-Jean de Jérusalem […] vers 1308-1309. C’est eux qui évoquent à cette date de 1720 : le domaine de la Madeleine, anciennement des Templiers.
Etude réalisée par Christiane Boekholt. Mai 2013 sur les Templiers de Limaye

En conclusion : si la terre appartenait bien à la commanderie des templiers, elle a probablement été récupérée par les Hospitaliers de Saint-Jean qui ont construit cette maladrerie Sainte-Madeleine (la plupart de ces établissements sont voués à Sainte-Madeleine).
Une randonnée sur ce thème en Ardèche : la maladrerie des Templiers

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GR 2013 urbain : Martigues (2ème partie)


Cet article fait suite à la publication du GR 2013 : de Chateauneuf à Martigues (1ère partie), le sentier de grande randonnée inter-urbain balisé à l’occasion de Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture ; le parcours a été réalisé en une seule journée mais je vous le présente en deux articles. Partie avec quelques préjugés à cause de la proximité de l’étang de Berre et des industries chimiques, j’ai finalement été séduite par ce parcours : agréable promenade le long de l’étang (pas de pollution visible), cheminement dans de petites ruelles calmes chaque fois que possible, un site archéologique à ciel ouvert et un final à la chapelle Notre Dame des Marins. Beaucoup de variété dans les paysages, beaucoup de découvertes mais selon moi, ce GR n’a d’intérêt qu’accompagné par des guides connaissant les lieux comme ceux des associations locales de la Fédération Française de Randonnée.

La météo à cet endroit
avec prévisions à 3 jours

Le littoral est un espace industriel gagné sur l’ancien étang de Caronte par remblaiements successifs : des entrepôts et le stockage à sec de bateaux de plaisance occupent les rives Sud du chenal de Caronte. Extrait de la fiche 18 : la chaîne de L’Estaque, la nerthe, la côte Bleue, CG13

A la découverte des belles Martigues, Med &Vero wouhou

Il me faut traverser d’abord l’emblématique pont levant qui laisse enter les bateaux dans le chenal : il  faut attendre une vingtaine de minutes pour que s’opère la manœuvre d’ouverture et de fermeture du pont levant.

[Le pont levant], curiosité touristique pour les uns, fâcheux contretemps pour les autres. Selon Revue reflets n°36

Le pont levant date de  1962, il a remplacé l’ancien pont tournant (1929) dit « le Pont du Roi ». Il relie l’Île et Jonquières. 1 500 ouvertures par an en moyenne. Depuis 1962, trois accidents mortels sont survenus : le dernier […] dans les années 90, a causé la mort d’une dame qui a voulu traverser et enjamber le vide alors même que les barrières piétonnes étaient fermées. Le pontier se plaint des automobilistes qui ne respectent pas le feu rouge, poussent les barrières de sécurité ou lui lance un signe rageur. Deux tiers du trafic concernent les bateaux de plaisance, un tiers les navires marchands, gaziers et chimiquiers, qui livrent la raffinerie de Berre. Revue municipale Reflets n°36

Pour la dixième année, le désormais traditionnel village de Noël de Martigues se réinstalle sur le quai des Anglais. Je me faufile entre les chalets de bois n’ayant pas trop le temps de découvrir les créations des artisans : bijoux, maroquinerie et… stands gastronomiques.

Je longe maintenant l’étang de Berre ; un cygne élégamment virevolte sous mes yeux ; entre espace vert et littoral, la promenade ne s’apparente plus à de l’urbain. Le GR tourne à droite, à gauche, empruntant de petites ruelles calmes, et débouche sur Tholon en travaux.

Quel n’est pas mon étonnement de me trouver face aux fouilles archéologiques de Tholon, indubitablement liées au captage et à l’utilisation de l’eau douce sur le site : long bassin de lavage (1780-1960) et d’évacuation de l’eau de la source de Tholon dont on a retrouvé les citernes, les conduites, le captage, les galeries  ; en contournant le site barré, je découvre des murs antiques, des îlots d’habitations, des voies caladées, en cours de restauration. Dans l’îlot d’habitation ci-contre, de remarquables éléments des parois murales peintes et décorées à la fresque ont été mises au jour. Pour rénover le site, certaines pierres seront remplacées par de la roche du Pont du Gard, les carrières de La Couronne n’étant plus en fonction.

En 1998, le service archéologique de la ville de Martigues a identifié l’agglomération antique, connue par les textes sous le nom de Maritima Avaticorum, occupée entre le 1er siècle av. J.-C. et le Ve siècle apr. J.-C. Il y aurait même dans l’eau, sur près de 1 ha, des vestiges d’aménagements portuaires antiques. Lors du déclin romain et la prise d’Arles (480) Maritima Avaticorum, non fortifiée et exposée dans la plaine, est abandonnée au profit des hauteurs (ancien oppidum de Saint-Blaise par exemple).

De l’église du moyen âge – Sancta Trinitatis de Tullone – il ne reste plus rien mais la citerne de la source de l’Arc pourrait presque fonctionner à nouveau ; une date (1817) et le nom du bâtisseur (B. Courbon) sont gravés dans la pierre sur le côté intérieur d’un mur.

En fonction au moins dès le XVIIIè siècle, elle est composée dedeux réservoirs voûtés en plein cintre, maçonnés en pierre de taille, dont les façades sud et nord apparaissent percées de plusieurs ouverturess, destinées au puisage de l’eau. Jean Chausserie-Laprée

Sur le côté, quelques marches sont encore visibles : l’étage auquel on accédait servait probablement de salle de pompage de l’eau stockée dans les citernes. Une photo extraite du document de Chausserie-Laprée montre le bâtiment surmonté d’un étage en maçonnerie de pierre, lui-même couvert d’une toiture de tuile.

Un peu plus loin, pas moins de cinq bassins contigus de dimensions différentes ont été mis au jour (100 m2 env.) et bâtis à même le terrain naturel de marne : quel intérêt avaient-ils pour la communauté ? Recouverts à l’origine d’un béton de tuileau hydraulique, ils sont caractéristiques des structures antiques destinées à accueillir des liquides : souvenez-vous de l’archéologie de l’aqueduc romain de la Traconnade. Le grand bassin en contre-bas, semble être le réceptacle des quatre autres. Bien qu’il y ait quelques ressemblances avec le vivier romain que j’avais vu à Fréjus, l’architecte de Martigues pense plutôt à une citerne d’eau douce. Entre la fontaine de la source de l’Arc au nord et le lavoir de Tholon au sud, un aqueduc enterré traverse la parcelle.

Je traverse le site désert de l’école de voile de Tholon, école qui en 2010, organisait les championnats du monde de planche à voile. Tiens, le lycée Paul Langevin, établissement scolaire dont le nom m’est très familier (je travaille dans l’éducation nationale) mais que je n’ai jamais visité.

Les sondages exécutés sur le parking du lycée ont permis d’appréhender précisément l’extension du site antique, bordé par une large route périurbaine, […] qui mettait en relation Arles et Marseille par la voie côtière. Jean Chausserie-Laprée

Restitutions et mise en valeur d’habitats : l’exemple de Martigues (Bouches-du-Rhône, France), Jean Chausserie-Laprée, 2008 (?)

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Le torrent de Barnafret, la mère des fontaines


Petite balade familiale bien agréable en forêt de Morgon : fraîcheur, calme en bordure du torrent de Barnafret au pied du Grand Morgon. Long de 5km300, il traverse 3 communes. Le préfet des Hautes-Alpes au début du XIXè siècle ne parlait que de pauvreté et drames en évoquant Savines. Les temps ont bien changé avec Serre-Ponçon.

Le mandement de Savines ne tire de la forêt de Morgon et d’une autre […] que des ressources à peine suffisantes au chauffage, à la construction et l’entretien de leurs bâtiments. l’administration ne doit leur y permettre de coupes extraordinaires qu’en cas d’incendie, ou afin de couvrir les frais de digues contre la Durance et le Réallon. Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes Alpes, J.C.F. Ladoucette, Paris, 2ème édition, 1834

La météo à cet endroit
avec prévisions à 3 jours

Tout en petites montées et descentes, le sentier longe le torrent, passe et repasse sur le Barnafret par de petits ponts de bois. Un ancien aqueduc à droite du sentier, acheminait l’eau depuis les sources captées, elles-mêmes reliées aux citernes les plus basses. En été, lorsque leur débit faiblissait, un ingénieux système de déviation du ruisseau était activé. L’eau traversait plusieurs citernes en cascade ; elles constituaient chacune un filtre, une réserve avant d’être envoyée dans la canalisation en terre cuite qui alimentait les fontaines du village et les jardins. D’après le panneau d’information sur place.

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